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LA FORME DRAMATIQUE DE LA COMEDIE

Publié le 06/04/2011

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   L'inspiration comique peut revêtir toutes les formes littéraires :    il y a des romans comiques (Rabelais, Cervantès, Furetière, etc.) ; il y a des contes et des nouvelles comiques (la Reine de Navarre, La Fontaine, Voltaire, etc.). Le Moyen Age a connu des épopées comiques, parodies du genre noble; cette inspiration peut même s'inscrire dans des poèmes lyriques (certaines pièces de Musset, quelques sonnets de Du Bellay à la fin des Regrets). Nous avons vu que beaucoup de satires (Boileau, Horace) relèvent de l'inspiration comique. Il y a enfin et surtout un théâtre comique.    Le comique peut se mêler aussi à d'autres inspirations; il correspond à un besoin si vif de l'esprit, qu'il apparaît un peu partout en littérature, et rares sont les œuvres dont il est radicalement absent : il y a des personnages ridicules dans l'Iliade; les romans de Balzac et ceux de Stendhal sont rehaussés d'un humour diffus.

« où les bourgeois méprisaient les paysans.

Aujourd'hui, c'est insoutenable : on a écrit des vaudevilles qui mettent enscène des souverains ; et, par ailleurs, nombre de romans, en somme tragiques, qui se déroulent dans des milieuxbourgeois (Mauriac).

Cette différence ne tient pas davantage à l'époque : on peut faire des comédies bouffes avecdes sujets antiques {La belle Hélène ou Phiphi).

Cette différence, enfin, ne tient pas au caractère des personnages;Sosie est peureux, mais Néron l'est aussi dans Britannicus ; Arnolphe est jaloux comme presque tous lespersonnages de Racine.

Le héros tragique, nous l'avons vu, est volontaire et passionné ; le personnage comiqueaussi.

Alceste, Orgon, Philaminthe, Figaro sont de grands volontaires, Harpagon, Arnolphe, Argan sont de grandspassionnés; comme les héros de tragédie, ils prétendent organiser leur vie à leur façon, sans se soucier descontingences ; eux aussi cherchent passionnément le bonheur et tout comme la tragédie, la comédie présente untableau assez complet des passions humaines. Ces ressemblances s'expliquent fort aisément.

Il y a comique quand on refuse de prendre quelque chose au sérieux;mais quel intérêt, quel mérite pour l'auteur, y a-t-il à faire rire de ce que personne ne songe à révérer ? Le comiqueprouve sa force quand il ne craint pas de ridiculiser ce que nous prenons le plus au sérieux, et l'on peut admettre engros qu'un sujet se prête à un comique plus fort, s'il offre l'occasion d'un tragique plus grave 1.

Or qu'est-ce quel'homme prend le plus au sérieux? Certainement ses passions quand elles sont insatisfaites, c'est-à-dire sesmalheurs.

Rien n'est plus important, plus poignant que d'échouer dans sa passion : c'est le sujet tragique parexcellence, mais c'est aussi, pour l'auteur comique, l'occasion de montrer combien il est ridicule d'accorder tantd'importance à l'objet d'une passion, de s'y laisser asservir et de souffrir pour si peu ; aussi, comme la tragédie, lagrande comédie nous présente-t-elle des passions qui échouent. Mais le poète tragique dégage de son sujet tout ce qui donne de l'importance au malheur jusqu'à en faire lesouverain du monde; l'auteur comique, au contraire, met tout en œuvre, non pas pour nier l'existence du malheur,mais pour nier son importance; alors que la tragédie finit mal, la comédie finit bien; et tout est bien qui finit bien.Bref, la donnée première est en gros la même, mais l'utilisation qu'en fait l'auteur est exactement divergente, suivantle genre qu'il traite; et c'est ici qu'apparaissent des différences entre tragédie et comédie. Il s'agit, pour l'auteur comique, de créer une atmosphère rassurante où la crainte et la pitié fassent place à lasécurité et au sentiment du ridicule.

On doit sentir dès le début que le malheur n'est pas très menaçant et que lespersonnages ne sont pas vraiment dangereux; c'est ici qu'interviennent les mille procédés du comique : exagération,ridicule du costume» des gestes, des mots; et surtout les innombrables contrastes des différents personnages quise contrarient et se moquent les uns des autres. Pourquoi Alceste est-il amusant dès la première scène, alors qu'on prend Oreste au sérieux dès le début d'Andromaque ? • Il y a d'abord l'exagération d'Alceste (contraste avec le public) qui fait un drame pour un geste de politesse àpeine plus significatif qu'une poignée de mains aujourd'hui. • Il y a la mimique et la gesticulation d'Alceste que Molière caricaturait jusqu'à la bouffonnerie. • Il y a le contraste avec Philinte, et surtout ce fait que Philinte, dès le début, s'amuse d'Alceste et refuse de leprendre au sérieux, alors que les confidents de Racine, amplifient le prestige tragique de leurs maîtres en nousrévélant les craintes et la pitié qu'ils éprouvent. Bref, si la tragédie crée un monde où domine le malheur, la comédie crée un monde médiocre, rassurant et ridiculeoù le malheur ne dépasse pas en fin de compte la simple contrariété Le héros tragique, d'après Racine, ne doit être ni bon ni méchant; mais il serait plus exact, nous l'avons vu, de direqu'il doit être à la fois bon et méchant, capable à la fois de crimes pour inspirer la crainte et de générosité pourinspirer la pitié; et finalement, le héros est tragique parce qu'il émeut, aussi largement que possible, notresensibilité, depuis la crainte, qui tend à exclure la sympathie, jusqu'à la pitié qui tend à exclure la peur.

C'est lehéros comique qui, au pied de la lettre, n'est ni bon ni méchant; il n'est pas méchant, il est incapable de crime, iln'inspire donc pas la crainte.

(Molière prend soin de nous faire comprendre qu'Alceste, Orgon, Arnolphe, Philaminthe,n'était leur manie, sont de braves gens au fond).

Mais il n'est pas vraiment bon, non plus; il n'est guère généreux etses infortunes ne provoquent pas la pitié.

Les personnages de Molière sont des tyrans domestiques assez égoïstes;et dans Don Juan (II-3) quand on pourrait s'apitoyer sur le sort de Pierrot, Molière s'arrange pour découvrir sonégoïsme et pour couper court à une sympathie excessive.

Un personnage est comique quand il laisse notresensibilité dans une sorte d'équilibre et, pour ainsi dire, au point mort, sans que nous penchions ni vers la crainte nivers la pitié; et c'est dans cette absence de sentiments que nous pouvons le juger ridicule.

Nous sommes détachésdu personnage comique, alors que nous sympathisons avec le héros de tragédie.

Stendhal remarque très justementdans Racine et Shakespeare : ...

L'intérêt passionné avec lequel on suit les émotions d'un personnage constitue latragédie, la simple curiosité qui nous laisse toute notre attention pour cent détails divers, la comédie.

L'intérêt quenom inspire Julie d'Etang es est tragique.

Le Coriolan de Shakespeare est de la comédie.

Le mélange de ces deuxintérêts me semble difficile. D'une façon générale, les auteurs comiques utilisent rarement la méchanceté des hommes, il semble même qu'ils necroient guère à son existence; presque tout, chez eux, s'explique par les divers aspects de la bêtise humaine, dontils nous donnent un tableau remarquablement complet (Molière, La Fontaine, Voltaire), et qu'ils dénoncent avec une. »

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