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Henri Bergson

Publié le 22/02/2012

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bergson
Un grand philosophe est celui qui crée de nouveaux concepts : ces concepts à la fois dépassent les dualités de la pensée ordinaire et donnent aux choses une vérité nouvelle, une distribution nouvelle, un découpage extraordinaire. Le nom de Bergson reste attaché aux notions de durée, de mémoire, d'élan vital, d'intuition. Son influence et son génie s'évaluent à la manière dont de tels concepts se sont imposés, ont été utilisés, sont entrés et demeurés dans le monde philosophique. Dès les Données Immédiates, le concept original de durée formé ; dans Matière et Mémoire, un concept de mémoire ; dans l'Évolution créatrice, celui d'élan vital. Le rapport des trois notions voisines doit nous indiquer le développement et le progrès de la philosophie bergsonienne. Quel est donc ce rapport ?    En premier lieu, pourtant, nous nous proposons seulement d'étudier l'intuition, non pas qu'elle soit l'essentiel, mais parce qu'elle est susceptible de nous renseigner sur la nature des problèmes bergsoniens. Ce n'est pas par hasard que, parlant de l'intuition, Bergson nous montre quelle est l'importance, dans la vie de l'esprit, d'une activité qui pose et constitue les problèmes (La pensée et le mouvant) : il y a des faux problèmes plus encore qu'il n'y a de fausses solutions, avant qu'il n'y ait de fausses solutions pour les vrais problèmes. Or, si une certaine intuition est toujours au coeur de la doctrine d'un philosophe, une des originalités de Bergson est dans sa propre doctrine d'avoir organisé l'intuition même comme une véritable méthode, méthode pour éliminer les faux problèmes, pour poser les problèmes avec vérité, méthode qui les pose alors en termes de durée. " Les questions relatives au sujet et à l'objet, à leur distinction et à leur union, doivent se poser en fonction du temps plutôt que de l'espace (Matière et Mémoire). " Sans doute c'est la durée qui juge l'intuition comme Bergson l'a rappelé plusieurs fois, mais il n'en reste pas moins que c'est seulement l'intuition qui peut, quand elle a pris conscience de soi comme méthode, chercher la durée dans les choses, en appeler à la durée, requérir la durée, précisément parce qu'elle doit à la durée tout ce qu'elle est. Si donc l'intuition n'est pas une simple jouissance, ni un pressentiment, ni simplement une démarche affective, nous devons d'abord déterminer quel est son caractère réellement méthodique.  
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« Un grand philosophe est celui qui crée de nouveaux concepts : ces concepts à la fois dépassent les dualités de la pensée ordinaire et donnent auxchoses une vérité nouvelle, une distribution nouvelle, un découpage extraordinaire.

Le nom de Bergson reste attaché aux notions de durée, de mémoire , d'élan vital , d'intuition.

Son influence et son génie s'évaluent à la manière dont de tels concepts se sont imposés, ont été utilisés, sont entrés et demeurés dans le monde philosophique.

Dès les Données Immédiates, le concept original de durée formé ; dans Matière et Mémoire, un concept de mémoire ; dans l'Évolution créatrice, celui d' élan vital .

Le rapport des trois notions voisines doit nous indiquer le développement et le progrès de la philosophie bergsonienne.

Quel est donc ce rapport ? En premier lieu, pourtant, nous nous proposons seulement d'étudier l'intuition, non pas qu'elle soit l'essentiel, mais parce qu'elle est susceptible denous renseigner sur la nature des problèmes bergsoniens.

Ce n'est pas par hasard que, parlant de l'intuition, Bergson nous montre quelle estl'importance, dans la vie de l'esprit, d'une activité qui pose et constitue les problèmes (La pensée et le mouvant) : il y a des faux problèmes plus encore qu'il n'y a de fausses solutions, avant qu'il n'y ait de fausses solutions pour les vrais problèmes.

Or, si une certaine intuition est toujoursau coeur de la doctrine d'un philosophe, une des originalités de Bergson est dans sa propre doctrine d'avoir organisé l'intuition même comme unevéritable méthode, méthode pour éliminer les faux problèmes, pour poser les problèmes avec vérité, méthode qui les pose alors en termes de durée. " Les questions relatives au sujet et à l'objet, à leur distinction et à leur union, doivent se poser en fonction du temps plutôt que de l'espace(Matière et Mémoire) .

" Sans doute c'est la durée qui juge l'intuition comme Bergson l'a rappelé plusieurs fois, mais il n'en reste pas moins que c'est seulement l'intuition qui peut, quand elle a pris conscience de soi comme méthode, chercher la durée dans les choses, en appeler à la durée,requérir la durée, précisément parce qu'elle doit à la durée tout ce qu'elle est.

Si donc l'intuition n'est pas une simple jouissance, ni unpressentiment, ni simplement une démarche affective, nous devons d'abord déterminer quel est son caractère réellement méthodique.

Le premier caractère de l'intuition, c'est qu'en elle et par elle quelque chose se présente, se donne en personne, au lieu d'être inféré d'autre chose etconclu.

Ce qui est en question, ici, est déjà l'orientation générale de la philosophie ; car il ne suffit pas de dire que la philosophie est à l'origine dessciences et qu'elle fut leur mère, mais maintenant où elles sont adultes et bien constituées, il faut demander pourquoi il y a encore de laphilosophie, en quoi la science ne suffit pas.

Or la philosophie n'a jamais répondu que de deux manières à une telle question, sans doute parcequ'il n'y a que deux réponses possibles : une fois dit que la science nous donne une connaissance des choses, qu'elle est donc dans un certainrapport avec elles, la philosophie peut renoncer à rivaliser avec la science, elle peut lui laisser les choses, et se présenter seulement d'une manièrecritique comme une réflexion sur cette connaissance que nous en avons.

Ou bien, au contraire, la philosophie prétend instaurer, ou plutôtrestaurer, une autre relation avec les choses, donc une autre connaissance, connaissance et relation que la science précisément nous cachait, dont elle nous privait, parce qu'elle nous permettait seulement de conclure et d'inférer sans jamais nous présenter, nous donner la chose en elle-même.

C'est dans cette deuxième voie que Bergson s'engage en répudiant les philosophies critiques, quand il nous montre dans la science, etaussi dans l'activité technique, dans l'intelligence, dans le langage quotidien, dans la vie sociale et dans le besoin pratique, enfin et surtout dansl'espace, autant de formes et de relations qui nous séparent des choses et de leur intériorité.

Mais l'intuition a un second caractère : ainsi comprise elle se présente elle-même comme un retour.

La relation philosophique, en effet, qui nousmet dans les choses au lieu de nous laisser au-dehors, est restaurée par la philosophie plutôt qu'instaurée, plutôt qu'inventée.

Nous sommesséparés des choses, la donnée immédiate n'est donc pas immédiatement donnée ; mais nous ne pouvons pas être séparés par un simple accident,par une médiation qui viendrait de nous, qui ne concernerait que nous : il faut que, dans les choses mêmes soit fondé le mouvement qui lesdénature, il faut que les choses commencent par se perdre pour que nous finissions par les perdre, il faut qu'un oubli soit fondé dans l'être.

Lamatière est justement dans l'être ce qui prépare et accompagne l'espace, l'intelligence et la science.

C'est par là que Bergson fait tout autre chosequ'une psychologie, puisque la matière est plus un principe ontologique de l'intelligence que la simple intelligence n'est un principepsychologique de la matière elle-même et de l'espace (L'évolution Créatrice) .

C'est par là aussi qu'il ne refuse aucun droit à la connaissance scientifique, nous disant qu'elle ne nous sépare pas simplement des choses et de leur vraie nature, mais qu'elle saisit au moins l'une des deuxmoitiés de l'être, l'un des deux côtés de l'absolu, l'un des deux mouvements de la nature, celui où la nature se détend et se met à l'extérieur de soi(La Pensée et le mouvement) .

Bergson ira même plus loin, puisque dans certaines conditions la science peut s'unir à la philosophie, c'est-à-dire accéder avec elle à une compréhension totale (La Pensée et le Mouvement) .

Quoi qu'il en soit, nous pouvons dire déjà qu'il n'y aura pas chez Bergson la moindre distinction de deux mondes, l'un sensible et l'autre intelligible, mais seulement deux mouvements ou plutôt même deux sensd'un seul et même mouvement, l'un tel que le mouvement tend à se figer dans son produit, dans son résultat qui l'interrompt, l'autre qui rebroussechemin, qui retrouve dans le produit le mouvement dont il résulte.

Aussi bien les deux sens sont-ils naturels, chacun à sa manière : celui-là se faitselon la nature, mais elle risque de s'y perdre à chaque repos, à chaque respiration ; celui-ci se fait contre nature, mais elle s'y retrouve, elle sereprend dans la tension.

Celui-ci ne peut être trouvé que sous celui-là, c'est ainsi que toujours il est retrouvé.

Nous retrouvons l'immédiat parcequ'il faut nous retourner pour le trouver.

En philosophie la première fois, c'est déjà la seconde, telle est la notion de fondement.

Sans doute, c'est leproduit qui est, d'une certaine manière, et le mouvement qui n'est pas, qui n'est plus.

Mais ce n'est pas dans ces termes que doit se poser le problème de l'être.

Le mouvement n'est plus à chaque instant, mais précisément parce qu'il ne se compose pas avec des instants, parce que lesinstants sont seulement ses arrêts réels ou virtuels, son produit et l'ombre de son produit.

L'être ne se compose pas avec des présents.

D'uneautre manière, donc, c'est le produit qui n'est pas et le mouvement qui était déjà.

Dans un pas d' Achille P1016 , les instants et les points ne sont pas découpés.

Bergson nous montre ceci, dans son livre le plus difficile : ce n'est pas le présent qui est, et le passé qui n'est plus, mais le présent estutile, l'être est le passé, l'être était (Matière et Mémoire) nous verrons que loin de supprimer l'imprévisible et le contingent, une telle thèse les fonde.

A la distinction de deux mondes, Bergson a donc substitué la distinction de deux mouvements, de deux sens d'un seul et mêmemouvement, l'esprit et la matière, de deux temps dans la même durée, le passé et le présent, qu'il a su concevoir comme coexistants justement parcequ'ils étaient dans la même durée, l'un sous l'autre et non pas l'un après l'autre.

Il s'agit à la fois de nous faire comprendre la distinction nécessairecomme une différence de temps, mais de nous faire comprendre aussi les temps différents, le présent et le passé, comme contemporains l'un del'autre, et formant le même monde.

Nous verrons de quelle manière.

Pourquoi ce que nous retrouvons s'appelle-t-il l'immédiat ? Qu'est-ce qui est immédiat ? Si la science est une connaissance réelle de la chose, uneconnaissance de la réalité, ce qu'elle perd ou simplement risque de perdre, n'est pas exactement la chose.

Ce que la science risque de perdre àmoins de se pénétrer de philosophie, c'est moins la chose même que la différence de la chose, ce qui fait son être, ce qui fait qu'elle est ceci plutôtque cela, ceci plutôt qu'autre chose.

Bergson dénonce avec énergie ce qui lui semble de faux problèmes : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôtque rien, pourquoi l'ordre plutôt que le désordre ? Si de tels problèmes sont faux, mal posés, c'est pour deux raisons.

D'abord parce qu'ils font de. »

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