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Flaubert, Madame Bovary, 1857. Vous ferez de ce texte un commentaire composé qui mette en évidence l'intérêt personnel que vous y trouvez. Vous pourrez faire apparaître, par exemple, la personnalité de l'héroïne d'après les rêves qui lui sont prêtés et les sentiments que semble lui porter son créateur.

Publié le 21/02/2011

Extrait du document

flaubert

Mariée à Charles Bovary et mère d'une petite fille, Berthe, Emma a formé le projet de s'enfuir avec son amant Rodolphe. Tandis que son époux dort, elle, à ses côtés, demeure éveillée et rêve : Au galop de quatre chevaux, elle était emportée depuis huit jours vers un pays nouveau d'où ils ne reviendraient plus. Ils allaient, ils allaient, les bras enlacés, sans parler. Souvent, du haut d'une montagne, ils apercevaient tout à coup quelque cité splendide avec des dômes, des ponts, des navires, des forêts de citronniers et des cathédrales de marbre blanc, dont les clochers aigus portaient des nids de cigogne. On marchait au pas, à cause des grandes dalles, et il y avait par terre des bouquets de fleurs que vous offraient des femmes habillées en corset rouge. On entendait sonner des cloches, hennir les mules avec le murmure des guitares et le bruit des fontaines, dont la vapeur s'envolant rafraîchissait des tas de fruits disposés en pyramide au pied des statues pâles, qui souriaient sous les jets d'eau. Et puis ils arrivaient, un soir, dans un village de pêcheurs, où des filets bruns séchaient au vent, le long de la falaise et des cabanes. C'est là qu'ils s'arrêteraient pour vivre ; ils habiteraient une maison basse, à toit plat, ombragée d'un palmier, au fond d'un golfe, au bord de la mer. Ils se promèneraient en gondole, ils se balanceraient en hamac ; et leur existence serait facile et large comme leurs vêtements de soie, toute chaude et étoilée comme les nuits douces qu'ils contempleraient. Cependant, sur l'immensité de cet avenir qu'elle se faisait apparaître, rien de particulier ne surgissait ; les jours, tous magnifiques, se ressemblaient comme des flots ; et cela se balançait à l'horizon, infini, harmonieux, bleuâtre et couvert de soleil. Mais l'enfant se mettait à tousser dans son berceau, ou bien Bovary ronflait plus fort, et Emma ne s'endormait que le matin...

Flaubert, Madame Bovary, 1857.

Vous ferez de ce texte un commentaire composé qui mette en évidence l'intérêt personnel que vous y trouvez. Vous pourrez faire apparaître, par exemple, la personnalité de l'héroïne d'après les rêves qui lui sont prêtés et les sentiments que semble lui porter son créateur.

On sait que, pour écrire Madame Bovary, Flaubert s'est inspiré d'anecdotes empruntées à la chronique provinciale. Le thème choisi, l'adultère, est plus que commun, et la platitude d'une vie médiocre s'exprime au long de ces pages. Le romancier se donne en fait pour tâche de présenter l'envers du romanesque. Ce passage répond à cette intention. On notera qu'il fait suite à une rêverie à laquelle se livre Charles Bovary, imaginant sa femme et sa fille quand celle-ci aurait grandi. Flaubert enchaîne immédiatement : « et, tandis qu'il s'assoupissait... elle se réveillait en d'autres rêves «. Le contraste n'en est que plus marqué entre mari et femme, et leurs deux rêves parallèles répondent à une volonté déterminée de construction de la part de l'auteur.

flaubert

« 1.

La suspension du récit.On est plongé dans ce passage dans la vie intérieure de l'héroïne.

Aucune action ne se produit ; toute parole estbannie, et ce, à l'intérieur même du rêve : « ils allaient sans parler ».

Le récit ne retrouve ses droits qu'a la fin dutexte (« Mais l'enfant se mettait à tousser »), avec les réalités quotidiennes (tousser, ronfler). 2.

Les temps du rêve.Il faut remarquer que tous les verbes du texte, ou presque, sont à l'imparfait (« ils allaient », etc.).

Encore doit-onles distinguer, ces imparfaits étant en effet de nature bien distincte.

Tous ceux qui servent à décrire les phases durêve sont amenés ici par le style indirect qu'emploie Flaubert.

Des verbes comme « ils allaient », « ils apercevaient »équivalent à des présents dans le style direct.

Les quelques conditionnels du texte (« ils s'arrêteraient...

ilshabiteraient ») ont la valeur de futurs.

On voit que la prédominance de ces imparfaits à valeur de présents marquel'intensité de l'imagination d'Emma : elle vit déjà son rêve.

D'autre part, aucun changement de temps ne signale leretour à la réalité, à la fin du passage : « cela se balançait...

l'enfant se mettait à tousser » ; ces derniers verbesétant à l'imparfait de narration.

Flaubert rend ainsi bien sensible la présence du rêve, qui semble sur le même planque les bruits de la chambre. 3.

La netteté des images.La précision de l'imagination est assez étonnante dans une rêverie, dont on attendrait logiquement qu'elle soitvague.

Le regard d'ensemble sur la cité semble en détailler tous les éléments (jusqu'aux nids de cigogne !).

Lapromenade en ville paraît réelle, tant les différentes sensations y sont présentes (couleurs : « des femmes encorsets rouges » ; sons : cloches, hennissements, guitare, bruit des fontaines ; sensation de fraîcheur, etc.).

Enfin,les détails ne manquent pas non plus dans la description du village de pêcheurs.

Cette particularité aussi donne uneréalité matérielle au rêve.On constate donc que, pour Emma, le rêve a le même statut que la réalité.

De là à pouvoir en tirer des conclusionssur sa vie quotidienne, il n'y a peut-être pas loin...

Flaubert est de toute évidence présent derrière ce texte etcritique son héroïne. III.

Un regard ironique 1.

Un rêve vague malgré tout.Ce « pays nouveau » a beau être précis dans l'imagination de l'héroïne, il ne laisse tout de même pas de comporterdes éléments inquiétants.

Le « cependant » de la fin du texte nous ouvre des perspectives : « cependant, surl'immensité de cet avenir...

rien de particulier ne surgissait ».

Flaubert insiste sur ce qui est finalement une nouvelleforme de monotonie (« tous magnifiques...

se ressemblaient »).

Les images de flots, de balancement, ne sont paspour détruire cette impression d'une vie peu passionnante.

Les adjectifs choisis (« infini, harmonieux, bleuâtre etcouvert de soleil ») font sourire : leur accumulation ne dissimule pas le vide de ces jours, et on sent la présenced'un Flaubert qui ne contient plus sa raillerie dans le mot « bleuâtre ». 2.

Un romantisme de bas étage.• L'exaltation de l'amour n'est pas absente du texte (cf la précision de l'imagination : « les bras enlacés »).

Toutesles actions projetées sont absolument communes, et elles consistent essentiellement en fait dans la conduite d'unevie désoeuvrée, que meublent quelques loisirs faciles (cf.

« les nuits douces qu'ils contempleraient »).• Un exotisme de pacotille semble l'idéal d'Emma.

Il faudrait énumérer tous les clichés auxquels se réfère son rêve,depuis les dômes, les forêts de citronniers, les cloches, les mules, jusqu'au palmier, au golfe, à la gondole, auhamac...

Tous les poncifs véhiculés par le goût romantique pour l'Italie ou l'Espagne sont ici, ou presque.

Latranquillité de la retraite où ils se fixent est on ne peut plus romantique ; d'une façon très approximative, on pourraitrapprocher ces détails de ceux auxquels se plaisaient des romans comme Paul et Virginie. 3.

Un effet d'accumulation.La cité imaginée n'est pas présentée comme unique (cf.

« souvent...

quelque cité...

»).

Aussi les précisions sont-elles assez comiques, puisqu'elles ne s'appliquent à rien de déterminé.

Notons la longue énumération (« des dômes,des ponts, etc.), qui est même circonstanciée (« dont les cloches portaient...

») ; le même procédé est utiliséquelques lignes plus loin (« une maison basse, à toit plat, etc.).

4e texte est relancé, à intervalles réguliers, par depetits mots comme « et » (« et il y avait par terre...

et puis ils arrivaient...

et leur existence serait facile ») grâceauxquels tout semble couler de source, même s'il s'agit d'une suite d'éléments très divers.

Les longues phrases, auxnombreuses propositions, concourent aussi à cet effet d'accumulation (cf.

« on entendait ...

le bruit des fontainesdont la vapeur...

», etc.), de même que les courtes propositions parallèles (« ils se promèneraient..., ils sebalanceraient...

»).On a donc ici, malgré le caractère précis du rêve, une abondance de traits qui est liée au goût romantique del'exotisme, et qui aboutit à une certaine impression de confusion ; il est indéniable que dans tout ce texte Flaubertse moque de son héroïne, en faisant ressortir la qualité très médiocre de l'évasion de Madame Bovary, et son. »

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