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Y a-t-il de faux désirs ?

Publié le 01/03/2004

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On aura beau lui répéter qu'il a tort, qu'il perd son temps, qu'il se trompe dans l'estimation de ce qu'il désire (qu'il s'agisse d'un individu ou d'un objet), on constate qu'il ne change pas. Que le désir soit ainsi insensible à l'argumentation, même rationnelle, pourrait souligner qu'il est en lui-même irrationnel, et d'autant plus soucieux de se maintenir que le sujet qui en est la « victime « en connaît le mal-fondé.Un tel reproche lui est adressé depuis Platon : lié avant tout au corps, indifférent à la vérité, le désir nous égarerait dès que nous y succombons. C'est donc en lui que serait la source de notre aveuglement, parce que, faux par nature, il ne pourrait diffuser que de l'erreur. Ce reproche confond cependant le désir et son objet : comme « vécu «, le désir ne peut être ni vrai ni faux, il est, tout simplement. Et les valeurs logiques de vérité ou de fausseté peuvent sans doute s'appliquer à ce qu'il vise, mais non à son existence.
[B. Désir et nature]
Dans la classification des désirs et des plaisirs qu'ils prétendent apporter, les épicuriens sont d'ailleurs plus subtils : certains désirs leur paraissent tout à fait légitimes, et ceux qu'ils condamnent le sont en raison du caractère superflu et « faux « de ce qu'ils visent. En tenant compte de la nécessité (pour la vie du sage) et de la naturalité du désir, on peut en effet distinguer trois catégories dans les désirs : ceux qui, étant naturels et nécessaires (à la survie, au sens d'abord biologique), doivent être satisfaits (mais ils sont pauvres : manger et boire, frugalement, dormir, sans confort) ; ceux qui, naturels mais non nécessaires (manger, boire, dormir avec un certain « luxe «) ne doivent être satisfaits que très prudemment, sans que puisse en naître l'habitude ; enfin les désirs qui, ni naturels ni nécessaires (tous les autres relatifs au social, au paraître), doivent être fuis. En se fondant sur une nature qui leur sert de modèle, les épicuriens définissent les règles d'une vie ascétique qui leur paraît « morale «, et qui empêche sans doute l'homme de se lancer dans une quête interminable de plaisirs « superflus «.
  • I) Il y a de faux désirs.
a) Le vrai désir vise le Bien. b) Le sentiment nous trompe. c) On désire par amou-propre.
  • II) Il n'y a pas de faux désirs.
a) Le désir est toujours vrai. b) Le choix de l'objet peut être mauvais. c) Le désir exprime ce que je suis.
.../...


« [II - Le désir créateur] [A.

Le désir illusoire]Il est incontestable que, d'un point vue classiquement rationnel, nombreux sont les désirs qui me « font prendre desvessies pour des lanternes ».

L'objet désiré n'est jamais aussi beau, impressionnant, empli de qualités, que le faitcroire le désir, et cet écart entre son image et sa réalité peut être considérable.

De ce point de vue, le proverbe : «L'amour est aveugle » dit vrai, même s'il n'explique pas cette cécité.

Tant que l'on se contente de la constater, etd'y trouver la preuve des erreurs de jugement ou d'appréciation que détermine le désir, on interprète ce dernier entermes de manque.

Tout au plus parvient-on, comme l'a fait Descartes, à déceler dans quelque souvenir lointain lasource du goût particulier que l'on peut avoir pour tel ou tel aspect physique : marqué dans son enfance par l'amourqu'il portait à une petite fille affectée de strabisme, Descartes constate que sa vie amoureuse est ensuite orientéepar la recherche de femmes possédant cette particularité.

On pourrait généraliser la remarque, pour chercher dansl'enfance de tout collectionneur sa première rencontre avec l'objet de ce qui deviendra son désir obsessionnel.

Iln'en reste pas moins qu'entre la façon dont le collectionneur vit son désir d'appropriation et valorise ses objets, et lejugement que l'on peut porter, de l'extérieur, sur ces derniers, il peut exister un gouffre : on aura du mal à trouverque les étiquettes de camembert sont aussi excitantes que le prétend un voisin, ou qu'il vaut la peine de passer savie à accumuler les boîtes d'allumettes.

Ne s'agit-il pas là d'objets dénués de toute valeur ? [B.

Le désir fait surgir la valeur]Cette incompréhension disparaît, au moins en partie, si, au lieu de concevoir le désir comme ne devant porter quesur des objets déjà porteurs de valeur, on comprend que c'est lui qui fait surgir la valeur de l'objet.

C'est lerenversement de perspective que propose Spinoza : je ne désire pas une chose parce qu'elle est bonne, c'est au contraire parce que je la désire qu'elle devient bonne.Dans cette optique, le désir n'est plus un simple manque : il est leprolongement de l'être désirant, et marque sa manière de « persévérer dansson être ».

C'est alors par la collection que les étiquettes de camembert oules boîtes d'allumettes acquièrent une qualité nouvelle, qui les rendcollectionnables par d'autres (où l'on retrouve le « désir du désir » hégélien),et cela signifie que l'univers des objets admis comme collectionnables, etméritant en conséquence d'être préservés, est extensible, a priori sanslimites. Sens et valeur sont deux notions autour desquelles se constituent la réalitéhumaines dans sa spécificité.La notion de sens renvoie tout d'abord à celle d'orientation, de direction et àcelle de signification.Mais ces deux acceptions du mot sens se rejoignent finalement, ainsi le sensd'une action est déterminé par le but qu'elle poursuit, par ce vers quoi elles'oriente.Quant au terme de valeur, il désigne précisément ce qui est désirable, ce qu'ilfaut poursuivre, ce vers quoi il faut tendre; les valeurs sont d'ailleurs ce quenous posons comme but à poursuivre pour donner un sens à notre existence.Quel est donc le fondement du sens et des valeurs ? Peut-on considérer quesens et valeurs existent par eux-mêmes ? Si nous supposons un monde dans lequel aucun être conscient et désirantne serait présent, pourrions-nous accorder un sens à cet univers ? Pourrions-nous lui accorder une valeurquelconque ?Nous aurions affaire à un univers dans lequel tout se situerait sur le même plan, à un monde qui n'existerait pourpersonne et qui pour cette raison ne serait l'objet d'aucune sélection, d'aucun choix.C'est donc pourquoi sens et valeur ne peuvent être considérés comme des êtres en soi, des Idées, existant par soi,mais comme la création, la production de la conscience et du désir.

Ce renversement instaure un relativisme radical,lequel renvoie toute morale qui se voudrait absolue à son statut d'illusion.

Dieu ou la Nature n'ont pas de morale: iln'est de morale qu'humaine. C'est pourquoi nous pouvons considérer avec Spinoza que: "«Nous ne nous efforçons à rien, ne voulons, n'appétonsni ne désirons aucune chose parce que nous la jugeons bonne; mais, au contraire, nous jugeons qu'une chose estbonne parce que nous nous efforçons vers elle, la voulons, appétons et désirons.»Nous ne désirons pas une chose parce que nous la jugeons bonne mais nous la jugeons bonne parce que nous ladésirons.

Le désir produit ses objets et n'est pas produit par eux.

Spinoza opère une véritable révolutioncopernicienne en invalidant la thèse (platonicienne) d'une objectivité absolue des valeurs.

Les choses ne sont pasbonnes en elles-mêmes, pour elles-mêmes, mais relativement à notre désir et à notre constitution.Pourquoi les hommes intervertissent l'ordre des choses ? Pourquoi tiennent-ils la représentation d'une fin jugéebonne comme cause première du désir ? Réponse: comme pour l'illusion du libre-arbitre, par ignorance des causes du désir.

L'illusion est le fruit d'une conscience partiale, partielle qui se croit totale.

Par exemple, j'ai conscience de vouloir habiter une maison.

Donc je crois que l'habitation est cause finale de mon désir.

Jenourris l'illusion qu'il existe un objet désirable en soi.

En réalité, j'oublie que c'est le désir d'une plus grande commodité,d'un plus grand confort qui n'a poussé à concevoir la maison comme moyen adéquat à mon désir. Remontant la chaîne de tous mes désirs, je m'aperçois qu'ils ne sont que des modalités d'un désir premier de se conserver. »

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