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La Fontaine: Les Animaux Malades De La Peste

Publié le 10/10/2010

Extrait du document

fontaine

 

Les animaux malades de la peste, La Fontaine

 

La Fontaine commence à publier ses fables en 1668 , il les dédie au dauphin alors âgé de sept ans. Ces fables visent à donner sous une forme légère et ludique un enseignement moral (plaire et instruire). La Fontaine part d’une histoire grâce à laquelle il illustre une morale.

Ici le récit présente des animaux qui tiennent conseil et qui cherchent à déterminer lequel d’entre eux est le plus coupable et mérite de mourir pour sauver le reste de la population de la peste, fléau qui s’abat sur eux. Cette fable apparaît comme l’occasion pour La Fontaine de mener une réflexion sur la justice.

En quoi cette fable constitue t elle un apologue ?

Nous verrons tout d’abord l’importance des personnages et en quoi ils correspondent à des types, puis nous étudierons la progression de l’action avant de nous intéresser à la visée morale du récit.

 

     I. L’importance des personnages.

 

Les personnages de cette fable sont tous des animaux comme souvent dans les fables de La Fontaine, cependant, si on les observe bien, tous correspondent à un type bien précis.

 

        1. Le lion.

a. Prééminence du lion.

*  On peut reconnaître dans la description faite du lion la personne du roi. Comme nous l’indique l’auteur au vers 15 le lion est au centre : « le lion tint conseil «

* si l’on observe la répartition de la parole, c’est à dire les passages au discours direct on voit bien que le lion domine : il est le premier à prendre la parole et 19 vers lui sont consacrés.

 

b. Maîtrise du langage.

* Par sa maîtrise du langage, on voit bien que le lion est de haut rang (pas d’Alexandrie !!!!!!!!!) il sait ménager son auditoire, s’adresse à eux avec des termes plutôt flatteurs : « mes chers amis. «, parle à la première personne du pluriel, ainsi il inclut le peuple dans ses propos : « ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence. « : se met au même rang que le reste de la population alors qu’en fait il est bien supérieur à eux.

* De plus son discours est organisé par de nombreux connecteurs logiques : « donc «, « donc «, « mais «, « car «

    - modalisateurs qui marquent le doute : « peut être «, « je crois «, « je pense « : en fait, le lion ne doute pas vraiment mais il fait comme si pour se donner une meilleure image.

    - utilisation des impératifs : « ne nous flattons donc point, voyons «

         ⇨ Pour toutes ces raisons, on voit bien que le lion dans l’esprit de La Fontaine, n’est autre que le roi.

 

        2. Le renard.

Il représente le courtisan et apparaît comme un personnage rusé comme souvent dans les fables ou histoires où il est question de renard.

a. Hypocrite.

Le renard est très hypocrite : il cherche à obtenir les bonnes grâces du lion, tel le courtisan avec son roi, et pour cela il commence par le flatter : l’apostrophe du début annonce la couleur : « sire, vous êtes trop bon roi «, de plus la répétition de l’adverbe trop : « trop bon roi «, « trop de délicatesse. « indique bien le caractère excessif des propos du renard : il feint d’admirer le roi, mais il en fait trop et est hypocrite. Il souligne la délicatesse de son roi et les scrupules excessifs qu’il a. Puis, il lui dit que ce fut un honneur pour les animaux qu’il a dévoré, d’être dévoré par lui : « vous leur fîtes, seigneur, en les croquant, beaucoup d’honneur « !

 

b. La ruse du renard.

En plus d’être très hypocrite, le discours du renard montre à quel point celui ci est rusé. En effet, non seulement il flatte le lion mais en plus il lui montre que ce qu’il a fait n’était en rien mauvais : « Est ce un pêché ? Non, non « ; en effet, il ne s’agissait que de « canaille, sotte espèce. «. quant au berger, nul mal non plus de l’avoir tué puisqu’il fait parti de ceux qui cherchent à dominer les animaux : « étant de ces gens là qui sur les animaux se font un chimérique empire. « 

En confortant le roi dans ses actions le renard non seulement se fait bien voir ce qui lui évitera d’être sacrifié, si le lion doit choisir un animal. En plus, en ne parlant que du roi, il évite de parler de lui, et des mauvaises actions qu’il a pu faire.

=> La Fontaine, décrivant le renard, se moque de tous les courtisans, ces gens qui faisaient partie de la cour du roi, et qui le flattaient hypocritement pour obtenir ses faveurs.

 

        3. L’âne.

L’âne représente le peuple, il est très naïf. Il obéit à l’exhortation du roi à dire la vérité et à révéler l’état de sa conscience, et se présente de lui même comme coupable. Son « crime «, est d’avoir mangé l’herbe d’un pré, il termine en disant : « je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net. « Non seulement il avoue mais en plus il reconnaît sa culpabilité. Il est tellement naïf qu’il ne voit pas que manger l’herbe n’est rien à côté de manger moutons et berger, comme le lion. C’est la naïveté de cet âne qui va le conduire à sa perte.

=> L’âne décrit par La Fontaine représente le peuple qui se caractérise par sa naïveté, et se fait souvent avoir à cause de cela.

 

         ⇨ Les personnages choisis par La Fontaine par ce qu’ils symbolisent habituellement (lion = puissance, renard = ruse, âne = naiveté) sont très révélateurs de personnages ou groupes de personnes de la société de La Fontaine, ainsi en décrivant les réactions de ces animaux il stigmatise (=se moque) avec habileté les défauts de ses contemporains.

         ⇨ Voyons à présent comment l’action progresse dans cette fable.

 

    II. La progression de l’action.

        1. Préambule tragique et épique.

* Les 14 premiers vers de la fable constituent un préambule. Il présente dès le premier vers un caractère tragique : « un mal qui répand la terreur «. cela est d’autant plus tragique que ce mal est envoyé par « le Ciel en sa fureur «, c’est à dire que l’on ne peut pas grand chose contre cela puisque c’est la volonté du ciel. Ce mal a été envoyé « pour punir les crimes de la terre. «

* ce mal, dont on apprend au vers 4 qu’il s’agit de la peste est de grande ampleur : il « capable d’enrichir en un jour l’achéron «, l’achéron est un fleuve des enfers, autrement dit ce mal fait un nombre considérable de morts. La description de l’importance de ce mal est caractéristique du style épique : en effet La Fontaine insiste sur l’importance de ce mal, sur le fait qu’il touche tout le monde : le vers 7 est caractéristique du style épique : « ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. « ce vers qui forme un chiasme (figure de style a-b-b-a). le cœur de ce vers est l’adverbe : « tous « qui souligne le caractère général de ce mal : tous les animaux sont impliqués.

De plus, le terme « guerre « au vers 6 relève aussi du style épique « faisait aux animaux la guerre. «

* ce mal est d’autant plus grave qu’il empêche les animaux de mener une vie normale : toutes les activités courantes sont abandonnées : « nul mets n’excitait leur envie « = plus de gourmandise, « ni loups ni renard n’épiaient l’innocente proie « = les animaux ne chassent plus, et enfin l’amour et la joie ont disparus : donc ce mal a fait disparaître tous les sentiments les plus courants.

 

        2. La fausse dévotion du roi.

La stratégie argumentative du roi est très au point. Son discours est très progressif ce qui lui permet de ménager son auditoire :

    - il commence par annoncer que quelqu’un va devoir se sacrifier : « l’un de nous «, pour obtenir la guérison commune : ainsi au prix d’un sacrifice, la population tout entière pourra peut être guérir de la peste.

    - Puis en tant que chef des animaux, il cherche à donner l’exemple : après avoir exhorté chacun (au moyen d’un impératif ) à considérer sa conscience : « voyons  sans indulgence l’état de notre conscience. « il avoue avoir lui même commis des erreurs : il a dévoré des moutons alors que ceux ci ne lui avaient fait « nulle offense «.

    - il conclut en disant : « je me dévouerai donc s’il le faut « puis aussitôt après ajoute qu’il n’est sans doute pas le plus coupable : il invite alors chacun à s’accuser de même. =>Ainsi il agit avec beaucoup de finesse : il feint se s’accuser, puis aussitôt après dit que certes il est coupable, mais sans doute pas le plus coupable.

Le jeu des pronoms dans le discours du lion est très intéressant : il utilise en effet beaucoup la première personne du pluriel qui lui permet de se mettre sur le même plan que les autres animaux, ses sujets : « nos péchés «, « de nous «, « ne nous flattons «, « notre conscience «. mais cela ne dure pas, très vite il s’en sépare et parle à la première personne du singulier, invitant les autres à l’imiter : « que chacun s’accuse ainsi que moi «

 

        3. condamnation collective de l’âne.

enfin, la dernière partie de la fable est consacrée à la condamnation de l’âne.

Le vers 55 est clair : « à ces mots, on cria haro sur le baudet. « : l’âne a tous les animaux contre lui : en effet, tous ont compris qu’en l’accusant et en le condamnant lui, ils éviteraient d’être accusés. On a alors un vocabulaire très fort, et très négatif, qui vise à condamner l’âne : « ce maudit animal, ce pelé, ce galeux « : les qualificatifs ne manquent pas pour l’âne.

Les deux exclamations du vers 60 : « manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable ! «

« rien que la mort n’était capable d’expier son forfait « : son action est présentée comme un crime qu’il faudrait expier (vocabulaire religieux)

En même temps ce passage est plein d’ironie. La Fontaine se moque du caractère excessif et disproportionné de l’accusation faite contre l’âne.

 

        4. Un récit bien mené et plaisant.

- Alternance récit/discours

- Polyphonie (plusieurs voix)

- Variété de tons (épique, tragique ironique)

- Procédés de versification

 

    ⇨ un déroulement très progressif dans cette fable : d’abord un préambule qui met en place le problème ; puis le discours du lion qui est également très progressif, et le tout se termine par la condamnation de l’âne. Donc une fable bien menée qui multiplie les procédés pour plaire au lecteur.

 

   III. un récit à visée morale.

Derrière son côté, amusant et plaisant, cette fable a une visée morale : elle veut instruire et faire réfléchir. Comme le montrent les deux derniers vers qui constituent la morale du récit : « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. «, cette fable est une réflexion sur les inégalités qui existent dans la société entre les puissants qui sont invulnérables et les faibles que l’on accuse de tout.

 

        1. critique des puissants.

Vers 44 à 48 : critique des puissants : exemple du tigre et de l’ours : même s‘ils commettent « les moins pardonnables offenses «, personne ne leur dit rien. Ceux ci quoique « querelleurs «, sont vus comme de « petits saints «.

La Fontaine utilise beaucoup l’ironie dans sa fable pour se moquer de tous ceux qui utilisent de façon excessive leur puissance ; ainsi, le vers 60 est très ironique : « manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable ! « .

 

        2. condition misérable des faibles.

L’âne est faible et sous ce prétexte il est victime de toutes les accusations : on profite de sa faiblesse pour le rendre coupable de tous les maux.

Pour montrer cela La Fontaine insiste sur la disproportion entre la « faute « qu’il a commise (manger de l’herbe) et la punition qu’on lui inflige pour le punir (la mort). Les termes qui désignent l’âne sont très négatifs et montrent bien cette disproportion.

 

        3. Une critique de la justice.

La façon dont on désigne le coupable dans cette fable permet de critiquer la justice, qui en fait n’a rien de juste. Elle ne juge qu’en fonction de la puissance de chacun et non de manière objective : la morale est très claire.

 

    ⇨ conclusion : cette fable est très plaisante, elle est vivante, et varie les styles et les registres (tragique, épique, ironique). Cependant, malgré ce ton léger, c’est une réflexion très sérieuse qui est menée : le fabuliste utilise cette histoire pour dénoncer la tyrannie royale qui décide de manière aléatoire et subjective des mises à mort. C’est une justice qui ne tient compte que de la puissance et du rang de chacun et non de la culpabilité réelle.

    ⇨ Aujourd’hui cette fable est encore très actuelle : en effet, la justice n’est pas toujours la même pour tous et souvent les plus puissants et les plus riches sont plus favorisés que les faibles.

 

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