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Frege : la recherche d'un langage objectif

Publié le 22/02/2012

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Gottlob Frege (1848-1925) est un mathématicien, logicien et philosophe allemand dont l'oeuvre est d'une importance considérable pour l'histoire de la philosophie du XXe siècle. Celui qu'on a pu appeler « le Descartes de la philosophie contemporaine, celui avec qui tout commence à nouveau » (J. Lacoste) lance littéralement les problématiques philosophiques du début du siècle. Sa réflexion est essentiellement une enquête sur les fondements des mathématiques et de la vérité. Retenons : Idéographie (1879) et Les Lois fondamentales de l'arithmétique (1903). De l'objectivité de la pensée à celle du langage Quand il affronte le problème de la réalité des nombres et des idées, Gottlob Frege critique violemment le psychologisme. « Une proposition ne cesse pas plus d'être vraie quand je n'y pense pas que le soleil est anéanti quand je ferme les yeux. » Frege, Les Fondements de l'arithmétique Frege défend une conception réaliste selon laquelle les pensées ont une existence objective en dehors et indépendamment de l'esprit individuel du sujet qui les pense. La pensée n'est pas une représentation dans la conscience subjective d'un sujet. Ouvrant plus amplement sa réflexion, Frege va s'affronter au langage. Celui-ci était compris comme un répertoire de représentations linguistiques correspondant aux représentations mentales qui, elles-mêmes, symbolisaient les choses. Les mots symbolisent les choses parce qu'ils sont les signes des pensées qui, elles-mêmes, sont des signes des choses. Or cette conception paraît intenable à Frege. D'une part, tous les éléments du langage ne sont pas des symboles des choses, ainsi les éléments syntaxiques (les conjonctions, par exemple) ou encore les expressions complexes (si…alors, etc.) ; d'autre part, la signification d'un mot, accessible à tous les locuteurs, ne peut être comprise comme une représentation subjective et privée. Frege est amené, dans Sens et référence (1892), à distinguer le sens d'un signe (Sinn), qui est un concept objectif, la représentation subjective (Vorstellung) qui accompagne son usage dans notre esprit et l'être individuel qui constitue sa référence (Bedeutung), et que le signe dénote ou désigne. Il abandonne la notion de représentation au profit de celle de signification et défend l'idée que celle-ci est universelle et objective. Cela implique aussi qu'à toute pensée corresponde effectivement une entité idéelle réelle. Le langage, une pseudo-science Mais le langage réserve une autre difficulté, qui est de savoir si la structure grammaticale de nos énoncés correspond adéquatement à la structure réelle (ou ontologique, c'est-à-dire qui concerne ce qui est, les choses qui sont) du monde. Or la variété des langues naturelles, qui fait qu'il existe une multiplicité de grammaires incompatibles, oblige à constater que la syntaxe d'une langue n'a aucune légitimité scientifique et ne préjuge pas d'une correspondance avec le monde. La science est une langue bien faite, disait Condillac (1715-1780) – et inversement, pourrait-on dire, nos langues sont des pseudo-sciences confuses et erronées. Or nos façons de raisonner et de penser dépendent de la langue naturelle dans laquelle nous opérons. La nécessité de créer une langue purifiée pour penser en vérité Frege se propose donc de mettre sur pied une autre langue, artificielle et rigoureuse, pour formuler une pensée adéquate. « Mon intention ne consiste pas à représenter une logique abstraite par des formules, mais bien à exprimer un contenu au moyen de symboles écrits d'une façon plus précise et plus claire qu'il ne serait possible de le faire en utilisant des mots. » Frege, Idéographie Cette langue ne peut être qu'une langue naturelle purifiée par les lois logiques universelles et objectives. C'est ainsi qu'il tente de fonder les mathématiques sur les lois logiques tout en éloignant celles-ci des ambiguïtés de la langue naturelle. Ce projet frégéen, le logicisme, en partie réalisé dans Les Lois fondamentales de l'arithmétique (1903), inaugure la logique contemporaine et le bouleversement de la philosophie du langage. L'oeuvre est fondamentale pour la suite du XXe siècle. Elle est le commencement des débats qui donneront naissance, dans les premières décennies de la période, aux philosophies de Russell, de Whitehead et de Wittgenstein, comme à la phénoménologie de Husserl.

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