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Faut-il vivre dangereusement ?

Publié le 17/02/2004

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La "commonsense philosophy" des Anglais pourrait nous servir de point d'appui pour étayer cette théorie de la crainte devant l'incertitude de l'imprévu et du danger. Ou plutôt, non : il ne s'agit pas tant d'un danger réel ; car, quand on est sûr du danger, le courage vient naturellement. Il s'agit plutôt de la peur des coups, de cette couardise qui saisit l'homme du passé devant les affres de l'avenir N'être pas sûr de l'instant futur, c'est là ce qui provoque cette sensation d'angoisse, cette conscience d'un manque où nos jambes se dérobent sous un sol chancelant. D'autres seraient à citer, parmi les empiristes d'outre-Manche : non pas seulement Berkeley et Hume, mais aussi J. S. Mill ou H. Spencer. Plus encore, ces conceptions morales d'un bonheur fabriqué de toutes pièces, en calculant d'avance ce que sera, à un plaisir près, la somme des satisfactions futures. On attend d'emblée ce que sera cette « arithmétique des plaisirs » : et Jérémie Bentham se frotte les mains dans la certitude que son lendemain sera parfaitement identique à aujourd'hui. 3.

« TROISIEME PARTIE : La condition humaine 1.

L'homme tranquille est né stoïcien, à la façon dont Alain était « né simple soldat ».

Car le courage de l'être, c'estd'assumer la situation présente dans un engagement qui ne cherche ni à se dégager par la fuite dans le passé, ni àse soulever au-dessus de lui-même dans l'extase exaltante d'un survol.

L'envol n'est point le propre du Sage.

Ni lefait de planer.

Si philosopher est apprendre à mourir, méditer son existence est une tâche au moins aussi difficileque de périr. 2.

Il faut donc vivre dans le présent, en se méfiant de ces deux formes de la « mauvaise foi » que Sartre décrit sousle nom d' « éternisation de l'instant » et « d'anticipation de l'avenir ».

Assumer le réel, c'est vivre à la plus finepointe de l'instant présent, ce frêle « étant », ce participe présent de l'être qui s'impose et s'oppose aux deuxnéants du pas encore et du déjà vu.

Il faudrait pouvoir citer, dans l'œuvre si riche de M.

Vladimir Jankélévitch,toutes ces pages de la métaphysique de l'instant qui ont fait l'objet notamment d'un de ses premiers cours enSorbonne.L'instant épuré de son passé, dégagé de son avenir, c'est le propre même de cette existence humaine qui estsurgissement de l'être dans la réalité sensible.

Mais il est aussi dur d'assumer ce réel qu'il est agréable ou aisé des'évader vers les délices du « désir d'éternité » (comme dit M.

Alquié) ou de l'espérance d'avenir sublimé.

Le futurest toujours merveilleux, vu du présent : « Qu'elle était belle, la République, sous l'Empire ! » Pour pouvoir rendre lefutur réalisable, il faut vivre son présent en tant que tel. 3.

Enfin, le signe même de la vie authentique, du temps vécu dans le présent, de l'instant ni escamoté, ni éternisé,c'est bien cette « bulle d'oxygène » dont parle M.

Jankélévitch : la joie.

Car le désir ne procure point de bonheur, nil'espérance de plaisir : tout au plus procurent-ils l'un et l'autre cette ombre d'une jouissance, ce simulacre d'unevolupté qui sont dans le paraître plus que dans l'être.

Se réjouir d'avance, ce n'est pas jouir du présent ; c'esttroquer l'imparfait du présent contre un irréel du passé ou du futur ; c'est lâcher la proie pour l'ombre chimériqued'une joie escomptée, agitée devant soi, mais que l'on ne vivra pas.

Car déjà elle n'est plus. CONCLUSION. Descartes ou Spinoza sont des maîtres à penser plus sûrs que Vigny ou que Nietzsche, et il se pourrait même qu'iln'y ait plus d'une pensée stoïque chez l'auteur du Traité de la Réforme et de l'Entendement que chez l'homme duManuel et des Entretiens.

Si Montaigne aimait, dans la vie comme dans la pensée, l'incertitude du mol oreiller, ledoute n'a plus rien à faire dans une philosophie où le risque disparaît au profit de la nécessité.

Et l'on pourrait penseraux deux passages de l'œuvre de Gide : il y a, dans les Nourritures terrestres cette célèbre septième porte quiouvrait sur la plaine, et qui devait contenir le risque d'une ferveur plus grande, et apparemment plus chère, quis'oppose curieusement à la « porte étroite » dont Alissa nous parle, après saint Luc, dans le récit qui porte ce nomet cette épigraphe.

Ce sont là deux modes de pensée, deux conceptions de la vie.

Mais à un faux appel d'unpseudo-héroïsme, combien nous semble-t-il préférable de répondre par la certitude tranquille du Sage, riche de labéatitude présente d'une âme pacifiée : « Omnia praeclara tam diffîcilia quam rara sunt...

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