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Gilbert CESBRON. Ailleurs.

Publié le 22/03/2011

Extrait du document

La grande affaire de nos contemporains est de vivre ailleurs. S'ils sont milliardaires, ils embarquent sur le plus grand paquebot du monde pour boucler, pour bâcler en quatre-vingt-huit jours le tour du globe. Ils n'y trouveront « rien que la terre «, comme l'écrivait Paul Morand il y a presque un quart de siècle. D'ailleurs, la tempête (c'est-à-dire la vraie vie) les a rejoints dès la première étape de leur fuite — quel symbole ! S'ils sont moins riches, ils recherchent leur Ailleurs dans ces clubs de vacances dont « les gentils organisateurs « commencent par leur retirer tout maniement d'argent. Quel symbole, là encore ! C'est ce qu'avaient découvert, il y a longtemps, les créateurs des « cures de détente « : que la suppression de son portefeuille et celle de son carnet de chèques purifient un millionnaire plus efficacement que n'importe quelle eau minérale. S'ils ne sont pas riches, nos contemporains attendent leur Ailleurs de ce petit écran où les fictions oblitèrent chaque soir les documentaires et où les problèmes essentiels doivent, sous peine d'être relégués, prendre l'apparence d'un duel. A âmes égales, les téléspectateurs rejoignent le guignol de leur enfance, laquelle demeure, pour tous les hommes, le grand Ailleurs perdu. Chez les jeunes, cette quête est plus pathétique. Elle les mène sur les routes du monde, de stop en stop. Ils la poursuivent en se déguisant chaque jour. Ces Indiens, ces Hindous, ces Apôtres, ces Habsbourg : ce musée Grévin du temps et de l'espace dans les rues transies de nos villes, tout cela qui prête à sourire devrait donner à réfléchir. Car on ne se déguise jamais qu'en soi-même; un jeune qui se travestit de la sorte nous révèle seulement son rêve, et aussi son immense dégoût de tout ce qui nous ressemble. C'est nous autres, c'est nous seuls que son ridicule tue. Mais ils s'aperçoivent un jour qu'errance ou déguisements ne rassasient pas cette grande faim d'Ailleurs. Alors, voyageurs imprudents, ils en arrivent à la drogue. Dépaysement passager et coûteux : au terme de ce chemin-là, on rencontre assez vite la mort, celle qui n'ose pas dire son nom, ou bien l'autre, la vraie, l'Ailleurs définitif. Faut-il dore avoir pénétré dans les eaux profondes, avoir atteint le désespoir allègre qui confine à l'espérance pour comprendre enfin que cette soif d'Ailleurs, qui est écrite en nous, ne pourra jamais se satisfaire de pareils artifices? Au regard de cette soif-là, l'errance, le carnaval, l'érotisme, la drogue, l'utopie ne sont que des sirops empoisonnés ou insipides. C'est d'eau vive qu'elle veut s'étancher. Oui, faut-il attendre qu'il soit juste un peu trop tard pour comprendre que le véritable Ailleurs est en nous : au fond de soi, au fond de l'autre. Selon les uns, on doit l'appeler Dieu ; selon les autres, l'Amour. Mais voici le grand secret : c'est la même chose. Résumez ce texte en une dizaine de lignes. Expliquez les mots en italiques : « oblitèrent; quête; insipides «. Comment pensez-vous que les jeunes puissent apaiser leur « soif d'Ailleurs « autrement que par les « artifices « condamnés par l'auteur? (développement composé de trente à cinquante lignes).

 

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