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La fontaine

Publié le 06/03/2011

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La Fontaine

 

Bornes temporelles : 1621 – 1695. Un des grands auteurs du classicisme, même seul poète important deuxième moitié du XVIIe. Et classicisme le fait aller en gros de 1659 (Les précieuses ridicules, Molière) à 1682 (apparition avec Pensées sur la comète de Pierre Beil (ortho?) des Lumières). Pas très long, 23 ans. A pré-, post-, néo- … mais a là apogée.

1 grand Théoricien : Boileau, 1 grand théologien : Bossuet, 3 grands dramaturges : Molière, Racine, Cornière, moralistes : La Rochefoucauld, La Bruyère, Pascal, mais aussi Madame de la Fayette par roman, Marquise de Sévigné par lettres, cardinal de Rey par mémoires. 1 poète, un peu oscillant mais spécialisé dans fable : La Fontaine.

 

Autre aspect pour auteur. Droits d'auteur n'existent pas à l'époque, auteur vend son texte au libraire, qui le paye une fois pour toutes. La Fontaine n'a jamais touché un sou pour ses Fables, d'aucun libraire que ce soit. N'a pas vécu grâce à sa plume. Extrêmement rare à l'époque de toute façon. A pu arriver à Scaron (?) du Virgile travesti, ou quelqu'un qui a écrit + de 600 pièces (Hardi …?), mais dramaturges différent : touchent au moment de la représentation. Bref sont obligés quand même d'avoir revenu complémentaire, et sauf si ont fortune personnelle doivent ou faire autre chose ou tirer moyens de subsistance d'un protecteur. La Fontaine l'a fait a acheté charge de maître des eaux et forêts de région de Château-Thierry … voilà ce que faisait pour vivre. Sinon fallait être dans liste des pensions du roi → être dans petits papiers du roi et du secrétaire de l'Académie française, qui propose la liste des auteurs à pensionner. Or relations à Louis XIV difficile, notamment à cause de son amitié et de sa fidélité à Fouquet. Protégé par des mécènes, Fouquet, madame de la Sablière, des amis à elle ensuite etc, mais pas par le roi. Toute sa vie doit se trouver des protecteurs, passer de l'un à l'autre. Jamais tout à fait à l'abri du besoin.

Qu'est-ce que ça explique? Nombre de dédicaces. Car souvent les vend. Se voit particulièrement dans livre XII, livre assez complexe mais aussi assez opportuniste. En dehors des Fables a écrit quantité d'œuvres de circonstances qu'il se faisait payer.

 

Apprend dans sa jeunesse non seulement le latin, mais aussi le grec, extrêmement rare à l'époque, seulement Racine aussi. Né à Château-Thierry vient à Paris en 1635 pour études et là que découvre littérature. Première admiration pour Malherbe. Le retrouve dans les Fables. Fable 14 du livre I par exemple : « Simonide préservé par les dieux ». apparaît indirectement dans fable 9 du livre II : « Le lion et le moucheron », « excrément de la terre », expression de Malherbe.

Autre lecture importante : le roman, héroïco-précieux, type L'Astrée d'Honoré d'Urfé, ultérieurement Mme de Scudéry, Clélie. Thème unique : amour, or beaucoup question d'amour aussi dans les Fables. Poète galant et même libertin, érotique, surtout dans les Contes, moins mais aussi vrai dans les Fables.

Renonce à carrière ecclésiastique en 1642. Tentation du christianisme reviendra souvent. Juste après commence à écrire, à l'instigation de son père. Appartient à une Académie littéraire, Les Chevaliers de la Table Ronde, franchement épicurienne. Temps d'approfondissement de lecture, toute Antiquité, romans précieux, Italiens, Malherbe, Voiture … tout y passe.

1ere œuvre officielle en 1654, adaptation de Térence, de L'Eunuque, passe totalement inaperçu. Le décourage, n'écrit pendant quelques années. A pris un peu trop au pied de la lettre question de l'imitation, pour intéresser, avec traduction-réadaptation et non réécriture.

Se marie en 1647 et 10 ans plus tard elle l'introduit chez Fouquet, qui accepte de le prendre sous sa protection, de le pensionner.

1658 : écrit pour Fouquet poème héroïque et mythologique « Adonis », question d'amour et de volupté. Devient alors poète officiel de Fouquet, surintendant des finances, et richissime. À partir de là écrit quantité de pièces pour lui. Dont un grand poème inachevé « Le songe de Vaux », à la gloire du château de Vaux-le-Vicomte. Se lie avec Perrault ou encore Madeleine de Scudéry. Fréquente salons dont Madame de Lafayette ou rencontre La Rochefoucauld (fable 14 du livre X) ou cardinal de Rey.

1658 : produit un ballet Les rieurs du beau Richard, dont l'un des personnages est un âne : 1re apparition d'un animal dans un de ses textes. Sera monté par ses amis à Château-Thierry.

16 août 1661 : Fouquet inaugure son château fête magnifique rend Louis XIV vert de jalousie, sera quelques jours plus tard mis en prison. Fouquet perd protecteur, et gagne inimitié définitive du roi, surtout qu'écrira des pièces pour réclamer indulgence et libération de Fouquet « Élégie aux nymphes de Vaux » et ode au roi pour défendre son ancien protecteur.

Dans relation auteur / pouvoir : question de fidélité à Fouquet et inimitié du roi intéresante.

1664 : compose nouvelles en vers. Nouvelle protectrice : Duchesse d'Orléans. Fréquente à Paris de nouveaux salons notamment hôtel de Nevers, favorable au jansénisme où retrouve gens qu'il connait déjà (La Rochefoucauld, Lafayette, Scudéry …). écrit à cette époque dans 2 voies complètement opposées (reviendra souvent) : d'un côté des contes, grivois, parfois même érotiques, en vers : 1665-1666 & 1671. En général adaptation en vers de contes italiens, Boccace ou Larioste. Eux qui valent à La Fontaine sa réputation d'auteur libertin. Mais d'un autre côté, sorte de voie chrétienne empruntée, avec parfois accents jansénistes, christianisme assez auteur, participe à entreprise collective de traduction de la Cité de Dieu, de Saint-Augustin. Et écrit poèmes chrétiens dans recueil collectif : Recueil de poésies chrétiennes et diverses. Ambiguïté qu'on retrouvera dans hétérogénéité de morales des Fables. Reniera plus tard ses contes en continuant à en écrire.

En vient ensuite à période des Fables. Découvre Esope en 1660. Sait qu'il présente à ses amis jusqu'à 1668 des fables de sa composition à l'imitation d'Esope. Et ce sont probablement eux qui l'incitent à publier ces fables, qui constituent le 1er volume qui rassemble les 6 premiers livres d'aujourd'hui : 1668. pour l'essentiel inscrit dans intertextualité ésopienne et ambition didactique déclarée, dédié au dauphin.

1669 : publie roman en prose, mêlée de vers. Forme mixte pratiquée depuis longtemps, prosimètre, terme d'un des grands rhétoriqueurs. Les amours de Psyché et de Cupidon, publié avec reprise d'« Adonis ». Livre qui n'a pas de succès.

Alors qu'en 1671 une pièce qui va s'inspirer du texte de La Fontaine, pièce à machine, Psyché, écrite en collaboration par Molière, Corneille et Quinault (spécialiste écriture de livret d'opéra), Lully pour la musique, connait très gros succès. À cette occasion La Fontaine reçu à la cour mais ne va pas jusqu'à lui faire obtenir une pension.

1673 : mort de la duchesse d'Orléans mais trouve tout aussitôt nouvelle protectrice : Madame de la Sablière, qui va l'être pendant 20 ans. Ne le pensionnera jamais mais assurera sa survie, prendra en charge ses dépenses courantes de gite et de couvert. Elle est une savante qui tient salon avec scientifiques, philosophes, quelques voyageurs, dans ambiance assez libertine, teintée d'épicurisme. Mais ne sera jamais sa maitresse (pas Voici, mais fable 15 du livre XII « Le corbeau, la gazelle, la tortue et le rat », comme quoi on a parfois confidences très intimes dans Fables, pas que didactique). Elle lui ouvre porte d'un monde intellectuel nouveau où on se passionne pour science et philosophie. Mme de la Sablière est une cartésienne. À cette époque-là rédige fables qui trouvent place dans 2e recueil. Sensiblement différent du 1er, même si on en retrouve quelques-unes qui auraient pu s'y trouver. Exemple du « Discours à Mme de la Sablière », qui clôt livre IX, qui débouche lui-même sur une fable « les deux rats, le renard et l'œuf ». elle illustre théorie de La Fontaine qui veut qu'animal ait intelligence, pas simple machine comme le disent les cartésiens. Genre pratiqué par La Fontaine change de direction, ici on a un discours, pas même numéroté comme une fable. La Fontaine qui militait pour textes courts écrit là des livres beaucoup plus longs. Là où avait généralement réflexions sur fable ou poésie qui encadraient les livres on trouve plutôt des fables philosophiques. Ajoute à l'intertextualité grecque notamment d'autres sources, comme le livre des lumières, d'origine indienne. Peut voir dans changement influence de changement dans sa vie au contact de Mme de la Sablière et de son salon. Autre exemple : dernière fable du livre XI « Les souris et le Chat-Huant », poème philosophique, d'hommage à l'intelligence animale. Précise dans une note que pas une fable mais chose vraie, un peu exagérée.

C'est aussi chez Mme de la Sablière que conforté dans épicurisme, avec Bernier, médecin voyageur, disciple de Gassadi (ortho?) continuateur de l'épicurisme.

La Fontaine écrit beaucoup, paraissent 1679 dans volume 2, mais aussi poésie chrétienne, du théâtre (un opéra Orphée, un autre, une tragédie lyrique (genre avec équilibre entre parlé et chanté) …), son 2e et dernier recueil de Contes, édité en 1674 clandestinement car plus licencieux, attaque des prêtres par exemple, contenu satirique, attaque de l'église (pour publier un texte, libraire devait avoir « privilège »), et autres pièces officielles.

Alors que 1er volume avec connu accueil délirant, célèbre du jour au lendemain, 2e volume reçoit accueil plutôt tiède. Lui qui a milité pour fable comme genre court et simple, mondain, d'abord agréable et utile, didactique, se met à écrire de plus longues pièces, philosophiques, à prendre parfois un tour sérieux, intertexte oriental etc tout ceci correspond mal aux attentes du public et à ce qu'il avait aimé dans 1er volume.

La Fontaine brigue un siège à l'Académie française, auquel s'oppose non seulement le roi mais aussi Colbert, mais après de nombreuses intrigues, cabales etc, il finit par être élu en 1684 et à l'occasion de son discours de réception, fait de nouveau éloge à Mme de la Sablière, pas recueilli dans les Fables mais extrêmement intéressant, car y parle de lui mais aussi définit de nouveau la fable. Une fois élu doit prendre parti dans querelles qui opposent académiciens à d'autres. 1Re c'est querelle des dictionnaires : Furetière qui fut ami de La Fontaine, auteur du dictionnaire Furetière. Aussi auteur du Roman Bourgeois, qui joue avec codes et conventions du roman. Mais parmi privilèges de l'Académie française il y a dictionnaire, dont elle a monopole. → quand Furetière envisage de publier e sien Académie lui rappelle que pas le droit, il est interdit de publication. La Fontaine sommé de prendre position et écrira quelques pièces où satirise Furetière. Prend aussi parti dans querelle anciens / modernes, contre Perrault, chef de file des modernes. Querelle tourne autour de possibilité ou non d'inventer en matière littéraire, anciens ont-ils tout écrit? Comme 2 écrivent dans registres mineurs, aurait pu s'attendre à ce que se mette du côté de Perrault, mais non prend position pour les Anciens dans L'Épître à Huet, de 1687.

Mme de la Sablière était protestante et cette liberté de mœurs amène séparation avec son époux et retrait de ses enfants. Connaît de + revers de fortune. Plus révocation de l'Édit de Nantes. Plutôt que de s'exiler, se convertit, et se met à mener une vie dévote, charitable, se consacre essentiellement aux soins aux malades, et là-dessus La Fontaine tombe gravement malade, lui avait continué sa vie d'épicurien. Mme de la Sablière et un jeune abbé (N Pouget) font alors pression pour lui faire renier publiquement ses contes, le fait dans cérémonie de repentance et renonce à leur réédition. Mais en même temps lui vaut une somme d'argent versée par le duc de Bourgogne (dédicataire du livre XII). Et continue d'écrire des contes. 1693 : Mme de la Sablière meurt → un peu délié de sa repentance.

Trouve ensuite refuge chez un couple d'amis, fortuné, les d'Hervard, là que publie en 1694 le XIIe et dernier livre des Fables, 3e moment à lui tout seul. Meurt en 1795. Trouvera sur lui en silice … chemise faite pour souffrir. Ton du livre XII extrêmement différent des autres. Vieillesse le rend de grande liberté à égard de ses protecteurs, même si placé sous leur dépendance, dédicacées. Recueil un peu composite, avec très longues pièces. À la fois espèce de jeu avec protecteurs, nécessité de les louer, avec préambules d'éloge très conventionnels, et insolence superbe, manifestée l'air de rien, à l'égard du jeune duc de Bourgogne. En même temps marqués par sorte de fatigue, de mélancolie, par exemple p.373 « La forêt et le bucheron » cf. moralité : « je suis las d'en parler ». comporte des nouvelles, à côté de fables dignes du 1er volume …

 

œuvre-vie qui porte trace de son auteur … un peu comme les Essais.

Il parle aussi de son autre œuvre, de ce qu'il écrit en dehors des Fables.

 

Par exemple : p.248 – 249, fable XIII du livre VIII « Tricis et Amarante ». souvent dans sortes de petites préfaces au texte que va trouver réflexions de La Fontaine préalables aux fables. Dans 4 premières lignes réfléchit sur alternance volumes de contes et fables, double patronage Boccace / Esope.

À fin épilogue livre VI, p.201 : évoque autre œuvre : « les amours de Psyché et Cupidon »

 

mais plus intéressant façon dont fables se répondent, retrouve écho des unes dans les autres … p.161 « bûcheron et Mercure » V, I. formule connue v.26-28. (à connaître par cœur).

Renvoie à des fables qui sont déjà célèbres auprès de ses amis … même si pas publiées, ont déjà circulé, sont déjà connues. Fait allusion à son propre travail, à des fables antérieures.

p.269 : « Le Loup et le Chasseur » VIII, XXVII. Au début parle du nombre très élevé de fables qui se rapportent à l'avarice, au refus d'épicurisme. Allusion ici à un groupe de fables, comme un réseau au sein du livre.

p. 273 : « Le dépositaire infidèle », IX, I.

p.287 : « Le loup et le chien maigre », IX, X … commence par référence précise à une autre fable.

Œuvre porteuse de sa propre histoire.

p. 337 « Le paysan du Danube » (fable très importante) XI, VII.

Autre façon de se rapporter à sa propre œuvre : p.367 XII, XIII « Le Renard, les Mouches et le Hérisson », atteste dans le texte que c'est la première fois qu'apparait le hérisson. Texte intègre l'histoire du texte. La Fontaine se fait son propre critique.

p.371 v.85

Autre façon dans fable XVI « La forêt et le Bûcheron » (déjà cité pour monter livre vieillesse, fatigué etc) v.21 toujours allusion à l'ouvrage, à ce que La Fontaine a souvent fait dans ses ouvrages.

Dans derniers poèmes du livre XII a conscience qu'il écrit ses dernières fables, et le souligne avec une sorte de mélancolie. Se désignent elles-mêmes comme une œuvre qui s'achève. Dans préfaces XXIII et XXIV (v.11-12) + dernier poème XXIX : « testament » littéraire de La Fontaine.

 

 

Venons-en à la fable …

étymologie : latin fabula, d'abord propos mais aussi récit et notamment un récit sans fondement historique → proximité du terme avec fiction, et avec le récit mythologique, le mythe, récit supposé historique mais en réalité sans fondement historique, par exemple la fondation d'une ville. Mais parfois aussi pièce de théâtre, et sens générique du terme. Ésope emploie lui logoj.

 

Définition : récit caractérisé par son peu d'étendue, en vers ou prose (d'abord en prose), qui a pour but d'instruire, énoncer vérité, voire précepte, à l'aide d'une historiette, dont la conclusion a force d'enseignement. Cette leçon qui découle de l'historiette est énoncée par une formule, parfois si évidente que sous-entendu. Fable : mise en action d'une moralité au moyen d'une fiction. Transposition du domaine de la fiction au modèle de la maxime moral.

La Fontaine définit l'apologue (souvent désigne fable comme seul récit et apologue les 2) : dans Préface p.41

distinction parabole fable : dans fable moralité est conclusion du récit. Parabole toute une histoire sur un plan autre, allégorique, spirituel. Totalité de l'histoire a sens allégorique. Pas toujours de transcription parabolique à faire dans les Fables. Leçon spirituelle contenue dans toute parabole …

Aristote dans Rhétorique distingue un autre genre d'apologue : l'exemple (livre II), aussi un apologue quand s'en sert pour en déduire une leçon morale, ou l'illustrer. Mais exemple est historique quand fable fictionnelle. En a un exemple VIII, 4 « Le pouvoir des fables »

autre exemple X, 13 : « Les deux aventuriers et le talisman » : opposition entre exemple et fable et leur valeur pour la leçon morale.

Dans tous les cas, le but est didactique. Avec fin morale, ou spirituelle pour paraboles du Christ et voilà. Fable où règne seule fiction est un conte. Moralité sans récit est maxime morale (Erasme ou La Rochefoucauld ou encore parfois La Bruyère).

Trouve tous les dosages dans les Fables. Dans « Obsèques de la lionne » par exemple semble pressé de donner moralité : « mais revenons à notre histoire » … mouvement qui précipite texte vers moralité (courtisans beaucoup plus machines que les animaux).

Parle de fable, dans double fable du début du livre VI. Et parle de cet équilibrage. Faut les 2 sinon sert à rien. Pose problème développement fiction, jusqu'à quel point, alors que genre bref? Grande question dosage entre les 2.

autre exemple : IV, 12 : connaît histoire mais pas morale, nous dit-il. Ambition de donner la fable « toute nue ». mais se passe qu'au bout de cette assez longue fable, il y aura bien moralité. → fable toute nue pas possible.

 

Matériel de la fable :

Animaux pour l'essentiel, mais pas seulement. Toute sorte d'entités y entrent, êtres animés ou non : hommes, animaux, végétaux, parfois mêlés (exemple « La Chauve-Souris, le Buisson et le Canard »), des dieux, des abstractions allégorisées, objets inanimés … Mais préfère quand même les animaux, peut-être justement parce que didactique, or on instruit en priorité les enfants, les histoires d'animaux ont ce charme particulier qui va permettre « de mettre du miel autour de la coupe » (Lucrèce). Aussi pour ça qu'écrit en vers, même si usage du vers apparaît aussi caractère mondain (a parfois leçon impitoyable « Cigale et Fourmi » « Loup et Agneau » « vieux Chat et Jeune Souris », morale à l'usage des princes, pour les endurcir, vu leurs futures fonctions). Permet d'instruire enfants mais aussi peuple, cf « Pouvoir des Fables ».

(Là on est loin mais dans « Cigale et la Fourmi » on a nombre d'interprétations différentes toutes amenées par le texte, ou condamne l'un ou l'autre, ou morale chrétienne selon Dandrey).

 

 

Origines de la fable :

pratiquement toutes les littératures possèdent des fables, sous une forme ou sous une autre. Trouve des fables, comme on trouve des contes. Pratiquement une forme littéraire universel. Comme si besoin d'en passer par récit allégorique. « Au commencement était la fable, on appelle fable tout commencement : origine, cosmogonie, mythologie. », Valéry, Instants. Vérité élémentaire, que les hommes peuvent facilement observer autour d'eux. Fait partie par extension des formes simples de Jolles, comme devinette ou charade.

Dans langue classique appelle fable tout récit mythologique de l'Antiquité.

Début livre IV, p.133 : a bien idée que fable est la trace d'un temps premier, fabuleux lui aussi.

Autre preuve de cette origine mythique des fables : utilisation dans rites d'initiations dans sociétés « premières », de 2 manières : sous forme de fables que délivrent certaines vérités élémentaires, mais aussi comme des devinettes, pour tester sagesse et maturité de « l'aspirant homme ».

Les plus anciennes fables connues VIIIe s avant JC, Hésiode. 1Re « L'Épervier et le Rossignol », fable incluse dans ouvrage plus long de poésie didactique Les travaux et les Jours, reprise p.295 « Le Milan et le Rossignol ». Les travaux et les jours, poésie didactique, pratiquée très longtemps fin XVIe La Semaine de Du Bartas. Fables appartiennent à cette tradition mais pas seulement, La Fontaine est aussi un lyrique, Baudelaire n'est pas si loin, en fait.

Mais semble pas que cette 1re fables ait été considérée comme fable. Mais en Mésopotamie a retrouvé série de fables dans Histoire d'Ahigar. Certaines de ces fables vont se retrouver chez Ésope, et même la biographie romancée d'Ésope de Planude emprunte des épisodes à L'histoire d'Ahigar.

Entre Hésiode et Ésope trouve quelques fables notamment chez Archiloque (inventeur de l'iambe), qu'on connait souvent par reprise dans recueils d'Ésope. Si La Fontaine reprend Ésope, Ésope lui-même en reprend d'autres.

 

Venons-en à Ésope : pas seul modèle de La Fontaine, mais c'est quand même son modèle, Fables précédées de « Vie d'Ésope », comme Caractères et « Vie de Théophraste ».

Vie pour l'essentiel romancée, n'en connait pas grand chose, biographie fabuleuse.

1er à faire de la fable un genre distinct, jusque-là intégrée ailleurs comme chez Hésiode. Petits textes qui servent à un moment ou à un autre un autre texte. 1Er à écrire fables recueillies en recueils. Brefs récits en prose, mettant généralement en scène des animaux + morale lapidaire. Pas de recherche stylistique. Moralité invariablement après les récit. Genre codifié, mais pourrait douter que ce soit genre littéraire, car rien de ce qui fait littérature dedans. Devient réservoir de situations, personnages pour tous autres fabulistes. Et même dans moralités, rien de politique, religieux ou philosophiques. Sorte de sagesse générale qui s'exprime. Animaux appartiennent tous à sorte de caractérologie animale, invariablement définis par quelques traits. Ésope lui-même les a utilisé pour enseignement, ou se tirer de situations embarrassantes. Mais très vite utilisées dans cadre d'enseignement, comme Homère ou Hésiode. Ésope devient une des bases de l'enseignement dans écoles grecques, essentiellement écoles de rhétorique. Utilise les fables pour délivrer des vérités mais surtout comme exercice rhétorique consistant à mettre en fable, à développer ou réduire … Aristote lui-même au livre II de Rhétorique montre usage qu'orateur peut faire de la fable. La Fontaine fait pareil dans XII, 13. mais déjà dans préface dit utilisation fable peut se révéler payante par rapport à discours théorique. Développe ce point p.40 & « Pouvoir des Fables ». à l'inverse trouve éducation pédante dans I, 19 p.82 & IX, 5 p.280.

Avant que La Fontaine fasse de fable genre littéraire, genre était encore / déjà utilisé dans pédagogie … XII, 9 p.359. Duc de Bourgogne écrit des fables à la demande de son précepteur, Fénelon.

 

Beaucoup de fabulistes après Ésope, certains évoqués dans préface, p.38 : Phèdre, Avienus + Modernes, qu'il ne cite pas précisément, mais pense certainement à fabulistes italiens ou français de la Renaissance, qui n'ont souvent rien fait d'autre que mettre en vers Ésope. Ces fables mises en vers en trouve déjà au IVe s avant JC avec Démétrius de Phalère, ou IIe s ap Babrius. 1Er à versifier des fables serait Socrate, y fait allusion dans dédicace au Dauphin mais y vient aussi dans sa préface. Rapporté dans Phédon et Banquet des 7 sages de Plutarque, lui aurait été rapporté en songe que devait consacrer ses derniers instants à la musique, lui parut bizarre et réfléchissant à façon d'interpréter ce rêve en déduit que apprendre musique = faire quelque chose d'harmonieux, et plus en rapport dans littérature c'est poésie, et concilié avec recherche de vérité c'est la fable mise en vers. Tiennent à la fois de l'utile philosophique et de la musique, de l'harmonie, de l'agréable.

 

Côté latin : connait très tôt les fables, utilisation politique et rhétorique. Ménénius Agrippa fit ce cette fable (Les membres et l'estomac) en 503 avant JC en la racontant à la plèbe qui s'était révoltée pour la calmer. Fables chez Horace dans Satires et Épîtres. Ici pas de recueil, reprise par exemple rat des villes et rat des champs dans satire 6 du livre II.

Mais surtout Phèdre, 123 fables en vers, le grand fabuliste latin. Reprend souvent thèmes d'Ésope mais en invente aussi : « les deux mulets et le voleur » → « les deux mulets » chez La Fontaine I, 4. mais très fréquemment intertextualité passe par plusieurs auteurs chez La Fontaine. Par exemple « La Besace », I, 7 … part d'Ésope, Phèdre, Avenius, Catulle, Plutarque, La Fontaine puis Erasme, Rabelais (et j'en ai zappé).

 

Moyen-Âge : maintien de la tradition ésopique, à travers diverses compilations : Planude au XIVe s aussi auteur d'une Vie d'Ésope à laquelle La Fontaine dit emprunter. Mais aussi à partir du Xie s utilisation fréquente des fables dans les sermons. Cas par exemple des « Animaux malade de la paix » origine de cette fable serait sermon du père Raulin (cf. notice) sachant que peste ne vient pas de Raulin.

Existe même au Moyen-Âge un genre particulier : l'Ysopet, fable d'Ésope adaptée en langue vulgaire dont but est de mettre fable ésopique à portée d'un public populaire, mais aussi en les adaptant aux mœurs contemporains.

Trouve des fables chez Marie de France, vers 1160 – 70. (plus connue pour ses lais, genre médiéval, poème d'importance moyenne qui recycle histoires de l'épopée antique souvent focalisées sur thème amoureux).

Enfin Roman de Renart qui compile textes populaires de diverses sources mais qui ont en commun ce personnage de Renart, un goupil. 28 contes en octosyllabes, sortes de fables élargies.

 

Renaissance : multiplication des recueils qui traduisent et adaptent en vers fables d'Ésope, ou autres, avec véritable mode de la fable grecque au début et tout au long du XVIe s. Et La Fontaine semble connaître beaucoup de ces traductions.

1 exemple : Antoine de Baïf un des 7 poètes de la Pléiade Mythes, enseignements et proverbes → visée didactique → fable.

Plupart de ceux qui pratiquent récit au XVIe s incluent des fables. Par exemple Rabelais et Marguerite de Navarre. Intertextualité rabelaisienne très importante chez La Fontaine, surtout pour les noms. Par exemple fable chez Rabelais dans prologue du Quart-Livre, réécrit « Le bûcheron et Hermès » de façon grivoise → « Le bûcheron et Mercure », V, 1 chez La Fontaine.

Peut aussi citer Marot qui recourt à fable pour convaincre interlocuteurs. Cas de « à son ami Lyon » où réécrit « Le lion et la Rat reconnaissante » d'Ésope → chez La Fontaine II, 11.

La trouve aussi chez Erasme, ou Montaigne, tradition humaniste en général, vu intérêt pour enseignement. Montaigne en parle chap X du livre II. Souligne caractère sérieux du genre dans « Des livres » et par exemple encore chap XXXVII du même livre II, recours à Ésope pour faire satire des médecins.

 

XVIIe s : alors que Renaissance siècle de la fable, tout ceci disparaît. Trouve des recueils de traduction : Nivelet ou Jean Meslier (principal de collège, avec texte grec, traduction latine, traduction française et notes). Mais écrivains qui maintiennent vivante fable n'en existe guère au XVIIe avant La Fontaine. Seul Mathurin Régnier qui en utilise quelques-unes quand reprend satires. Époque où la littérature se « dignifie » alors met de côté genres trop populaires ou didactiques. Peut-être pour ça que fable semble tomber en désuétude. La Fontaine lui-même regrette de ne pas avoir souffle épique, surtout dans livre XII, et regrette de ne savoir faire que des fables. Elle a beau être mondaine elle ne figurera pas chez Boileau, pour lui La Fontaine pas vraiment écrivain, n'a pas dignité d'écrivain, car n'a fait que mettre en vers.

Mais La Fontaine épuise presque le genre, elle existera peu après lui.

 

Tradition indienne, convoquée dans volume 2. Trouve dans plus anciens textes bouddhistes animaux, animaux qui parlent, car croyance principale celle de la métempsychose. Plus souvent épopée que fable, mais déjà des animaux. Grand livre du Panchatantra, les 5 livres en sanscrit. Regroupe nombreuses fables et contes autour d'un sujet principal. Pas recueil de fables, récit où il y a des fables. Et c'est ce livre qui donne fables adaptées au VIIIe s par Bidpaï ou Pilipy (ortho?) dans Kalila et Dimna deux chacals, héros d'un recueil de fables. Traduit de l'arabe par Gilbert Gaulmin (?).

 

 

Détail de la réécriture : pour Barthes, poésie classique n'est qu'ornement de prose … Question de l'existence du vers, rapports vers / prose etc sont au centre de la réflexion de La Fontaine sur al poésie. Que ce soit pour déclarer que prose mieux dans caractère lapidaire, vers mieux dans charme … arguments contradictoires mais question de poésie tourne fréquemment autour de celle-là.

Peut comparer fable Ésope / La Fontaine : dernier aime beaucoup les fables doubles, ou jumelles, ou réunies (« La mort et le Malheureux » - « La Mort et le Bûcheron » p.78-79 I, 15 – 16). soit données ensemble, ou non, faut parfois les mettre en écho d'un livre à l'autre, ou à intérieur d'une fable qu'on a 2 versions de l'histoire … De cette façon nous donne à admirer son art de la variation. Presque démonstration de virtuosité rhétorique. Mais souvent nous invite à nous poser une question . Dans I, 15-16 présente d'abord sa version mais se ravise en réécrivant en étant plus fidèle. Cela dit sauf dans ces cas où se compare à Ésope en inférieur, comparaison montre supériorité de La Fontaine.

Va comparer nous-mêmes avec VII, 12 « Les Deux coqs » et original d'Ésope lu : tout est limité au strict nécessaire, pas de développement du caractère des animaux par exemple. Et moralité elle aussi n'est que rappel de sorte de vérité supposée connue de tous. C'est pourquoi brièveté et économie, censé être connu. Reprend « les premiers seront les derniers » en gros, loi du plus fort s'inversera. Quand prit au sens chrétien. Idée qu'ordre terrestre peut être inversé par force supérieure, idée de destin et de condition tragique de l'homme.

Ce qu'en fait La Fontaine. D'abord La Fontaine procède par amplification, par modification aussi : aigle devient vautour, pas uniquement pour adapter à zoologie, mais avec oiseau de proie moins fort, peut-être encore plus évident. Portrait des animaux pas si développés, amplification principale c'est parallèle avec Iliade, qui transforme fable en héroï-comique. Modifie ainsi tonalité de la fable qui de didactique devient fantaisiste, à l'utile s'ajoute l'agréable. Autre ajout : fait du combat une scène publique. + ajoute scènes secondaires, comme coq jaloux qui se prépare à revanche. En définitive c'est toute allégorie qui est étendue entre basse-cour et les hommes, se retrouve aussi dans les haines absurdes entre les peuples. Mais aussi goût du spectacle, curiosité malsaine, jalousie, comportement féminin et masculin supposé. Dans Ésope seule transcription humaine faudrait éviter de se vanter de ses victoires, hybris qui attire le renversement. Chez La Fontaine on a ça mais aussi tout reste de misère humaine mise en parallèle avec misère de la basse-cour. Chez La Fontaine rhétorique prend pas sur leçon, en quelque sorte. Morale également : La Fontaine remplace les puissances supérieures, les dieux par le sort, mais c'est aussi une déesse. Et il y a sorte d'incitation à la modestie, à l'humilité d'un christianisme assumé. + dimension politique et satirique de la fable. Dans ces 2 coqs satire de la cour, facile de passer de la basse-cour à la cour. Milieu où fait rire de son semblable, cherche à humilier pour faire rire les autres.

 

Où est-ce que La Fontaine aborde question de mise en vers?

D'abord titre : Fables mises en vers mais son côté classique … cf note entre 2 fables de la p.79.

Problème évoqué 1re fois p.35 dans dédicace en prose au dauphin, n'a fait qu'ajoute ornements à Ésope, s'efface derrière Ésope, et encore plus derrière Socrate. Fait partie de modestie de l'auteur qui sert de captatio benevolentiae au XVIIe s.

et revient longuement sur ce point dans préface p.37-38. La question est particulièrement importante pour l'évoquer ainsi coup sur coup.

Contextuellement La Fontaine prend position dans combat de docte à l'époque, sur la fable et notamment avec Patru. 1Res lignes de préface. Expose son opposition relative à l'Académicien Patru « maître de notre éloquence », qui dans Lettres à Olinde a inclus fables mais en prose et non en vers pour respecter brièveté. Pour lui mise en vers entraine forcément disparition de brièveté. Car va falloir utiliser périphrases, faire venir rime etc. Vers loin d'être ce qu'Hugo en dit : moyen de concentration, de condensation. Outre cela mise en vers amène ornementation contraire à l'esprit initial de la fable. Contre Patru La Fontaine n'argumente pas mais en appelle à toute tradition de mise en vers des fables et notamment à Socrate.

 

Dans le texte lui-même :

1er élément, un peu contradictoire avec le précédent, dans couple I, 15-16. met en parallèle fable d'Ésope mais en vers quand même, pas l'original. Les raconte en prose seulement dans préface et « Vie d'Ésope ». Voit différence après dans passage en vers. Par exemple « Le Renard et le Bouc » cité dans version ésopique en prose dans préface (ou « Vie d'Ésope »). dans couple pas vraiment de comparaison, puisque les 2 sont en vers, comparaison de 2 mises en vers de La Fontaine, l'une étant plus fidèle à Ésope que l'autre. Véritable comparaison serait à faire avec fable en prose d'Ésope.

Mais que fait-il dans ces 2 fables I, 15-16. En fait propose 1re mise en vers avec fin un peu modifiée, puis se ravisant ajoute une note disant que ses amis disent qu'a perdu Ésope → propose seconde version de même fable, plus fidèle pas pour laconisme ou brièveté mais pour trait d'esprit de la fin. Mais ce que remet déjà reste en vers, mais est un trait donc un ornement. Ce que reconnaît à Ésope comme supérieur c'est déjà un ornement, l'agréable, contrairement à ce que peut prétendre.

Même leçon XI, 6 p.336. D'abord objectif de contredire son maître : Ésope. Classique qui renie un ancien? Mais prise de position ne va pas plus loin que sorte de préambule immédiatement contredit par fable. 

La Fontaine

 

Bornes temporelles : 1621 – 1695. Un des grands auteurs du classicisme, même seul poète important deuxième moitié du XVIIe. Et classicisme le fait aller en gros de 1659 (Les précieuses ridicules, Molière) à 1682 (apparition avec Pensées sur la comète de Pierre Beil (ortho?) des Lumières). Pas très long, 23 ans. A pré-, post-, néo- … mais a là apogée.

1 grand Théoricien : Boileau, 1 grand théologien : Bossuet, 3 grands dramaturges : Molière, Racine, Cornière, moralistes : La Rochefoucauld, La Bruyère, Pascal, mais aussi Madame de la Fayette par roman, Marquise de Sévigné par lettres, cardinal de Rey par mémoires. 1 poète, un peu oscillant mais spécialisé dans fable : La Fontaine.

 

Autre aspect pour auteur. Droits d'auteur n'existent pas à l'époque, auteur vend son texte au libraire, qui le paye une fois pour toutes. La Fontaine n'a jamais touché un sou pour ses Fables, d'aucun libraire que ce soit. N'a pas vécu grâce à sa plume. Extrêmement rare à l'époque de toute façon. A pu arriver à Scaron (?) du Virgile travesti, ou quelqu'un qui a écrit + de 600 pièces (Hardi …?), mais dramaturges différent : touchent au moment de la représentation. Bref sont obligés quand même d'avoir revenu complémentaire, et sauf si ont fortune personnelle doivent ou faire autre chose ou tirer moyens de subsistance d'un protecteur. La Fontaine l'a fait a acheté charge de maître des eaux et forêts de région de Château-Thierry … voilà ce que faisait pour vivre. Sinon fallait être dans liste des pensions du roi → être dans petits papiers du roi et du secrétaire de l'Académie française, qui propose la liste des auteurs à pensionner. Or relations à Louis XIV difficile, notamment à cause de son amitié et de sa fidélité à Fouquet. Protégé par des mécènes, Fouquet, madame de la Sablière, des amis à elle ensuite etc, mais pas par le roi. Toute sa vie doit se trouver des protecteurs, passer de l'un à l'autre. Jamais tout à fait à l'abri du besoin.

Qu'est-ce que ça explique? Nombre de dédicaces. Car souvent les vend. Se voit particulièrement dans livre XII, livre assez complexe mais aussi assez opportuniste. En dehors des Fables a écrit quantité d'œuvres de circonstances qu'il se faisait payer.

 

Apprend dans sa jeunesse non seulement le latin, mais aussi le grec, extrêmement rare à l'époque, seulement Racine aussi. Né à Château-Thierry vient à Paris en 1635 pour études et là que découvre littérature. Première admiration pour Malherbe. Le retrouve dans les Fables. Fable 14 du livre I par exemple : « Simonide préservé par les dieux ». apparaît indirectement dans fable 9 du livre II : « Le lion et le moucheron », « excrément de la terre », expression de Malherbe.

Autre lecture importante : le roman, héroïco-précieux, type L'Astrée d'Honoré d'Urfé, ultérieurement Mme de Scudéry, Clélie. Thème unique : amour, or beaucoup question d'amour aussi dans les Fables. Poète galant et même libertin, érotique, surtout dans les Contes, moins mais aussi vrai dans les Fables.

Renonce à carrière ecclésiastique en 1642. Tentation du christianisme reviendra souvent. Juste après commence à écrire, à l'instigation de son père. Appartient à une Académie littéraire, Les Chevaliers de la Table Ronde, franchement épicurienne. Temps d'approfondissement de lecture, toute Antiquité, romans précieux, Italiens, Malherbe, Voiture … tout y passe.

1ere œuvre officielle en 1654, adaptation de Térence, de L'Eunuque, passe totalement inaperçu. Le décourage, n'écrit pendant quelques années. A pris un peu trop au pied de la lettre question de l'imitation, pour intéresser, avec traduction-réadaptation et non réécriture.

Se marie en 1647 et 10 ans plus tard elle l'introduit chez Fouquet, qui accepte de le prendre sous sa protection, de le pensionner.

1658 : écrit pour Fouquet poème héroïque et mythologique « Adonis », question d'amour et de volupté. Devient alors poète officiel de Fouquet, surintendant des finances, et richissime. À partir de là écrit quantité de pièces pour lui. Dont un grand poème inachevé « Le songe de Vaux », à la gloire du château de Vaux-le-Vicomte. Se lie avec Perrault ou encore Madeleine de Scudéry. Fréquente salons dont Madame de Lafayette ou rencontre La Rochefoucauld (fable 14 du livre X) ou cardinal de Rey.

1658 : produit un ballet Les rieurs du beau Richard, dont l'un des personnages est un âne : 1re apparition d'un animal dans un de ses textes. Sera monté par ses amis à Château-Thierry.

16 août 1661 : Fouquet inaugure son château fête magnifique rend Louis XIV vert de jalousie, sera quelques jours plus tard mis en prison. Fouquet perd protecteur, et gagne inimitié définitive du roi, surtout qu'écrira des pièces pour réclamer indulgence et libération de Fouquet « Élégie aux nymphes de Vaux » et ode au roi pour défendre son ancien protecteur.

Dans relation auteur / pouvoir : question de fidélité à Fouquet et inimitié du roi intéresante.

1664 : compose nouvelles en vers. Nouvelle protectrice : Duchesse d'Orléans. Fréquente à Paris de nouveaux salons notamment hôtel de Nevers, favorable au jansénisme où retrouve gens qu'il connait déjà (La Rochefoucauld, Lafayette, Scudéry …). écrit à cette époque dans 2 voies complètement opposées (reviendra souvent) : d'un côté des contes, grivois, parfois même érotiques, en vers : 1665-1666 & 1671. En général adaptation en vers de contes italiens, Boccace ou Larioste. Eux qui valent à La Fontaine sa réputation d'auteur libertin. Mais d'un autre côté, sorte de voie chrétienne empruntée, avec parfois accents jansénistes, christianisme assez auteur, participe à entreprise collective de traduction de la Cité de Dieu, de Saint-Augustin. Et écrit poèmes chrétiens dans recueil collectif : Recueil de poésies chrétiennes et diverses. Ambiguïté qu'on retrouvera dans hétérogénéité de morales des Fables. Reniera plus tard ses contes en continuant à en écrire.

En vient ensuite à période des Fables. Découvre Esope en 1660. Sait qu'il présente à ses amis jusqu'à 1668 des fables de sa composition à l'imitation d'Esope. Et ce sont probablement eux qui l'incitent à publier ces fables, qui constituent le 1er volume qui rassemble les 6 premiers livres d'aujourd'hui : 1668. pour l'essentiel inscrit dans intertextualité ésopienne et ambition didactique déclarée, dédié au dauphin.

1669 : publie roman en prose, mêlée de vers. Forme mixte pratiquée depuis longtemps, prosimètre, terme d'un des grands rhétoriqueurs. Les amours de Psyché et de Cupidon, publié avec reprise d'« Adonis ». Livre qui n'a pas de succès.

Alors qu'en 1671 une pièce qui va s'inspirer du texte de La Fontaine, pièce à machine, Psyché, écrite en collaboration par Molière, Corneille et Quinault (spécialiste écriture de livret d'opéra), Lully pour la musique, connait très gros succès. À cette occasion La Fontaine reçu à la cour mais ne va pas jusqu'à lui faire obtenir une pension.

1673 : mort de la duchesse d'Orléans mais trouve tout aussitôt nouvelle protectrice : Madame de la Sablière, qui va l'être pendant 20 ans. Ne le pensionnera jamais mais assurera sa survie, prendra en charge ses dépenses courantes de gite et de couvert. Elle est une savante qui tient salon avec scientifiques, philosophes, quelques voyageurs, dans ambiance assez libertine, teintée d'épicurisme. Mais ne sera jamais sa maitresse (pas Voici, mais fable 15 du livre XII « Le corbeau, la gazelle, la tortue et le rat », comme quoi on a parfois confidences très intimes dans Fables, pas que didactique). Elle lui ouvre porte d'un monde intellectuel nouveau où on se passionne pour science et philosophie. Mme de la Sablière est une cartésienne. À cette époque-là rédige fables qui trouvent place dans 2e recueil. Sensiblement différent du 1er, même si on en retrouve quelques-unes qui auraient pu s'y trouver. Exemple du « Discours à Mme de la Sablière », qui clôt livre IX, qui débouche lui-même sur une fable « les deux rats, le renard et l'œuf ». elle illustre théorie de La Fontaine qui veut qu'animal ait intelligence, pas simple machine comme le disent les cartésiens. Genre pratiqué par La Fontaine change de direction, ici on a un discours, pas même numéroté comme une fable. La Fontaine qui militait pour textes courts écrit là des livres beaucoup plus longs. Là où avait généralement réflexions sur fable ou poésie qui encadraient les livres on trouve plutôt des fables philosophiques. Ajoute à l'intertextualité grecque notamment d'autres sources, comme le livre des lumières, d'origine indienne. Peut voir dans changement influence de changement dans sa vie au contact de Mme de la Sablière et de son salon. Autre exemple : dernière fable du livre XI « Les souris et le Chat-Huant », poème philosophique, d'hommage à l'intelligence animale. Précise dans une note que pas une fable mais chose vraie, un peu exagérée.

C'est aussi chez Mme de la Sablière que conforté dans épicurisme, avec Bernier, médecin voyageur, disciple de Gassadi (ortho?) continuateur de l'épicurisme.

La Fontaine écrit beaucoup, paraissent 1679 dans volume 2, mais aussi poésie chrétienne, du théâtre (un opéra Orphée, un autre, une tragédie lyrique (genre avec équilibre entre parlé et chanté) …), son 2e et dernier recueil de Contes, édité en 1674 clandestinement car plus licencieux, attaque des prêtres par exemple, contenu satirique, attaque de l'église (pour publier un texte, libraire devait avoir « privilège »), et autres pièces officielles.

Alors que 1er volume avec connu accueil délirant, célèbre du jour au lendemain, 2e volume reçoit accueil plutôt tiède. Lui qui a milité pour fable comme genre court et simple, mondain, d'abord agréable et utile, didactique, se met à écrire de plus longues pièces, philosophiques, à prendre parfois un tour sérieux, intertexte oriental etc tout ceci correspond mal aux attentes du public et à ce qu'il avait aimé dans 1er volume.

La Fontaine brigue un siège à l'Académie française, auquel s'oppose non seulement le roi mais aussi Colbert, mais après de nombreuses intrigues, cabales etc, il finit par être élu en 1684 et à l'occasion de son discours de réception, fait de nouveau éloge à Mme de la Sablière, pas recueilli dans les Fables mais extrêmement intéressant, car y parle de lui mais aussi définit de nouveau la fable. Une fois élu doit prendre parti dans querelles qui opposent académiciens à d'autres. 1Re c'est querelle des dictionnaires : Furetière qui fut ami de La Fontaine, auteur du dictionnaire Furetière. Aussi auteur du Roman Bourgeois, qui joue avec codes et conventions du roman. Mais parmi privilèges de l'Académie française il y a dictionnaire, dont elle a monopole. → quand Furetière envisage de publier e sien Académie lui rappelle que pas le droit, il est interdit de publication. La Fontaine sommé de prendre position et écrira quelques pièces où satirise Furetière. Prend aussi parti dans querelle anciens / modernes, contre Perrault, chef de file des modernes. Querelle tourne autour de possibilité ou non d'inventer en matière littéraire, anciens ont-ils tout écrit? Comme 2 écrivent dans registres mineurs, aurait pu s'attendre à ce que se mette du côté de Perrault, mais non prend position pour les Anciens dans L'Épître à Huet, de 1687.

Mme de la Sablière était protestante et cette liberté de mœurs amène séparation avec son époux et retrait de ses enfants. Connaît de + revers de fortune. Plus révocation de l'Édit de Nantes. Plutôt que de s'exiler, se convertit, et se met à mener une vie dévote, charitable, se consacre essentiellement aux soins aux malades, et là-dessus La Fontaine tombe gravement malade, lui avait continué sa vie d'épicurien. Mme de la Sablière et un jeune abbé (N Pouget) font alors pression pour lui faire renier publiquement ses contes, le fait dans cérémonie de repentance et renonce à leur réédition. Mais en même temps lui vaut une somme d'argent versée par le duc de Bourgogne (dédicataire du livre XII). Et continue d'écrire des contes. 1693 : Mme de la Sablière meurt → un peu délié de sa repentance.

Trouve ensuite refuge chez un couple d'amis, fortuné, les d'Hervard, là que publie en 1694 le XIIe et dernier livre des Fables, 3e moment à lui tout seul. Meurt en 1795. Trouvera sur lui en silice … chemise faite pour souffrir. Ton du livre XII extrêmement différent des autres. Vieillesse le rend de grande liberté à égard de ses protecteurs, même si placé sous leur dépendance, dédicacées. Recueil un peu composite, avec très longues pièces. À la fois espèce de jeu avec protecteurs, nécessité de les louer, avec préambules d'éloge très conventionnels, et insolence superbe, manifestée l'air de rien, à l'égard du jeune duc de Bourgogne. En même temps marqués par sorte de fatigue, de mélancolie, par exemple p.373 « La forêt et le bucheron » cf. moralité : « je suis las d'en parler ». comporte des nouvelles, à côté de fables dignes du 1er volume …

 

œuvre-vie qui porte trace de son auteur … un peu comme les Essais.

Il parle aussi de son autre œuvre, de ce qu'il écrit en dehors des Fables.

 

Par exemple : p.248 – 249, fable XIII du livre VIII « Tricis et Amarante ». souvent dans sortes de petites préfaces au texte que va trouver réflexions de La Fontaine préalables aux fables. Dans 4 premières lignes réfléchit sur alternance volumes de contes et fables, double patronage Boccace / Esope.

À fin épilogue livre VI, p.201 : évoque autre œuvre : « les amours de Psyché et Cupidon »

 

mais plus intéressant façon dont fables se répondent, retrouve écho des unes dans les autres … p.161 « bûcheron et Mercure » V, I. formule connue v.26-28. (à connaître par cœur).

Renvoie à des fables qui sont déjà célèbres auprès de ses amis … même si pas publiées, ont déjà circulé, sont déjà connues. Fait allusion à son propre travail, à des fables antérieures.

p.269 : « Le Loup et le Chasseur » VIII, XXVII. Au début parle du nombre très élevé de fables qui se rapportent à l'avarice, au refus d'épicurisme. Allusion ici à un groupe de fables, comme un réseau au sein du livre.

p. 273 : « Le dépositaire infidèle », IX, I.

p.287 : « Le loup et le chien maigre », IX, X … commence par référence précise à une autre fable.

Œuvre porteuse de sa propre histoire.

p. 337 « Le paysan du Danube » (fable très importante) XI, VII.

Autre façon de se rapporter à sa propre œuvre : p.367 XII, XIII « Le Renard, les Mouches et le Hérisson », atteste dans le texte que c'est la première fois qu'apparait le hérisson. Texte intègre l'histoire du texte. La Fontaine se fait son propre critique.

p.371 v.85

Autre façon dans fable XVI « La forêt et le Bûcheron » (déjà cité pour monter livre vieillesse, fatigué etc) v.21 toujours allusion à l'ouvrage, à ce que La Fontaine a souvent fait dans ses ouvrages.

Dans derniers poèmes du livre XII a conscience qu'il écrit ses dernières fables, et le souligne avec une sorte de mélancolie. Se désignent elles-mêmes comme une œuvre qui s'achève. Dans préfaces XXIII et XXIV (v.11-12) + dernier poème XXIX : « testament » littéraire de La Fontaine.

 

 

Venons-en à la fable …

étymologie : latin fabula, d'abord propos mais aussi récit et notamment un récit sans fondement historique → proximité du terme avec fiction, et avec le récit mythologique, le mythe, récit supposé historique mais en réalité sans fondement historique, par exemple la fondation d'une ville. Mais parfois aussi pièce de théâtre, et sens générique du terme. Ésope emploie lui logoj.

 

Définition : récit caractérisé par son peu d'étendue, en vers ou prose (d'abord en prose), qui a pour but d'instruire, énoncer vérité, voire précepte, à l'aide d'une historiette, dont la conclusion a force d'enseignement. Cette leçon qui découle de l'historiette est énoncée par une formule, parfois si évidente que sous-entendu. Fable : mise en action d'une moralité au moyen d'une fiction. Transposition du domaine de la fiction au modèle de la maxime moral.

La Fontaine définit l'apologue (souvent désigne fable comme seul récit et apologue les 2) : dans Préface p.41

distinction parabole fable : dans fable moralité est conclusion du récit. Parabole toute une histoire sur un plan autre, allégorique, spirituel. Totalité de l'histoire a sens allégorique. Pas toujours de transcription parabolique à faire dans les Fables. Leçon spirituelle contenue dans toute parabole …

Aristote dans Rhétorique distingue un autre genre d'apologue : l'exemple (livre II), aussi un apologue quand s'en sert pour en déduire une leçon morale, ou l'illustrer. Mais exemple est historique quand fable fictionnelle. En a un exemple VIII, 4 « Le pouvoir des fables »

autre exemple X, 13 : « Les deux aventuriers et le talisman » : opposition entre exemple et fable et leur valeur pour la leçon morale.

Dans tous les cas, le but est didactique. Avec fin morale, ou spirituelle pour paraboles du Christ et voilà. Fable où règne seule fiction est un conte. Moralité sans récit est maxime morale (Erasme ou La Rochefoucauld ou encore parfois La Bruyère).

Trouve tous les dosages dans les Fables. Dans « Obsèques de la lionne » par exemple semble pressé de donner moralité : « mais revenons à notre histoire » … mouvement qui précipite texte vers moralité (courtisans beaucoup plus machines que les animaux).

Parle de fable, dans double fable du début du livre VI. Et parle de cet équilibrage. Faut les 2 sinon sert à rien. Pose problème développement fiction, jusqu'à quel point, alors que genre bref? Grande question dosage entre les 2.

autre exemple : IV, 12 : connaît histoire mais pas morale, nous dit-il. Ambition de donner la fable « toute nue ». mais se passe qu'au bout de cette assez longue fable, il y aura bien moralité. → fable toute nue pas possible.

 

Matériel de la fable :

Animaux pour l'essentiel, mais pas seulement. Toute sorte d'entités y entrent, êtres animés ou non : hommes, animaux, végétaux, parfois mêlés (exemple « La Chauve-Souris, le Buisson et le Canard »), des dieux, des abstractions allégorisées, objets inanimés … Mais préfère quand même les animaux, peut-être justement parce que didactique, or on instruit en priorité les enfants, les histoires d'animaux ont ce charme particulier qui va permettre « de mettre du miel autour de la coupe » (Lucrèce). Aussi pour ça qu'écrit en vers, même si usage du vers apparaît aussi caractère mondain (a parfois leçon impitoyable « Cigale et Fourmi » « Loup et Agneau » « vieux Chat et Jeune Souris », morale à l'usage des princes, pour les endurcir, vu leurs futures fonctions). Permet d'instruire enfants mais aussi peuple, cf « Pouvoir des Fables ».

(Là on est loin mais dans « Cigale et la Fourmi » on a nombre d'interprétations différentes toutes amenées par le texte, ou condamne l'un ou l'autre, ou morale chrétienne selon Dandrey).

 

 

Origines de la fable :

pratiquement toutes les littératures possèdent des fables, sous une forme ou sous une autre. Trouve des fables, comme on trouve des contes. Pratiquement une forme littéraire universel. Comme si besoin d'en passer par récit allégorique. « Au commencement était la fable, on appelle fable tout commencement : origine, cosmogonie, mythologie. », Valéry, Instants. Vérité élémentaire, que les hommes peuvent facilement observer autour d'eux. Fait partie par extension des formes simples de Jolles, comme devinette ou charade.

Dans langue classique appelle fable tout récit mythologique de l'Antiquité.

Début livre IV, p.133 : a bien idée que fable est la trace d'un temps premier, fabuleux lui aussi.

Autre preuve de cette origine mythique des fables : utilisation dans rites d'initiations dans sociétés « premières », de 2 manières : sous forme de fables que délivrent certaines vérités élémentaires, mais aussi comme des devinettes, pour tester sagesse et maturité de « l'aspirant homme ».

Les plus anciennes fables connues VIIIe s avant JC, Hésiode. 1Re « L'Épervier et le Rossignol », fable incluse dans ouvrage plus long de poésie didactique Les travaux et les Jours, reprise p.295 « Le Milan et le Rossignol ». Les travaux et les jours, poésie didactique, pratiquée très longtemps fin XVIe La Semaine de Du Bartas. Fables appartiennent à cette tradition mais pas seulement, La Fontaine est aussi un lyrique, Baudelaire n'est pas si loin, en fait.

Mais semble pas que cette 1re fables ait été considérée comme fable. Mais en Mésopotamie a retrouvé série de fables dans Histoire d'Ahigar. Certaines de ces fables vont se retrouver chez Ésope, et même la biographie romancée d'Ésope de Planude emprunte des épisodes à L'histoire d'Ahigar.

Entre Hésiode et Ésope trouve quelques fables notamment chez Archiloque (inventeur de l'iambe), qu'on connait souvent par reprise dans recueils d'Ésope. Si La Fontaine reprend Ésope, Ésope lui-même en reprend d'autres.

 

Venons-en à Ésope : pas seul modèle de La Fontaine, mais c'est quand même son modèle, Fables précédées de « Vie d'Ésope », comme Caractères et « Vie de Théophraste ».

Vie pour l'essentiel romancée, n'en connait pas grand chose, biographie fabuleuse.

1er à faire de la fable un genre distinct, jusque-là intégrée ailleurs comme chez Hésiode. Petits textes qui servent à un moment ou à un autre un autre texte. 1Er à écrire fables recueillies en recueils. Brefs récits en prose, mettant généralement en scène des animaux + morale lapidaire. Pas de recherche stylistique. Moralité invariablement après les récit. Genre codifié, mais pourrait douter que ce soit genre littéraire, car rien de ce qui fait littérature dedans. Devient réservoir de situations, personnages pour tous autres fabulistes. Et même dans moralités, rien de politique, religieux ou philosophiques. Sorte de sagesse générale qui s'exprime. Animaux appartiennent tous à sorte de caractérologie animale, invariablement définis par quelques traits. Ésope lui-même les a utilisé pour enseignement, ou se tirer de situations embarrassantes. Mais très vite utilisées dans cadre d'enseignement, comme Homère ou Hésiode. Ésope devient une des bases de l'enseignement dans écoles grecques, essentiellement écoles de rhétorique. Utilise les fables pour délivrer des vérités mais surtout comme exercice rhétorique consistant à mettre en fable, à développer ou réduire … Aristote lui-même au livre II de Rhétorique montre usage qu'orateur peut faire de la fable. La Fontaine fait pareil dans XII, 13. mais déjà dans préface dit utilisation fable peut se révéler payante par rapport à discours théorique. Développe ce point p.40 & « Pouvoir des Fables ». à l'inverse trouve éducation pédante dans I, 19 p.82 & IX, 5 p.280.

Avant que La Fontaine fasse de fable genre littéraire, genre était encore / déjà utilisé dans pédagogie … XII, 9 p.359. Duc de Bourgogne écrit des fables à la demande de son précepteur, Fénelon.

 

Beaucoup de fabulistes après Ésope, certains évoqués dans préface, p.38 : Phèdre, Avienus + Modernes, qu'il ne cite pas précisément, mais pense certainement à fabulistes italiens ou français de la Renaissance, qui n'ont souvent rien fait d'autre que mettre en vers Ésope. Ces fables mises en vers en trouve déjà au IVe s avant JC avec Démétrius de Phalère, ou IIe s ap Babrius. 1Er à versifier des fables serait Socrate, y fait allusion dans dédicace au Dauphin mais y vient aussi dans sa préface. Rapporté dans Phédon et Banquet des 7 sages de Plutarque, lui aurait été rapporté en songe que devait consacrer ses derniers instants à la musique, lui parut bizarre et réfléchissant à façon d'interpréter ce rêve en déduit que apprendre musique = faire quelque chose d'harmonieux, et plus en rapport dans littérature c'est poésie, et concilié avec recherche de vérité c'est la fable mise en vers. Tiennent à la fois de l'utile philosophique et de la musique, de l'harmonie, de l'agréable.

 

Côté latin : connait très tôt les fables, utilisation politique et rhétorique. Ménénius Agrippa fit ce cette fable (Les membres et l'estomac) en 503 avant JC en la racontant à la plèbe qui s'était révoltée pour la calmer. Fables chez Horace dans Satires et Épîtres. Ici pas de recueil, reprise par exemple rat des villes et rat des champs dans satire 6 du livre II.

Mais surtout Phèdre, 123 fables en vers, le grand fabuliste latin. Reprend souvent thèmes d'Ésope mais en invente aussi : « les deux mulets et le voleur » → « les deux mulets » chez La Fontaine I, 4. mais très fréquemment intertextualité passe par plusieurs auteurs chez La Fontaine. Par exemple « La Besace », I, 7 … part d'Ésope, Phèdre, Avenius, Catulle, Plutarque, La Fontaine puis Erasme, Rabelais (et j'en ai zappé).

 

Moyen-Âge : maintien de la tradition ésopique, à travers diverses compilations : Planude au XIVe s aussi auteur d'une Vie d'Ésope à laquelle La Fontaine dit emprunter. Mais aussi à partir du Xie s utilisation fréquente des fables dans les sermons. Cas par exemple des « Animaux malade de la paix » origine de cette fable serait sermon du père Raulin (cf. notice) sachant que peste ne vient pas de Raulin.

Existe même au Moyen-Âge un genre particulier : l'Ysopet, fable d'Ésope adaptée en langue vulgaire dont but est de mettre fable ésopique à portée d'un public populaire, mais aussi en les adaptant aux mœurs contemporains.

Trouve des fables chez Marie de France, vers 1160 – 70. (plus connue pour ses lais, genre médiéval, poème d'importance moyenne qui recycle histoires de l'épopée antique souvent focalisées sur thème amoureux).

Enfin Roman de Renart qui compile textes populaires de diverses sources mais qui ont en commun ce personnage de Renart, un goupil. 28 contes en octosyllabes, sortes de fables élargies.

 

Renaissance : multiplication des recueils qui traduisent et adaptent en vers fables d'Ésope, ou autres, avec véritable mode de la fable grecque au début et tout au long du XVIe s. Et La Fontaine semble connaître beaucoup de ces traductions.

1 exemple : Antoine de Baïf un des 7 poètes de la Pléiade Mythes, enseignements et proverbes → visée didactique → fable.

Plupart de ceux qui pratiquent récit au XVIe s incluent des fables. Par exemple Rabelais et Marguerite de Navarre. Intertextualité rabelaisienne très importante chez La Fontaine, surtout pour les noms. Par exemple fable chez Rabelais dans prologue du Quart-Livre, réécrit « Le bûcheron et Hermès » de façon grivoise → « Le bûcheron et Mercure », V, 1 chez La Fontaine.

Peut aussi citer Marot qui recourt à fable pour convaincre interlocuteurs. Cas de « à son ami Lyon » où réécrit « Le lion et la Rat reconnaissante » d'Ésope → chez La Fontaine II, 11.

La trouve aussi chez Erasme, ou Montaigne, tradition humaniste en général, vu intérêt pour enseignement. Montaigne en parle chap X du livre II. Souligne caractère sérieux du genre dans « Des livres » et par exemple encore chap XXXVII du même livre II, recours à Ésope pour faire satire des médecins.

 

XVIIe s : alors que Renaissance siècle de la fable, tout ceci disparaît. Trouve des recueils de traduction : Nivelet ou Jean Meslier (principal de collège, avec texte grec, traduction latine, traduction française et notes). Mais écrivains qui maintiennent vivante fable n'en existe guère au XVIIe avant La Fontaine. Seul Mathurin Régnier qui en utilise quelques-unes quand reprend satires. Époque où la littérature se « dignifie » alors met de côté genres trop populaires ou didactiques. Peut-être pour ça que fable semble tomber en désuétude. La Fontaine lui-même regrette de ne pas avoir souffle épique, surtout dans livre XII, et regrette de ne savoir faire que des fables. Elle a beau être mondaine elle ne figurera pas chez Boileau, pour lui La Fontaine pas vraiment écrivain, n'a pas dignité d'écrivain, car n'a fait que mettre en vers.

Mais La Fontaine épuise presque le genre, elle existera peu après lui.

 

Tradition indienne, convoquée dans volume 2. Trouve dans plus anciens textes bouddhistes animaux, animaux qui parlent, car croyance principale celle de la métempsychose. Plus souvent épopée que fable, mais déjà des animaux. Grand livre du Panchatantra, les 5 livres en sanscrit. Regroupe nombreuses fables et contes autour d'un sujet principal. Pas recueil de fables, récit où il y a des fables. Et c'est ce livre qui donne fables adaptées au VIIIe s par Bidpaï ou Pilipy (ortho?) dans Kalila et Dimna deux chacals, héros d'un recueil de fables. Traduit de l'arabe par Gilbert Gaulmin (?).

 

 

Détail de la réécriture : pour Barthes, poésie classique n'est qu'ornement de prose … Question de l'existence du vers, rapports vers / prose etc sont au centre de la réflexion de La Fontaine sur al poésie. Que ce soit pour déclarer que prose mieux dans caractère lapidaire, vers mieux dans charme … arguments contradictoires mais question de poésie tourne fréquemment autour de celle-là.

Peut comparer fable Ésope / La Fontaine : dernier aime beaucoup les fables doubles, ou jumelles, ou réunies (« La mort et le Malheureux » - « La Mort et le Bûcheron » p.78-79 I, 15 – 16). soit données ensemble, ou non, faut parfois les mettre en écho d'un livre à l'autre, ou à intérieur d'une fable qu'on a 2 versions de l'histoire … De cette façon nous donne à admirer son art de la variation. Presque démonstration de virtuosité rhétorique. Mais souvent nous invite à nous poser une question . Dans I, 15-16 présente d'abord sa version mais se ravise en réécrivant en étant plus fidèle. Cela dit sauf dans ces cas où se compare à Ésope en inférieur, comparaison montre supériorité de La Fontaine.

Va comparer nous-mêmes avec VII, 12 « Les Deux coqs » et original d'Ésope lu : tout est limité au strict nécessaire, pas de développement du caractère des animaux par exemple. Et moralité elle aussi n'est que rappel de sorte de vérité supposée connue de tous. C'est pourquoi brièveté et économie, censé être connu. Reprend « les premiers seront les derniers » en gros, loi du plus fort s'inversera. Quand prit au sens chrétien. Idée qu'ordre terrestre peut être inversé par force supérieure, idée de destin et de condition tragique de l'homme.

Ce qu'en fait La Fontaine. D'abord La Fontaine procède par amplification, par modification aussi : aigle devient vautour, pas uniquement pour adapter à zoologie, mais avec oiseau de proie moins fort, peut-être encore plus évident. Portrait des animaux pas si développés, amplification principale c'est parallèle avec Iliade, qui transforme fable en héroï-comique. Modifie ainsi tonalité de la fable qui de didactique devient fantaisiste, à l'utile s'ajoute l'agréable. Autre ajout : fait du combat une scène publique. + ajoute scènes secondaires, comme coq jaloux qui se prépare à revanche. En définitive c'est toute allégorie qui est étendue entre basse-cour et les hommes, se retrouve aussi dans les haines absurdes entre les peuples. Mais aussi goût du spectacle, curiosité malsaine, jalousie, comportement féminin et masculin supposé. Dans Ésope seule transcription humaine faudrait éviter de se vanter de ses victoires, hybris qui attire le renversement. Chez La Fontaine on a ça mais aussi tout reste de misère humaine mise en parallèle avec misère de la basse-cour. Chez La Fontaine rhétorique prend pas sur leçon, en quelque sorte. Morale également : La Fontaine remplace les puissances supérieures, les dieux par le sort, mais c'est aussi une déesse. Et il y a sorte d'incitation à la modestie, à l'humilité d'un christianisme assumé. + dimension politique et satirique de la fable. Dans ces 2 coqs satire de la cour, facile de passer de la basse-cour à la cour. Milieu où fait rire de son semblable, cherche à humilier pour faire rire les autres.

 

Où est-ce que La Fontaine aborde question de mise en vers?

D'abord titre : Fables mises en vers mais son côté classique … cf note entre 2 fables de la p.79.

Problème évoqué 1re fois p.35 dans dédicace en prose au dauphin, n'a fait qu'ajoute ornements à Ésope, s'efface derrière Ésope, et encore plus derrière Socrate. Fait partie de modestie de l'auteur qui sert de captatio benevolentiae au XVIIe s.

et revient longuement sur ce point dans préface p.37-38. La question est particulièrement importante pour l'évoquer ainsi coup sur coup.

Contextuellement La Fontaine prend position dans combat de docte à l'époque, sur la fable et notamment avec Patru. 1Res lignes de préface. Expose son opposition relative à l'Académicien Patru « maître de notre éloquence », qui dans Lettres à Olinde a inclus fables mais en prose et non en vers pour respecter brièveté. Pour lui mise en vers entraine forcément disparition de brièveté. Car va falloir utiliser périphrases, faire venir rime etc. Vers loin d'être ce qu'Hugo en dit : moyen de concentration, de condensation. Outre cela mise en vers amène ornementation contraire à l'esprit initial de la fable. Contre Patru La Fontaine n'argumente pas mais en appelle à toute tradition de mise en vers des fables et notamment à Socrate.

 

Dans le texte lui-même :

1er élément, un peu contradictoire avec le précédent, dans couple I, 15-16. met en parallèle fable d'Ésope mais en vers quand même, pas l'original. Les raconte en prose seulement dans préface et « Vie d'Ésope ». Voit différence après dans passage en vers. Par exemple « Le Renard et le Bouc » cité dans version ésopique en prose dans préface (ou « Vie d'Ésope »). dans couple pas vraiment de comparaison, puisque les 2 sont en vers, comparaison de 2 mises en vers de La Fontaine, l'une étant plus fidèle à Ésope que l'autre. Véritable comparaison serait à faire avec fable en prose d'Ésope.

Mais que fait-il dans ces 2 fables I, 15-16. En fait propose 1re mise en vers avec fin un peu modifiée, puis se ravisant ajoute une note disant que ses amis disent qu'a perdu Ésope → propose seconde version de même fable, plus fidèle pas pour laconisme ou brièveté mais pour trait d'esprit de la fin. Mais ce que remet déjà reste en vers, mais est un trait donc un ornement. Ce que reconnaît à Ésope comme supérieur c'est déjà un ornement, l'agréable, contrairement à ce que peut prétendre.

Même leçon XI, 6 p.336. D'abord objectif de contredire son maître : Ésope. Classique qui renie un ancien? Mais prise de position ne va pas plus loin que sorte de préambule immédiatement contredit par fable. 

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