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Faut-il préférer la certitude au doute ?

Publié le 20/01/2011

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Lorsqu’on est certain, on est à la fois convaincu d’avoir raison et d’avoir la preuve que l’on détient la vérité. Au contraire, douter, c’est remettre en question des prétendues vérités. De nos jours, beaucoup d’Hommes sont certains d’avoir raison, notamment au niveau religieux, et on aurait tendance à leur tenir ce caractère comme une qualité grâce à l’assurance que la certitude leur procure. Cependant, il est incontestable qu’il n’existe objectivement qu’une seule vérité, et, par conséquent, puisque tout le monde n’a pas la même vision du monde, on peut dire que beaucoup d’Hommes ne détiennent pas la vérité et ne devraient donc peut-être pas être certains de leurs convictions. Peut-être devraient-ils se demander s’ils ont réellement raison, si le fondement de leurs certitudes est toujours incontestable, et donc douter de leurs propres vérités. Alors, faut-il vraiment préférer la certitude au doute parce qu’elle permet d’avancer en apportant de la confiance en soi et de l’assurance, tout en sachant que cela présente des risques d’aveuglement et d’enfermement dans un monde probablement illusoire ? Le doute semble empêcher d’avancer puisqu’il permet difficilement de se décider, mais est-il négligeable pour autant ? Ne permettrait-il pas d’évoluer mais sur un plan spirituel, qui pourrait peut-être nous faire avancer de manière indirecte ? Nous verrons donc dans une première partie l’importance de la certitude dans notre monde, puis nous montrerons le danger que représente trop de certitude, pour en arriver à l’importance du doute.

 

La certitude semble être un moyen de garder des repères : si on n’était certain de rien, alors tout serait ambigu, l’hésitation serait constamment présente, et les conséquences seraient sûrement désastreuses : beaucoup de personnes perdraient probablement l’esprit, se sentant complètement perdues dans un monde ou tout serait précaire, rien ne serait sûr et où il n’y aurait donc jamais aucune sécurité. Cela provoquerait certainement un état de panique générale. Le scepticisme, c’est-à-dire la remise en doute de toute vérité présumée, dans son absolu, bouleverserait donc toute pensée sur la vie, puisqu’on ne serait jamais sûr de rien. Les certitudes sont donc indispensables pour garder un lien avec le monde qui nous entoure, à condition qu’elles soient universelles. Par exemple, la femme s’accouple avec l’homme et non avec l’animal, c’est une certitude. Si le doute s’immisçait dans cette constatation, c’est le fondement même de notre espèce qui serait remis en question. C’est pourquoi la certitude permet de donner un sens à la vie. Si l’on ne vivait qu’avec des doutes, on ne saurait même pas pourquoi on vit et dans quel but, ce serait vraiment le désordre le plus total au niveau psychologique.

Un monde sans certitudes serait non seulement chaotique, mais, plus dramatique encore, il serait insupportable : comment être sûr que l’on est heureux ? Peut-être que cet homme me ment, peut-être qu’on se moque de moi, peut-être que tout cela n’est qu’un rêve, peut-être que c’est une hallucination, je ne sais pas, rien n’est certain… L’Homme, ayant cette particularité qu’est la conscience de soi, est enclin à la recherche du bonheur. Ainsi, il faut qu’il ait l’espoir de parvenir à être heureux. Mais pour être heureux, il faut en avoir conscience, et donc en être certain. Or, douter constamment de son bonheur ne peux pas rendre heureux, comme l’a dit Zola, célèbre écrivain français du XIXème siècle : « Aucun bonheur n'est possible dans l'ignorance, la certitude seule fait la vie calme «. Un monde incertain serait donc totalement invivable à cause du manque de fondements qui formeraient un minimum de réalité indéniable nous servant de repère. Un tel monde est donc tout simplement impossible. Des certitudes s’imposent d’elles-mêmes, elles sont indispensables à toute vie humaine pour qu’elle ait un minimum de sens, qu’elle ne soit pas désorientée.

 

Cependant, la certitude peut devenir pernicieuse si elle est poussée à l’extrême. Le philosophe Nietzsche l’avait déjà remarqué : « Ce n’est pas le doute qui rend fou, c’est la certitude «. En effet, la certitude peut se transformer en obsession et obnubiler le jugement sans vouloir écouter des opinions différentes, et donc être néfaste à autrui. C’est d’ailleurs ce que montre Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, le dernier film de Woody Allen : Helena, une femme âgée dépressive à cause de son divorce, possède une totale confiance en sa charlatanesque voyante qui lui assure que ce n’est pas le bon moment pour prêter son argent à sa fille, Sally, alors qu’Helena lui avait promis qu’elle l’aiderait financièrement à créer son entreprise. Sally, qui comptait sur sa mère pour réussir, se retrouve anéantie car elle a quitté son travail et n’a pas assez d’argent pour monter son entreprise seule. La voyante possède donc une emprise sectaire sur Helena, puisque celle-ci agira en fonction de ce que sa voyante lui dit, étant certaine qu’elle détient la vérité. Seulement, elle en est tellement certaine qu’elle met sa propre fille en grande difficulté financière. Sally a bien sûr essayé de lui faire comprendre que la voyante lui ment, mais Helena a trop confiance pour se remettre en question. De manière plus générale, une idéologie peut mener à l’ivresse de la passion : le communisme, par exemple, a provoqué des milliers de morts à cause de simples différences d’opinions… Il est donc indéniable que la certitude peut mener à la violence (qui commence par la pierre et finit par la bombe) lorsqu’elle devient trop extrême et aveugle à toute pensée différente.

Mais qu’arrive-t-il lorsqu’on se rend compte que notre vérité n’est pas la vérité, autrement dit que nous avons tort ? Reprenons l’exemple d’Helena dans le film de Woody Allen. Elle est tellement dépressive qu’il ne lui reste plus que sa voyante pour l’aider à garder un espoir de bonheur. C’est d’ailleurs sûrement en partie pour cela qu’elle refuse de remettre en doute la vérité de ses affirmations : elle ne saurait plus quoi faire si elle ne pouvait même plus lui faire confiance. Cependant, le retour à la réalité sera d’autant plus douloureux quand elle comprendra que sa voyante se moque d’elle et ne veut que son argent. Le jour où nous avons une preuve devant nos yeux que ce que nous croyions certain n’était qu’une illusion, nous pouvons tomber de très haut, cela peut changer toute une vision de la vie, en fonction de l’importance de la certitude, et un tel bouleversement peut avoir des conséquences psychologiques graves. C’est pourquoi, même s’il est beaucoup plus facile d’être certain que de douter, la certitude doit être limitée afin de ne pas tomber dans la folie passionnelle et de limiter par la même occasion le choc psychologique que pourrait engendrer l’effondrement d’une vérité que l’on croyait incontestable. Le doute est donc indispensable afin que la certitude ne s’extrêmise pas.

 

L’art de la philosophie elle-même remet en doute des vérités présupposées, c’est dire l’importance du doute : la philosophie n’aurait même pas lieu d’être si nous étions certains de tout. Une question philosophique entraîne d’abord une réponse presque instinctive, qui ne vient pas d’une réflexion préalable, mais plutôt qui la génère en se justifiant car on découvre que les vérités ne sont pas si souvent irréfutables. C’est pour cela que la philosophie remet en doute et cherche à convaincre à travers des arguments fondés en raison. L’artiste Léonard de Vinci a dit : «Celui qui ne doute pas acquiert peu «.  En effet, le doute sert à nous purger de nos illusions dans le but, tout comme la philosophie, d’atteindre la vérité (même si elle ne le sera probablement jamais), mais aussi d’acquérir de la sagesse. C’est aussi en doutant que l’on évite de se tromper. D’après Platon, son élève, Socrate « sait qu’il ne sait rien «. Paradoxalement, il était considéré comme le plus sage de sa cité. En fait, c’est en se proclamant ignorant qu’il était plus savant que les autres, parce qu’il avait conscience qu’il ne savait rien, alors que les autres sont certains de savoir des choses qui ne sont pas forcément vraies. Le doute est donc indispensable au chemin de la vérité.

Cette quête de la vérité permet à l’Homme de réfléchir et de s’améliorer en fonction de ce qu’il croit, ou plutôt en fonction de ce qu’il sait qui est faux. En d’autres mots, elle permet de le faire évoluer. Mais le doute qui mène à la vérité se crée également à travers le regard des autres. Comme disait le philosophe Paul Ricoeur, « le plus court chemin de soi à soi passe par autrui «. C’est en écoutant la philosophie et le regard critique des autres que l’on apprend à se connaître et à se comprendre. Ils nous permettent de nous remettre en question quant à nos actes et notre façon de penser. Par exemple, si une personne qui se dit ouverte ne supporte pas que l’on dise du mal de son film préféré, ne cherche même pas à comprendre les arguments de l’autre et le prend pour un idiot, on pourra lui démontrer qu’elle se prétend ouverte mais ne l’est pas vraiment, on remet donc en doute ce caractère. De cette façon, elle comprend grâce à l’autre qu’elle n’est pas en accord avec elle-même et qu’elle doit donc changer de comportement ou ne plus s’affirmer ouverte. C’est donc bien à travers le regard critique de l’autre que l’on devient soi, c’est-à-dire fidèle en acte et en pensée à nos opinions et à notre philosophie. Ainsi, en doutant sur nos certitudes, mais aussi sur la raison de nos actions et pensées, qu’autrui peut nous faire remarquer comme étant des erreurs, nous pouvons tirer des conclusions  qui nous permettent de nous rapprocher de la vérité et d’évoluer vers une humanité plus sage.

 

Après avoir vu qu’un minimum de certitudes était indispensable, puis que la certitude doit quand même être limitée et enfin que le doute est primordial pour que l’Homme évolue, nous pouvons dire que le doute est préférable à la certitude en cela qu’il permet d’avancer avec plus de prudence et de recul qu’en étant certain. Se poser des questions n’empêche pas d’agir mais de se faire surprendre par quelque chose que l’on n’aurait pas anticipé à cause de trop de certitude qui aurait altéré notre lucidité. Le grand philosophe Nietzsche a dit que les grands esprits sont des sceptiques. Effectivement, douter d’une prétendue vérité est sûrement plus perspicace que conserver aveuglément des certitudes sans les remettre en question.

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