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Faut il vivre pour autrui ?

Publié le 12/09/2005

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En même temps le visage est ce qui nous interdit de tuer. Lévinas  L'Autre n'est pas pour la raison un scandale qui la met en mouvement dialectique, mais le premier enseignement raisonnable, la condition de tout enseignement. Le prétendu scandale de l'altérité suppose l'identité tranquille du Même, une liberté sûre d'elle-même qui s'exerce sans scrupules et à qui l'étranger n'apporte que gêne et limitation. Cette identité sans défaut, libérée de toute participation, indépendante dans le moi, peut cependant perdre sa tranquillité si l'autre, au lieu de la heurter en surgissant sur le même plan qu'elle, lui parle, c'est-à-dire se montre dans l'expression, dans le visage et vient de haut. La liberté s'inhibe alors non point comme heurtée par une résistance, mais comme arbitraire, coupable et timide ; mais dans sa culpabilité elle s'élève à la responsabilité. La contingence, c'est-à-dire l'irrationnel, ne lui apparaît pas hors d'elle dans l'autre, mais en elle. Ce n'est pas la limitation par l'autre qui constitue la contingence, mais l'égoïsme, comme injustifié par lui-même. La relation avec Autrui comme relation avec sa transcendance - la relation avec autrui qui met en question la brutale spontanéité de sa destinée immanente, introduit en moi ce qui n'était pas en moi. Mais cette « action » sur ma liberté met précisément fin à la violence et à la contingence et, dans ce sens aussi, instaure la Raison. Lévinas 3)       Mais il n'est pas évident que cet altruisme soit réalisable.

Vivre pour autrui, c'est ne pas vivre pour soi. Or, il y a une différence entre générosité, altruisme et abnégation, qui évoque la sainteté ou au contraire la névrose. A la charité, on opposera la générosité de ceux qui partagent, et qui vivent avec les autres une expérience commune de fraternité.

« pour soi-même un bien, qui ne soit plus de l'ordre de la satisfaction effrénée des desirs mais de l'ordre moral, autruisera touché par ce bien.

C'est ainsi le fait même que l'homme soit toujours social, toujours avec autrui et seconsitue à travers lui qui rend l'égoïsme potentiellement altruiste.

Vivre pour soi selon le bien équivaut parconséquent à vivre pour autrui et à vouloir son bien. 1) Le fait de vivre pour autrui semble une nécessité au sens où je ne peux me constituer en tant qu'homme et en tant que sujet qu'à travers sa présence.

Autrui est constitutif de ma vie en tantqu'être humain et en tant que sujet. Apprendre à se connaître est très difficile [...] et un très grand plaisir en même temps (quel plaisir de se connaître!) ; mais nous ne pouvons pas nous contempler nous-mêmes à partir de nous-mêmes : ce qui le prouve, ce sont lesreproches que nous adressons à d'autres, sans nous rendre compte que nous commettons les mêmes erreurs,aveuglés que nous sommes, pour beaucoup d'entre nous, par l'indulgence et la passion qui nous empêchent de jugercorrectement.

Par conséquent, à la façon dont nous regardons dans un miroir quand nous voulons voir notre visage,quand nous voulons apprendre à nous connaître, c'est en tournant nos regards vers notre ami que nous pourrionsnous découvrir, puisqu'un ami est un autre soi-même.

Concluons : la connaissance de soi est un plaisir qui n'est paspossible sans la présence de quelqu'un d'autre qui soit notre ami ; l'homme qui se suffit à soi-même aurait doncbesoin d'amitié pour apprendre à se connaître soi-même.

Aristote Je viens de faire un geste maladroit ou vulgaire : ce geste colle à moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vissimplement, je le réalise sur le mode du pour-soi.

Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là etm'a vu.

Je réalise tout à coup toute la vulgarité de mon geste et j'ai honte.

Il est certain que ma honte n'est pasréflexive, car la présence d'autrui à ma conscience, fût-ce à la manière d'un catalyseur, est incompatible avecl'attitude réflexive : dans le champ de ma réflexion je ne puis jamais rencontrer que la conscience qui est mienne.

Orautrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même : j'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui.

Et, parl'apparition même d'autrui, je suis mis en mesure de porter un jugement sur moi-même comme sur un objet, car c'estcomme objet que j'apparais à autrui.

Mais pourtant cet objet apparu à autrui, ce n'est pas une vaine image dansl'esprit d'un autre.

Cette image en effet serait entièrement imputable à autrui et ne saurait me « toucher Je pourraisressentir de l'agacement, de la colère en face d'elle, comme devant un mauvais portrait de moi, qui me prête unelaideur ou une bassesse d'expression que je n'ai pas ; mais je ne saurais être atteint jusqu'aux moelles : la honteest, par nature, reconnaissance.

Je reconnais que je suis comme autrui me voit.

Sartre Autrui, en figeant mes possibilités, me révèle l'impossibilité où je suis d'être objet, sinon pour une autre liberté.

Jene puis être objet pour moi-même car je suis ce que je suis; livré à ses seules ressources, l'effort réflexif vers ledédoublement aboutit à l'échec, je suis toujours ressaisi par moi.

Et lorsque je pose naïvement qu'il est possible queje sois, sans m'en rendre compte, un être objectif, je suppose implicitement par là même l'existence d'autrui.

Carcomment serais-je objet si ce n'est pour un sujet? Ainsi autrui est d'abord l'être pour qui je suis objet, c'est-à-direl'être par qui je gagne mon objectivité.

Si je dois seulement pouvoir concevoir une de mes propriétés sur le modeobjectif, autrui est déjà donné.

Et il est donné non comme être de mon univers, mais comme sujet pur.

Ainsi cesujet pur que je ne puis, par définition, connaître, c'est-à-dire poser comme objet, il est toujours là hors de portéeet sans distance lorsque j'essaie de me saisir comme objet.

Et dans l'épreuve du regard, en m'éprouvant commeobjectivité non révélée, j'éprouve directement et avec mon être l'insaisissable subjectivité d'autrui.

Jean-PaulSARTRE 2) Cependant, autrui est ici considéré comme un simple moyen.

C'est "par lui” que je vis et non "pour lui”.

Cependant, il y a une autre approche d'autrui possible, qui fait de son existence la sourcede l'existence morale.

C'est en effet à travers l'expérience d'autrui que je prends conscience de laportée de mes actes et de ma responsabilité vis-à-vis de la vulnérabilité de l'autre.

Autrui est ainsià l'origine de mon existence en tant qu'être libre et moral.

Il est dès lors la fin de la moralité.

Vouloirle bien d'autrui, c'est s'assurer non plus la vie mais une vie bonne. Je pense plutôt que l'accès au visage est d'emblée éthique.

C'est lorsque vous voyez un nez, des yeux, un front,un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un objet.

La meilleuremanière de rencontrer autrui, c'est de ne pas même remarquer la couleur de ses yeux ! Quand on observe la couleurdes yeux, on n'est pas en relation sociale avec autrui.

La relation avec le visage peut certes être dominée par laperception, mais ce qui est spécifiquement visage, c'est ce qui ne s'y réduit pas.

Il y a d'abord la droiture même duvisage, son expression droite, sans défense.

La peau du visage est celle qui reste la plus nue, la plus dénuée.

Laplus nue, bien que d'une nudité décente.

La plus dénuée aussi: il y a dans le visage une pauvreté essentielle.

Lapreuve en est qu'on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant des poses, une contenance.

Le visage estexposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence.

En même temps le visage est ce qui nous interdit detuer.

Lévinas L'Autre n'est pas pour la raison un scandale qui la met en mouvement dialectique, mais le premier enseignementraisonnable, la condition de tout enseignement.

Le prétendu scandale de l'altérité suppose l'identité tranquille duMême, une liberté sûre d'elle-même qui s'exerce sans scrupules et à qui l'étranger n'apporte que gêne et limitation.Cette identité sans défaut, libérée de toute participation, indépendante dans le moi, peut cependant perdre sa. »

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