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L'homme est-il libre de décider de sa vie ?

Publié le 26/02/2004

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Sans que nous le sachions, nos désirs, nos actions ne servent que le maintien et le progrès de l'espèce. D'où les illusions : le noble sentiment amoureux n'est qu'une ruse de l'instinct de reproduction, selon Schopenhauer : « Ainsi chaque amant se trouve-t-il leurré après l'achèvement du grand-oeuvre, car le mirage a disparu, qui faisait de l'individu la dupe de l'espèce. » La recherche du bonheur est l'illusion suprême qui résume toutes les autres : l'individu s'imagine être une fin en soi, alors qu'il n'est qu'un moyen de l'espèce. Et le même auteur d'ajouter : « Il n'y a qu'une erreur innée : celle qui consiste à croire que nous existons pour être heureux. » Toute notre activité est soumise à cette illusion et, à travers elle, à cette volonté rusée qui anime souterrainement notre vie consciente. Connaître la vérité condamne à se retirer de la vie et à s'installer en spectateur de la vie. Si je connais, je cesse d'agir et regarde impassiblement le train du monde continuer à rouler sous mes yeux vides d'intérêt : c'est la pure représentation, l'attitude du philosophe ou de l'artiste, de celui qui a vidé la vie de son contenu pour n'en conserver que la belle forme. Deux attitude fondamentales qui transparaissent dans le titre du maître livre de Schopenhauer : « Le monde comme volonté et comme représentation » : l'illusion et la vie d'une part, la vérité et la contemplation de l'autre ; l'acteur (volonté) ou le spectateur (représentation). La représentation déréalise le monde : l'idéalisme kantien a prouvé que nous ne pouvons connaître la réalité du monde (l'inconnaissable chose en soi), mais seulement la représentation que nous en avons, le « rêve » logique et rationnel que nous nous fabriquons : Schopenhauer radicalise le phénoménisme kantien. Reste l'énigme du corps, ses besoins, ses tendances, bref une volonté.

Lorsque nous affirmons d’un homme qu’il est libre, nous signifions par là qu’il a la possibilité de choisir : il a le choix d’aller travailler à pied ou en voiture par exemple. Les notions de liberté et de décision semblent être intrinsèquement liées dans la mesure où la liberté s’actualise par un ou des choix, une ou des décisions. Mais lorsque l’on pose la question de savoir si l’homme est libre de décider de sa vie, on ne cherche pas à savoir s’il peut donner la préférence à telle manière d’agir plutôt qu’à telle autre dans le détail de son existence. On interroge plutôt l’être humain dans le rapport qu’il entretient avec lui-même, avec ce qu’il est et ce qu’il fait dans la totalité de son existence: on se demande si l’homme a la possibilité de choisir la manière dont il va mener toute sa vie. Se demander si l’homme est libre de décider de cette dernière revient à poser une question d’ordre existentiel qui repose sur une interrogation métaphysique, mettant en jeu les notions de liberté, de nécessité, de hasard et de responsabilité.

« projet :« C'est aussi ce qu'on appelle la subjectivité.

et que l'on nous reproche sous ce nom même.

Mais que dire parlà, sinon que l'homme a une plus grande dignité que la pierre ou la table ? Car nous voulons dire que l'hommeexiste d'abord, c'est-à-dire que l'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient dese projeter dans l'avenir L'homme est d'abord un projet qui se vit subjectivement, au lieu d'être une mousse,une pourriture ou un chou-fleur » La liberté est donc, pour Sartre, un absolu qui ne se choisit pas.

L'homme ne choisit pas d'être libre, il l'est, ilne peut que l'être.

Il l'est tout entier et toujours.

Il ne saurait être tantôt libre, tantôt esclave.

Ce que Sartreexprime sous cette formule : « L'homme est condamné à être libre.

»Si l'homme est celui qui se fait, ce projet réalise pas dans l'intimité douillette d'un ego refermé sur lui-même,mais ne peut se réaliser que dans son rapport au monde et à autrui.

L'homme est « en situation ».

C'est-à-dire qu'il est « conditionné par sa classe », « son salaire », « la nature de son travail », conditionné jusqu'àses sentiments et ses pensées.

Mais si l'homme ne peut pas choisir sa classe sociale, il peut se choisir lui-même dans sa « manière d'être ».

Sartre lui-même reconnaît en 1940 qu'il est « le produit monstrueux ducapitalisme, du parlementarisme, de la centralisation et du fonctionnalisme », mais c'est à partir de cettesituation familiale qui l'a constitué qu'il entreprend de se « personnaliser ».

D'où la formule : « L'important n'estpas ce qu'on a fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous.

» La situation n'est pas quelque chose qui limite la liberté elle est ce à partir d'où commence la liberté.

C'est laraison pour laquelle Sartre a pu écrire en 1944 dans « Les Lettres française » (fondé par Aragon et Paulhan):« Jamais nous n'avons été plus libres que sous l'occupation allemande.

» Qu'est-ce à dire, sinon qu'à cemoment-là, puisque nous étions traqués, «chacun de nos gestes avait le poids de l'engagement » ? La libertéest donc le choix permanent qui oblige chacun, à chaque instant, quel que soit l'obstacle ou la situation, à sefaire être.Ainsi, pour Sartre, si l'existence précède l'essence et si Dieu n'existe pas, l'homme est alors responsable de cequ'il fait, de ce qu'il est : « Nous n'avons ni derrière nous, ni devant nous, dans le domaine lumineux desvaleurs, des justifications ou des excuses.

Nous sommes seuls, sans excuses.

C'est ce que j'exprimerai endisant que 1 homme est condamné à être libre.

Condamné parce qu'il ne s'est pas créé lui-même, et parailleurs cependant libre, parce qu'une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu'il fait.

» Mais par là, Sartre signifie aussi que l'homme est « responsable de tous les hommes » :« Quand nous disons que l'homme se choisit, nous entendons que chacun d'entre nous se choisit, mais par lànous voulons dire aussi qu'en se choisissant, il choisit tous les hommes.

»Autrement dit, chacun de nous, par ses choix, ses actes, pose les normes du vrai et du bien et engage ainsil'humanité tout entière.

Certes, beaucoup d'hommes ne se sentent pas responsables, croyant en agissantn'engager qu'eux-mêmes, et « lorsqu'on leur dit: mais si tout le monde faisait comme ça ? ils haussent lesépaules et répondent: tout le monde ne fait pas comme ça ».

Mais, en fait, ils se masquent leur angoisse, lafuient.

Ils sont de mauvaise foi, car en vérité, on doit toujours se demander: « Qu'arriverait-il si tout le mondeen faisant autant ? »Dire que « l'homme est condamné à être libre », cela signifie bien que l'homme n'est pas niais qu'il se fait, etqu'en se faisant il assume la responsabilité de l'espèce humaine, cela signifie aussi qu'il n'y a pas de valeur nide morale qui soient données a priori.

En chaque cas, nous devons décider seuls, sans points d'appui, sansguides et cependant pour tous.Contrairement à la chose qui est ce qui est, l'homme, en tant que « pour-soi», n'est jamais tout à fait soi.

Ilest et il n'est pas ce qu'il est.

En avouant, par exemple, que je suis un menteur, j'adhère à ce que je suis maisen même temps je prends mes distances à l'égard de ce que je suis.

La conscience est donc bien négativitéinfinie, pouvoir de dépassement de ce qui est.

Mais la liberté se confond-elle avec la spontanéité de laconscience ? Un enfant est-il libre ? La liberté ne se développe-t-elle pas avec l'expérience et laconnaissance ? Sartre semble sous-estimer le rôle de la raison et de la connaissance dans la liberté. [L'homme ne décide pas de sa vie.

Croyant servir son intérêt propre, il obéit à des forces qui le dépassent.

Aimer, réussir ne dépendent pas de moi.

Le libre arbitre n'est qu'une illusion métaphysique.] L'homme est déterminé par les intérêts de l'espèceNotre volonté n'est pas libre.

Elle est toujours déterminée par une puissance qui la dépasse, une sorte defatalité.

Cette puissance, Schopenhauer l'appelle «vouloir-vivre».

Si nous nous battons, si nous endurons lespires maux, si nous continuons de vivre malgré la souffrance, le désespoir, c'est parce que nous sommesdéterminés par cette sorte d'instinct qui utilise les individus afin que l'espèce puisse se perpétuer.Nous ne décidons pas de notre existence, pas plus que nous ne décidons d'aimer telle personne plutôt qu'uneautre, de nous battre pour atteindre tel objectif, qu'il s'agisse de la richesse, de la gloire, du pouvoir.

Sansque nous le sachions, nos désirs, nos actions ne servent que le maintien et le progrès de l'espèce.. »

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