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L'habileté technique suffît-elle à définir l'artiste ?

Publié le 24/03/2004

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technique

Pourtant, on ne dira pas par exemple que celui qui maîtrise parfaitement le marteau pour enfoncer un clou dans une planche est habile. En revanche, l'utilisation du marteau en sculpture demande de l'habileté : il semble bien que la difficulté de la tâche à réaliser détermine le degré d'habileté requis. L'habileté n'est technique que dans la mesure où elle se rapporte à un ensemble de règles qu'il s'agit d'appliquer en vue de la réalisation de la tâche : ce sont les règles qui définissent la technique appropriée. L'habileté technique semble dès lors être la maîtrise de ces règles. La notion d'art est trop vaste et trop sujette à polémique pour que nous puissions en établir une définition précise. Nous nous contenterons donc de rappeler une distinction fondamentale : l'artiste et l'artisan possèdent un savoir faire qui requiert de l'expérience. L'artiste cependant se distingue de l'artisan par la gratuité de son geste. L'artisan produit un objet fonctionnel alors que l'artiste produit une oeuvre, par exemple un tableau, qui en soi ne sert à rien, même si l'on peut lui attribuer par la suite de multiples fonctions : divertissement du regard, revendication politique, etc.

Problématisation :   Un premier problème surgit d'emblée de l'analyse que nous avons menée : si le geste de l'artiste est gratuit, désintéressé, l'oeuvre alors produite est en soi dénuée de finalité, elle ne remplit aucune fonction.

La question centrale du sujet est de savoir ce qui définit l'artiste, ce qui fait sa spécificité. Le terme d'habileté technique est à questionner, dans la mesure où l'habileté peut précisément être considérée comme spécifique à l'art et ne ressortissant pas à la technique, qui serait une simple application d'un savoir : dans ces conditions, on peut ramener la problématique de ce sujet à celle du sujet précédent, en s'attachant à montrer que l'habileté suffit à définir l'artisan, mais non pas l'artiste entendu comme celui qui produit des oeuvres d'art : car alors à " l'habileté technique " doit s'ajouter le talent ou le génie (qui ont ceci de commun avec l'habileté qu'ils ne sont pas des savoirs). On pourra ainsi adopter le plan suivant :

  • 1. Science, technique et art
  • 2. Les beaux arts, arts du génie

 

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« Suffit-il pourtant de s'entraîner jusqu'à maîtriser une technique, y avoir suffisamment d'habileté, pour prétendre autitre d'artiste ? Dans ce cas, tout amateur entraîné est artiste en droit. II – Comment distinguer l'artiste de l'amateur exercé ? Référence : Kant, Critique de la faculté de juger « Le génie est le talent (don naturel), qui donne les règles à l'art.

Puisque letalent, comme faculté productive innée de l'artiste, appartient lui-même à lanature, on pourrait s'exprimer ainsi : le génie est la disposition innée del'esprit par laquelle la nature donne les règles à l'art.

Quoi qu'il en soit decette définition, qu'elle soit simplement arbitraire, ou qu'elle soit ou nonconforme au concept que l'on a coutume de lier au mot de génie, on peuttoutefois déjà prouver que suivant la signification en laquelle ce mot est prisici, les beaux-arts doivent nécessairement être considérés comme des arts dugénie. Tout art en effet suppose des règles sur le fondement desquelles un produitest tout d'abord représenté comme possible, si on doit l'appeler un produitartistique.

Le concept des beaux-arts ne permet pas que le jugement sur labeauté de son produit soit dérivé d'une règle quelconque, qui possède commeprincipe de détermination un concept, et par conséquent il ne permet pas quel'on pose au fondement un concept de la manière dont le produit est possible.Aussi bien les beaux-arts ne peuvent pas eux-mêmes concevoir la règled'après laquelle ils doivent réaliser leur produit.

Or puisque sans une règle quile précède un produit ne peut jamais être dit un produit de l'art, il faut que lanature donne la règle à l'art dans le sujet (et cela par la concorde desfacultés de celui-ci); en d'autres termes les beaux-arts ne sont possibles quecomme produits du génie.

» Kant reformule la sanction aristotélicienne : « les beaux-arts ne peuvent pas eux-mêmes concevoir la règle d'aprèslaquelle ils doivent réaliser leur produit ».

Il n'y a donc pas de règle générale pour l'application des règles.Cependant, ce n'est pas l'expérience qui permet de savoir quelles règles appliquer.

Kant écrit : « la nature donne larègle à l'art dans le sujet ».

Cette règle est donnée au sujet à travers une faculté exceptionnelle : le génie.

C'estpourquoi Kant écrit encore : « le génie est la disposition innée de l'esprit par laquelle la nature donne les règles àl'art.

» Dans cette perspective, l'amateur peut toujours gagner en habileté, mais n'est jamais assuré d'égaler l'artiste.L'habileté technique ne donc suffit pas : il faut que la règle de l'art lui-même soit donné au sujet, il lui faut du génie. III - L'habileté technique est-elle même nécessaire ? Que penser de la série des Marilyn d'Andy Warhol ? Il semble que cette oeuvre d'art ne requiert pas d'habileté particulière.

On pourra objecter que la sérigraphie possède sa propre technique. Mais alors qu'en est-il de l' urinoir fontaine de Marcel Duchamp ? Son urinoir est une production d'usine.

Le geste de Duchamp a simplement consisté à le placer – retourné – dans un musée.

Pourtant Duchamp inaugure de fait l'artcontemporain.

Ce second exemple met en doute la nécessité d'une quelconque habileté technique chez l'artiste. Marc Jimenez, dans La querelle de l'art contemporain met au jour un double mouvement de l'art au 20 ème siècle : le premier tire l'art vers le concept, le second consiste en une dématérialisation.

Ce qu'il y a d'artistique dans l' urinoir fontaine , c'est précisément qu'il consiste en une négation de toutes les règles communément admises par la tradition.

Il ne s'agit donc pas d'une simple provocation mais d'un positionnement par rapport aux règles de l'art : cepositionnement est la négation, l'opposition totale.

En cela, et puisque Duchamp a ouvert un espace nouveau del'art, on peut dire qu'il a imposé une nouvelle règle que l'on pourrait formuler ainsi : « il n'y a pas de règles ».

Ens'opposant aux règles de l'art, il marque paradoxalement son inscription dans l'histoire de l'art.

Il démontre par làmême qu'il est possible de faire de l'art sans habileté, et même sans technique. Conclusion : Les règles sont apparues nécessaires dans un premier temps : l'artiste doit posséder une technique et la maîtriser.Cependant, ces règles sont plus ce qui définit l'apprentissage de l'art que sa pratique.

L'habileté de suffit pas eneffet à faire de celui qui applique les règles un artiste.

Encore lui faut-il imposer à l'art (à l'histoire de l'art) sa règlepropre, fondamentale : la règle qui dira ce que nous devons faire des règles passées.

L'art contemporain jouit danscette perspective d'un statut particulier : il présuppose toujours des règles mais sa règle fondamentale consistejustement à abolir les règles.

La règle, en ce sens, reste toujours présente en deçà de l'oeuvre mais muette.

Cettedernière remarque qui insiste sur la présence discrète de la règle permet de ne pas tomber dans le cliché consistantà prétendre que n'importe qui pourrait peindre un monochrome ou un Picasso.

L'artiste ne se définit par conséquentpas par son habileté technique mais par le rapport ou la position qu'il occupe par rapport aux règles (historiques) del'art.. »

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