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L'histoire est-elle dépourvue de sens ?

Publié le 19/01/2004

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histoire
C'est après coup, par un regard rétrospectif, qu'on découvre éventuellement une signification aux événements. En postulant au contraire ce sens, comme une hypothèse de départ et non comme le résultat d'une recherche, les philosophies du progrès sombrent dans l'idéologie. Elles risquent de légitimer les pires atrocités, au nom du nécessaire cheminement vers le but postulé. L'évangélisation peut ainsi se payer du massacre de populations entières, et la venue d'un monde meilleur de l'enrôlement dans une secte. Postuler dans l'histoire un sens qui ne s'y trouve pas permet de parvenir au but préalablement défini et présenté comme inéluctable, quels qu'en soient les moyens.S'il est à la fois infondé et dangereux de considérer l'histoire comme pourvue de sens, il demeure que celle-ci est faite par des hommes, c'est-à-dire des individus libres, et interprétée par d'autres. On ne peut donc se résoudre à considérer la trame des affaires humaines au même titre que n'importe quel enchaînement d'effets physiques. Qui dit liberté dit intentionnalité, même si celle-ci n'est pas toujours clairement formulée et interprétée. Qu'est-ce qui peut bien motiver la recherche et la reconnaissance d'un sens dans l'histoire ? Suite et fin du devoir (un second et dernier code PassUp vous est demandé.
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« [II.

La recherche du sens comme nécessité de la raison] [1.

La nécessité théorique et pratique que l'histoire soit pourvue de sens] La croyance en une signification de l'histoire est nécessaire d'un point de vue théorique et pratique, pour inciter l'homme à profiter des erreurs et des acquisdu passé et lui permettre de progresser.

C'est ce que l'on peut retenir des philosophies du progrès.

A un niveau individuel d'une part : chaque homme tireprofit de ses échecs et de ses réussites pour se construire, c'est même en doutant et en se trompant que l'on progresse le mieux (Descartes et Alain).

À unniveau collectif d'autre part : la création de la catégorie juridique de « crime contre l'humanité » ne permettra jamais d'éviter que des atrocités sereproduisent, mais elle donne au moins les moyens de réagir et de punir.

Elle signale une prise de conscience collective de la nécessité d'influer sur le coursde l'histoire en travaillant à une amélioration.

Elle nomme et condamne ce qui s'est passé en soulignant que la dignité humaine exigerait que cela ne sereproduise plus.

Elle donne un sens au génocide du peuple juif durant la Seconde Guerre mondiale. [2.

Pourvoir l'histoire d'un sens est une obligation d'ordre moral] Il est nécessaire de postuler que le devenir des actions humaines est orienté vers un but, si possible vers le mieux, afin d'encourager les hommes à ytravailler.

Kant le montre bien, en faisant de l'existence de Dieu un « postulat de la raison pratique » .

La raison n'a en effet aucun moyen de prouver oud'infirmer l'existence de Dieu.

Cela ne relève pas de ses compétences, mais du domaine de la foi, qui fait espérer un« au-delà » où les bons serontrécompensés de leur vertu, et les méchants punis pour leurs vices.

Le fait d'y croire aide à supporter l'injustice en cette vie, où certaines personnesmalhonnêtes ont l'air bien plus heureuses que des gens vertueux.C'est tout le sens de la réflexion de Kant : même si cela s'avère être faux, il faut pourvoir l'histoire de sens, afin d'encourager les hommes à se conduirevertueusement.

Sans cela, ils risquent de rejoindre ceux qui se conduisent mal.

Il faut faire « comme si » l'histoire progressait vers le mieux, afind'encourager les hommes à réaliser le bien. La liberté paraît d'abord une pure illusion dans l'expérience quotidienne des passions : « C'est plus fort que moi » ;j'appartiens à la nature, je suis pure « marionnette ou automate de Vaucanson ».Une expérience cruciale conduirait à reconnaître que nous ne sommes pas mûs mécaniquement par des forcesextérieures à nous.

Même lorsque ma vie est en jeu, le plus bas degré de la liberté autorise encore un calcul réfléchi desplaisirs et des peines : je peux me représenter les conséquences de mes actes et en tirer une maxime d'actionconforme à mon intérêt, différer la satisfaction d'un désir pour rester en vie.

Mais cela ne suffit pas, car on peut alorsprétendre que l'homme est déterminé dans ce cas par un désir plus puissant.Une dernière expérience est nécessaire : être amené à choisir entre le devoir et la vie.

Il est hors de doute que je doisfaire mon devoir : cela signifie que je le peux car il serait absurde de se reconnaître un devoir s'il était impossible del'accomplir.Est clair pour la plupart d'entre nous que si un tel cas se présentait effectivement, nous trouverions vraisemblablementtoute une série d'échappatoires, de ces « bonnes raisons » dont l'animal humain est prodigue.

Mais au fond de nous-mêmes, nous saurions fort bien nous incliner devant celui qui, même au péril de sa vie, agirait par pur respect du devoir.C'est donc la conscience du devoir qui nous conduit à postuler la liberté humaine : «Je dois donc je peux».Tout homme réalise pour son propre compte cette expérience; toute personne est donc digne de respect en tant qu'êtrecapable de jugement moral.La moralité ne sera définie ni par la réussite, ni par l'importance de l'action accomplie, ni par la noblesse dessentiments, mais par la pureté de l'intention.L'objet de la moralité peut s'exprimer en une seule phrase : « Considérer l'humanité en notre personne et en celled'autrui toujours comme une fin, jamais simplement comme un moyen».L'homme cependant n'est pas un être isolé, il vit en société, il appartient à une histoire et il semble bien qu'il y aitantagonisme entre l'expérience personnelle de la liberté et du devoir et les conditions historiques qui de toutes parts dépassent l'homme.Quel sens y a-t-il à être moral si les autres ne le sont pas ou si les conditions historiques sont telles que l'homme est un être avili et méprisé?Ce paradoxe de la morale, que Sartre placera au centre de son oeuvre, pose la question du rapport de la fin et des moyens.Kant refuse l'utilisation de moyens immoraux, pourtant il verra avec enthousiasme dans la Révolution française une preuve de la disposition morale du genrehumain.

Il veut interpréter l'histoire de l'humanité comme la réalisation progressive — malgré divers retours en arrière et peut-être malgré la volonté avouéedes hommes qui poursuivent des buts égoïstes — de la moralité.Il faut présumer que l'histoire a un sens sans quoi l'existence serait absurde, de même qu'il faut présumer que la liberté existe sans quoi le devoir serait unnon-sens.

Là encore se retrouve l'appel à la foi, à la croyance : il faut, on peut, croire que l'humanité après des guerres et des luttes finira par élaborer uneforme de constitution rendant possible la liberté de chacun dans un système régi par le droit. [Conclusion] Plus que de savoir si l'histoire est bien intrinsèquement pourvue de sens, il importe de comprendre pourquoi les hommes y cherchent ce sens.

On seratoujours tenté de légitimer les intentions louables et les théories valorisant la liberté et la moralité.

Mais l'homme a-t-il vraiment besoin d'illusions pours'orienter dans la vie ? Est-il condamné à la recherche d'un sens autre que celui qu'il lui donne, personnellement et quotidiennement ? CITATIONS: « On peut envisager l'histoire de l'espèce humaine en gros comme la réalisation d'un plan caché de la nature pour produire une constitution politiqueparfaite sur le plan intérieur, et, en fonction de ce but à atteindre, également parfaite sur le plan extérieur.

» Kant, Idée d'une histoire universelle, 1784. « Une philosophie de l'histoire suppose (...) que l'histoire humaine n'est pas une simple somme de faits juxtaposés (...), mais qu'elle est dans l'instant etdans la succession une totalité, en mouvement vers un état privilégié qui donne le sens à l'ensemble.

» Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, 1945. « C'est leur bien propre que peuples et individus cherchent et obtiennent dans leur agissante vitalité, mais en même temps ils sont les moyens et lesinstruments d'une chose plus élevée, plus vaste, qu'ils ignorent et accomplissent inconsciemment.

» Hegel, La Raison dans l'histoire, 1837 (posth.) « La fin de l'histoire n'est pas une valeur d'exemple et de perfectionnement.

Elle est un principe d'arbitraire et de terreur.

» Camus, L'Homme révolté, 1951.. »

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