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Peut-on nous reprocher une faute de goût ?

Publié le 21/03/2004

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• Le problème posé par le sujet est celui de savoir si le goût et le bon goût sont l'œuvre de notre liberté et relèvent, dès lors, d'un jugement éthique ou s'ils sont étrangers à cette sphère. • L'enjeu de la question et du problème sont évidents : le goût et la faculté de juger le Beau sont, dans nos sociétés et nos esthétiques, volontiers sacralisés. Si le goût ne résulte que d'un conditionnement social et si nul ne peut nous reprocher une faute de goût alors une désacralisation générale s'impose en ce qui concerne la position traditionnelle du problème esthétique. Désacraliserons-nous le fameux bon goût ? C'est ce que certains sociologues tentent de faire dans leurs essais ou études. • Quel plan et quelle structure sont possibles, en ce qui concerne cet intitulé ? On pourrait envisager une structure progressive, avec approfondissement de la notion de goût analysée dans son essence et son contenu purifiés, et relevant progressivement de notre liberté - nous en serions alors tenus pour responsables -. Nous mentionnerons ce plan possible, essentiellement pour bien vous montrer l'extrême liberté dont vous disposez dans la dissertation philosophique - aucun plan n'est obligatoire ! Dans un tel plan, seraient examinés successivement les notions de bon ou mauvais goût, de norme de goût, enfin de jugement de goût, notions vis-à-vis desquelles serait considérée la notion de faute. Ainsi, apparaîtraient progressivement les rôles de notre liberté et de notre responsabilité. Nous pourrions ainsi répondre à la question : une faute de goût peut, dans une certaine mesure, nous être reprochée. 
Le « goût « a évidemment deux sens principaux. C'est : 1) le « sens grâce auquel l'homme et les animaux perçoivent les saveurs propres aux aliments « (Petit Robert), et 2) l'« aptitude à sentir, à discerner les beautés et les défauts d'une œuvre d'art, d'une production de l'esprit « (id.). Le sujet n'indique pas en quel sens il faut entendre goût, puisqu'on peut parler de « faute de goût « aussi bien à propos de gastronomie qu'à propos d'art. On pourra donc légitimement traiter le sujet en optant soit pour l'un ou l'autre sens, soit, comme nous le ferons ici, en considérant les deux sens.

« Le goût est-il naturel, incorrigible ? Peut-il faire l'objet de reproches ? Répond-il à une norme, ou le goût peut-il êtreindividuel ? Qu'est-ce qu'une faute de goût ? Est-ce une faute par rapport à soi, par rapport à une société précise(voir la Distinction de Bourdieu) ? Le goût peut être défini pour partie comme le sens du beau.

Mais quand je dis : "Ce tableau est beau ", c'est bien un jugement ; mais le problème, c'est que le concept de " beau " paraît être unconcept indéterminé et subjectif : par ce jugement j'exprime d'abord que ce tableau me plaît (subjectif), mais aussiqu'en droit il doit plaire aux autres (qualité objective du tableau).

C'est par cette prétention à l'universalité qu'onpeut approcher le problème de la " faute de goût ", en distinguant bien la faute de l'erreur : quand je dis d'untableau horrible qu'il est beau, je fais une faute de goût, mais quand je dis que le ciel est bleu alors qu'il est gris, jefais une erreur.

On peut ensuite se demander si la " faute de goût " existe bien, si ce n'est pas seulement un critèreinventé par la société : dans ce cas, le goût concerne moins le beau que les usages (" ça ne se fait pas ") ; ce quiest de bon goût dans tel milieu ne le sera pas dans tel autre.

Selon Kant (Critique de la faculté de juger), l'idéeselon laquelle le goût et le beau sont simplement subjectifs, l'idée que " tous les goûts sont dans la nature ", est unlieu commun par lequel " ceux qui n'ont pas de goût pensent se défendre de tout blâme ".

Le goût est-il objectif oudéterminé ? De quelle nature doit être le beau pour que, quand on commet une " faute " de goût, ce ne soit pas uneerreur mais bien une faute (comme si le beau avait un contenu moral) ? Introduction Un constat : On dit que « des goûts et des couleurs on ne discute pas » ; en même temps, l'on dit que tel a « bongoût », tel « mauvais goût » : dans le premier cas, on suppose qu'il n'existe pas de hiérarchie dans les goûts, tandisque l'on estime dans le second cas qu'il existe au contraire un système de valeur objectif, donc universel,permettant de déterminer le bon et le mauvais goût.

Par ailleurs, l'on parle de « faute de goût » ; or il n'y avéritablement faute que s'il y a responsabilité du sujet qui la commet, et que si la faute aurait pu être évitée : celasuppose donc que le goût peut être corrigé, c'est-à-dire éduqué. Le problème : La question se pose donc de savoir si l'on peut réellement nous reprocher une faute de goût.

Maisl'on voit que cette question n'est qu'un aspect d'une question plus fondamentale, dont elle est dépendante, celle desavoir si le goût est naturel ou s'il dépend de la culture.

Car si le goût est chose purement naturelle, s'il ne peut êtreéduqué, on ne saurait nous reprocher une quelconque faute de goût si tant est qu'elle puisse exister.

Pour examinercette question, nous commencerons par le plus naturel des goûts, le sens gustatif. 1.

Le sens gustatif Un sens naturel des saveurs ? Pour pouvoir considérer le sens gustatif comme un sens ne relevant que de la nature, il faudrait d'abord pouvoirdistinguer celle-ci de la culture.

Rousseau imagine une telle distinction.

Dans l'état de nature, dit-il, l'homme est l'« animal [...] organisé le plusavantageusement de tous : je le vois se rassasiant sous un chêne, se désaltérant au premier ruisseau, trouvant sonlit au pied du même arbre qui lui a fourni son repas ; et voilà tous ses besoins satisfaits » [Discours sur l'origine del'inégalité, I, § 2).

Ainsi l'homme pourrait-il se fier, dans cette situation naturelle, à son goût pour choisir sans risque les aliments quilui sont utiles : « Il n'y a point naturellement pour l'homme de médecin plus, sûr que son propre appétit ; et à leprendre dans son état primitif, je ne doute point qu'alors les aliments qu'il trouvait les plus agréables ne lui fussentaussi les plus sains » (Emile, IV, Garnier, pp.

164-165).

Mais « plus nous nous éloignons de l'état de nature, plusnous perdons de nos goûts naturels » (ibid.), et l'habitude nous donne des goûts qui sont inspirés par ceux de notrepays.

Rousseau sait que l'état de nature est un état qui « n'existe plus, n'a peut-être jamais existé et qui n'existerajamais » ; à moins de recevoir une éducation qui nous donne sinon des goûts naturels du moins les goûts les plussimples, nous sommes désormais, sur ce plan comme sur les autres, des êtres dont les goûts sont marqués par lasociété (nous dirions aujourd'hui dépendants de notre culture) au point que changer de goût est presque impossible. Genèse psychologique du goût Selon Freud, l'acte de se nourrir, autour duquel s'élabore le sens gustatlf, déborde le fait biologique de la nutrition.L'assimilation par le nourrisson de substances utiles Inaugure une histoire psychologique, liée à jamais à l'histoire desrelations avec le premier objet d'amour, la mère nourricière.

Goûts et dégoûts sont des traces de cette histoire quirenvoie aux expériences originaires de satisfaction.Mais cette histoire psychologique est déjà plus qu'individuelle, au moins parce que les échanges entre la mère etl'enfant sont partiellement définis par des goûts sociaux, coutumiers ou traditionnels.. »

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