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Faut-il respecter en autrui le semblable ou l'être différent de nous ?

Publié le 16/02/2011

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• Article « autrui « du Littré:

« Autrui de alter-huic, cet autre, à un cas régime : voilà pourquoi autrui est toujours au régime, et pourquoi autrui est moins général que les autres. « • Lévinas : « Autrui, en tant qu'autrui, n'est pas seulement un alter ego (un autre moi-même). Il est ce que moi je ne suis pas. « — L'autre ne serait-il pas absolument autre qu'en étant un ego c'est-à-dire, d'une certaine façon, le même que moi? • Reconnaître le semblable dans la différence ne serait-ce pas la condition de toute éthique et de tout « respect « de « la personne «? — La reconnaissance de l'essence de l'étant (quelqu'un étant comme autre, comme autre soi), la reconnaissance « d'autrui « ne conditionnerait-elle pas le respect de l'autre comme ce qu'il est : autre. — Sans cette « reconnaissance «, sans ce « laisser-être « d'un autrui comme existant hors de moi dans l'essence de ce qu'il est (est d'abord dans son altérité), une éthique est-elle possible? • Que penser de l'alternative du sujet? — Sur quoi peut-elle être fondée? Quel(s) problème(s) tente-t-elle de faire apparaître ? — Est-elle légitime ? • Quel peut être ce « nous... « ?

« l'exigence de respect pour moi-même.

aussi faut-il rejeter la conception courante du respect dans la mesure où ellen'implique pas la réciprocité.

La réciprocité est donc un caractère nécessaire du concept de respect. Il faut sans doute faire le même sort à l'idée de respectabilité sociale ou de notabilité dans la mesure où elle reposesur l'arbitraire et l'absence de réciprocité.

En effet la notabilité ou la respectabilité est un prédicat typiquementattribué aux membres d'une certaine classe sociale à l'exclusion de ceux qui ne lui appartiennent pas.

Il impliquedonc à l'évidence l'absence de réciprocité, qui nous conduit à exclure du concept de respect la respectabilitésociale. Cette réciprocité permet d'affirmer que le respect est universel ou n'est pas.

Autrement dit, l'attitude du respectdoit être universelle, valable pour tout homme, pour moi comme pour l'autre, quel que soit cet autre.

Du même coup,la forme de l'universalité qui doit caractériser le respect nous en donne en même temps le contenu: le respectd'autrui est compris dans la maxime de considérer en tout homme la dignité de la personne humaine (une maxime estun principe de détermination de la volonté reconnu par le sujet comme valable pour lui-même).

Aussi cetteconsidération de la dignité humaine doit provoquer dans mon action une certaine retenue ou réserve qu'il fautcomprendre d'une double manière; à la fois par rapport à autrui comme "la maxime de ne ravaler aucun autre hommeau rang de pur moyen au service de mes fins (de ne pas exiger qu'autrui s'abdique lui-même pour se faire l'esclavede mes fins)" (Kant, Doctrine de la vertu, Doctrine élémentaire de l'éthique, II, § 25); et par rapport à soi-mêmecomme "une maxime de restriction de notre estime de nous-mêmes" (ibidem), c'est-à-dire que respecter autrui c'estcesser de nous croire le meilleur, rabattre sa propre présomption, vaincre son propre orgueil.

Ainsi respecter autrui,c'est reconnaître la dignité de la personne humaine sans accroître ou diminuer la valeur d'autrui, que ce soitdirectement par le mépris de l'autre ou indirectement par la vanité ou la croyance en sa propre supériorité.

De lasorte nous évitons la soumission volontaire comme la volonté de domination, et la souffrance de l'orgueil commecelle du mépris de soi-même.

Ce caractère du respect permet de préciser la différence avec l'amour.

Le respectn'est pas l'amour comme sentiment esthétique qui est affaire de sensation (pour Kant en tout cas...) et desentiment et donc échappe à la volonté (je ne peux aimer parce que je le veux, encore moins parce que je le dois).Le respect n'est pas l'amour au sens pratique, c'est-à-dire comme maxime de la bienveillance; celle-ci s'exprime parexemple dans le précepte religieux: "tu aimeras ton prochain comme toi-même", que l'on trouve dans l'Ancientestament (Lévitique, 19, 18) comme dans le Nouveau testament (Matthieu, 4, 43 et 22, 39).

Ce précepte -ledevoir d'aimer son prochain- peut être énoncé ainsi: c'est le devoir de faire miennes les fins d'autrui (pourvu qu'ellesne soient pas immorales).

Le respect en revanche ne consiste pas à vouloir les fins d'autrui mais à ne pas les ignorer(sous le prétexte que les siennes propres sont jugées meilleures par exemple).

Du même coup, il devient clair que lerespect implique l'égalité, mais une égalité qui est fondée non pas sur l'occultation de la différence entre mes fins etcelles d'autrui mais sur l'affirmation de l'identité formelle de la dignité humaine égale en valeur en moi comme enautrui, en autrui comme en moi. Ainsi nous pouvons, au terme de sa déduction à partir de la réciprocité, caractériser le respect comme une attitudepratique dont la maxime doit être réciproque; le réciprocité a pour contenu l'universalité; le principe de ladétermination de mes action est la considération de l'égale dignité humaine en moi comme en autrui; enfin pourparvenir concrètement à cette considération, le respect implique de ne pas réduire autrui à un simple moyen auservice de mes propres fins et donc de ne pas se prendre pour la finalité des autres, donc de ne pas se croiresupérieur aux autres. Du même coup nous semblons être en possession du moyen de répondre à la question posée.

Conformément àl'essence du respect, nous respectons en l'autre l'être semblable en tant que nous respectons la dignité humaine oul'humanité, qui est le prédicat commun et universel qui me définit comme homme de même qu'il définit l'autre commehomme.

Cependant il y a une difficulté essentielle.

Quels sont les critères qui permettent de définir l'humanité? Sonconcept n'est pas d'une parfaite stabilité.

La violence historique et sociale essaye habituellement de se justifier àses propres yeux en posant que le respect n'est pas dû à ce qui n'est pas humain: il suffit de dire que tels hommesn'en sont pas c'est-à-dire de déterminer des critères suffisamment restrictifs pour exclure tels ou tels hommes del'humanité.

Kant définissait l'humain par le caractère d'être raisonnable: tout homme est un être doué de raison.Faut-il alors exclure de l'humanité ceux dont la raison paraît affectée? ou faut-il comme Hegel, à la suite de Pinel"l'aliéniste" français, le prescrit (Encyclopédie des sciences philosophiques, Philosophie de l'esprit, addition au § 408)continuer de considérer les fous comme des êtres éthiques souffrant de contradiction entre leur subjectivité etl'objectivité et les faire vivre, comme le faisaient les arabes de la période abbasside (VIIe au XIIe siècle) pour leurpropre "fous", dans des jardins où on leur faisait écouter de la musique? L'enfant est-il un être raisonnable? Qu'est-ce que nous appelons être doué de raison? Si l'on nommait raisonnable tous ceux qui pensent qu'on doit écarteravec ou sans violence des hommes qui ont une autre religion, une autre couleur de peau, une autre façon de vivre,alors le respect et la rationalité autoriserait toute violence à l'égard de ces derniers.

Si l'on renonce à la définitionkantienne, il faut de toute façon déterminer la dignité humaine.

Qu'est-ce qui la définit? Est-ce l'identité propre,c'est-à-dire ce qui différencie de tout autre, autrement dit la différence? Est-ce l'appartenance à une communautédont il faut alors définir les limites? Mais l'identité commune n'est-elle pas soumise au risque d'être vide si l'on veut larendre valable dans toutes les cultures? D'un autre côté, si on la précise trop, ne risque-t-on pas de faire du typed'homme qui s'est historiquement imposé (le plus souvent par la violence) aux autres communautés, le référent pourla détermination de l'humain, justifiant ainsi par le fait ce que l'on présente comme une justification de droit? D'autrepart si l'on prend pour principe de la détermination de l'humain non pas des communautés culturelles, dont ladescription et la catégorisation impliquait en soi déjà un processus de nivellement et d'uniformisation, mais descomportements, à partir de quoi va-t-on déterminer le critère qui permet de distinguer des comportementsproprement humain de ceux qui ne le sont pas?. »

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