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Faut-il renoncer à définir le beau ?

Publié le 17/09/2005

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Nos jugements de goût sont contradictoires puisque à la fois nous disons: « c'est beau », et renvoyons le jugement à la subjectivité de chacun. Et, de fait les jugements sont divers et il semble impossible de les ramener à l'unité. Mais, considérons les choses de plus près. Le consensus n'est-il pas étonnant ? Après tout n'y a-t-il pas moins de désaccord sur la grandeur de Sophocle, sur la beauté du ciel étoilé que sur la théorie du big-bang? Cet accord surprenant des esprits n'est-il pas l'indice de l'objectivité du beau ? Nous pouvons nous accorder donc que la beauté est quelque chose que nous saisissons dans l'objet.

« 6) Conséquence, est beau ce qui est vrai , ce qui rend visible.

« Rien n'est beau que le vrai, le vrai seul est aimable.

Il doit régner partout et même dans la fable » ( Boileau , « Art Poétique » ). II] Les définitions classiques de la beauté sont problématiques (antithèse) Quelles sont les implications de cette définition du beau ? 1) L'esthétique classique donne une interprétation dite intellectualiste du beau.

Par conséquent, l'émotion esthétique est le retentissement dans la sensibilité humaine des belles propriétés de l'objet qui ne peuvent êtresaisies que par l'entendement.

Seule la raison peut appréhender l'harmonie des rapports car un rapport est parnature quelque chose d'intellectuel.

On ne sent pas un rapport, on le comprend et on ne croit le sentir que dans lamesure où on n'a pas clairement conscience de l'opération intellectuelle.

« Ainsi quand nous trouvons un bâtiment beau, c'est un jugement que nous faisons sur la justesse et la proportion de toutes les parties en les rapprochantles unes aux autres.

Il y a dans ce jugement un raisonnement caché que nous n'apercevons pas à cause qu'il se faitfort vite » ( Bossuet ).

Le jugement de goût est un jugement de connaissance.

Nous avons une connaissance des proportions de l'objet et cette connaissance ne doit rien à la sensibilité, ou plutôt, elle ne lui doit que la mise enprésence de l'objet.

C'est la raison qui juge et le jugement de goût n'est pas par nature différent du jugementmathématique.

Donc, parce que le beau est une certaine proportion, le jugement sur le beau est un jugement deconnaissance effectué par la seule raison.

Ce n'est pas un jugement du type: « J'ai chaud », seulement subjectif, mais du type : « il fait 25 ° ». 2) L'art est un savoir-faire.

Un savoir (connaissance des règles) qui oriente un faire, une pratique supposant de l'habileté qui s'apprend par expérience. 3) L'art s'enseigne, fait partie des pratiques, humaines pouvant être transmises et apprises. 4) Le grand artiste n'est pas un génie, une personne exceptionnelle en vertu de dons mystérieux qu'elle tiendraitde la nature ou de(s) Dieu(x).

Ce qu'on appelle inspiration est l'effet du travail et de la connaissance.

Certes,certains individus peuvent être plus aptes à accomplir certaines tâches que d'autres mais il ne faut pas confondreaptitude et génie, talent et génie.

L'Idée que le grand artiste est un génie commencera à poindre au XVIIIe ets'imposera au XIXe (cf.

le thème romantique des tourments de l'artiste inspiré, génie méconnu - nécessairementméconnu puisque génial! - par son siècle et condamné à la misère,) c'est à dire au moment où l'interprétationintellectualiste du beau et de la création artistique sera rejetée et où on mettra l'accent sur la sensibilité et parsuite sur l'individualité de l'artiste et l'originalité de son œuvre.

Valorisation de l'artiste et de l'originalité vont de pairet résultent de la critique de l'esthétique classique platonicienne.

Nouvelle conception de l'art et du beau, nouvellesesthétiques ou manières de créer et nouveaux critères.

Et aujourd'hui encore nous considérons que l'originalité estle critère du beau (malheureusement ?). Pourquoi changer de critères ? Pourquoi avoir mis l'accent sur la sensibilité de l'artiste et du spectateur ? En quoil'esthétique classique n'est-elle pas satisfaisante ? 1) Assimiler le jugement de goût à un jugement de connaissance c'est dépouiller l'œuvre d'art de ses qualitéspurement sensibles (sons, couleurs, matière ...

) au profit de ses qualités intellectuelles (proportions).Or cesqualités font partie intégrante de l'œuvre d'art et de la beauté (cf.

Hegel ). 2) On peut effectivement argumenter, donner les raisons de notre jugement de goût mais ces raisons paraissenttoujours insuffisantes comme si du beau on ne pouvait rendre raison, comme si la raison était face à quelque chosequelle ne peut entièrement penser.

Il existe « un je-ne-sais-quoi » (expression du père Bouhours ) qui échappe à toute rationalisation. 3) L'esthétique classique elle-même n'a pas suivi les règles qu'elle dégageait.

Elle en cherchait de nouvelles,dérogeait aux anciennes.

Par exemple de Léonard de Vinci n'a respecté qu'en partie la règle du nombre d'or lorsqu'il a peint la Joconde. C'est alors que se pose le problème du jugement de goût.

S'il est de goût, repose sur la sensibilité et non deconnaissance, s'il ne repose pas sur la raison qui pense les belles qualités de l'objet, n'est-il pas seulementsubjectif? Peut-on échapper au relativisme esthétique: rien n'est beau puisque ce qui est beau ne l'est que pourcelui qui énonce ce jugement? A chacun sa vérité esthétique! Cependant lorsqu'on dit : « j'aime les navets », on n'attend pas de réponse.

Ce que l'on dit est purement informatif.

L'autre peut répondre par un « moi aussi ».

A une information succède une autre.

De cet échange ne résultera pas un approfondissement de la connaissance dunavet.

Par contre, lorsqu'on dit: « c'est beau », on attend une réponse, on désire partager l'émotion, la communiquer.

Spontanément nous savons que le ressenti n'est pas de même nature, que le premier nous enferme ennous-mêmes alors que le second peut être l'occasion d'un partage source parfois de joies très profondes. III] Synthèse: les antinomies du jugement de goût. Dans la « Critique de la faculté de juger » Kant montre que ce problème plonge la raison dans des antinomies (propositions contradictoires), des antinomies qui ne sont pas ici celles de la « Raison pure » mais de la raison qui. »

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