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L'homme est-il un loup pour l'homme ?

Publié le 24/02/2004

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Homo homini lupus ( l'homme est un LOUP pour l'homme ) : qui aurait le courage, en face de tous les enseignements de la vie et de l'histoire, de s'inscrire en faux contre cet adage ? Cette tendance à l'agression, que nous pouvons déceler en nous-mêmes et dont nous supposons à bon droit l'existence chez autrui, constitue le principal facteur de perturbation dans nos rapports avec notre prochain. C'est elle qui impose à la civilisation tant d'efforts. Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée de ruine." Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation (1929), P.U.F. Ces lignes, extraites de Malaise dans la civilisation, tentent de répondre aux questions suivantes : quelle est la source de la violence que l'homme, dans sa vie ordinaire comme dans son histoire, n'a cessé de manifester ?
La problématique se constituera autour de l'interrogation suivante : est-ce dans l'état de nature que l'homme est un loup pour l'homme, ou bien le reste-t-il au cœur même de la civilisation et des sociétés évoluées ? Faut-il imputer la sauvagerie dont il donne de nombreux exemples à sa nature profonde, ou bien est-elle propre à son existence sociale? Ce sujet demande qu'on porte l'interrogation sur les paradoxes de la sociabilité humaine.


« L'homme cherche seulement son bien proprePar une démarche naturelle, l'homme est à l'origine d'antagonismes qui ne peuvent manquer d'aboutir à unelutte permanente: «l'homme est» bel et bien «un loup pour l'homme» (Plaute).

Hobbes, quant à lui, affirme quechacun est toujours pour l'autre une menace perpétuelle et que «les hommes aiment l'empire exercé surautrui». « Homo homini Deus, Homo homini Lupus.

» (Hobbes). « Le peuple romain, peu équitable envers les rois à cause de la mémoire des Tarquins et des institutions de lacité, disait, par la bouche de Caton le Censeur, que tous les rois appartenaient à l'espèce des animauxrapaces.

Mais le peuple romain lui-même, qui a pillé presque toute la terre par les Africains, les Asiatiques, lesMacédoniques, les Achaiques et tous les autres citoyens dont le surnom venait des nations spoliées, quelleformidable bête était-il donc ? C'est pourquoi Pontius Telesinus n'a pas parlé moins sagement que Caton.

Aumoment du combat contre Sylla près de la Porte Colline, parcourant les rangs de son armée, il cria qu'il fallaitraser et détruire Rome elle-même et ajouta qu'il y aurait toujours des loups pour ravir la liberté de l'Italie si laforêt dans laquelle ils avaient coutume de se réfugier n'était pas abattue.

Et il est également vrai de dire quel'homme est un Dieu pour l'homme et que l'homme est un loup pour l'homme.

La première formule vaut si nouscomparons les citoyens d'une même cité, la seconde si nous comparons les cités.

Là, en pratiquant la justiceet la charité, les vertus de la paix, on accède à la ressemblance de Dieu ; ici, à cause de la dépravation desméchants, même les gens de bien doivent recourir, s'ils veulent se protéger, aux vertus de la guerre, la forceet la ruse, c'est-à-dire la rapacité des bêtes sauvages.

Cette rapacité, les hommes se l'imputentmutuellement à outrage, à cause d'une coutume née avec eux qui leur fait se représenter leurs actions dansla personne des autres comme dans un miroir où ce qui est à gauche est estimé à droite et ce qui est à droiteest estimé à gauche, mais pourtant le droit naturel qui dérive de la nécessité de se préserver ne permet pasqu'elle soit un vice.

» Hobbes, « De Cive » . « Homo homini Lupus ».

La formule donne lieu à des contresens: on oublie que Hobbes commence par « Homohomini Deus » ; on croit que les rapports d'hostilité entre les cités et entre les hommes sont dus au loup quisommeille en chacun.

Or, dans l'analyse de l'état de guerre, la bestialité est conséquence et non cause:autant les armes humaines surpassent celles des bêtes, « autant l'homme surpasse en rapacité et en fureurles loups, les ours et les serpents (dont la rapacité ne va pas au-delà de la faim et qui ne s'abandonnent à lafureur que si l'on les irrite), lui qui a faim même de la faim future » (DH, 10, 3).

La vie de l'homme est bestiale(brutish, Lev, 13) parce que les conflits et l'insécurité risquent de détruire la civilisation et l'humanité même del'homme.Le point de départ est un lieu commun de la tradition républicaine : les rois sont des fauves pour leurspeuples.

Au lieu de tenir un discours rassurant, de distinguer le bon roi et le tyran, Hobbes note que toutecité est un fauve pour ses ennemis.

La partialité de l'un vaut celle de l'autre : celui qui veut détruire le peupleromain est aussi sage (ou aussi inique) que le peuple qui dénonce le despotisme.Après avoir rétabli l'équilibre entre les rois et les peuples, on équilibre une comparaison par une autre :l'homme est aussi un Dieu.

Selon Aristote, l'homme, en dehors de la cité, est bestial ou divin.

En disant que lescitoyens sont des dieux les uns pour les autres, on suggère que le citoyen passe l'homme : la cité n'est unfait naturel mais l'effet d'un artifice par lequel on accède à la ressemblance de Dieu.

La comparaison avec leloup cesse d'être une injure : le droit naturel recommande de se protéger par les vertus de la guerre.Dans le « Leviathan », les comparaisons sont transformées : dans la description de l'état de guerre, Hobbesévite de comparer les vertus de la guerre, la force et la ruse, à la rapacité des bêtes (Lev, 13, 126); larépublique n'est plus loup pour ses ennemis mais « Léviathan », un crocodile monstrueux; enfin laressemblance avec Dieu vaut pour les individus qui créent la république (introduction, 6) et ensuite pour leDieu mortel, le souverain qui assure la paix et la sécurité (17, 178). Tout homme possède une part de bestialitéL'homme partage ainsi avec l'animal une tendance à exercer sa puissance et à neutraliser tout obstacle qui s'yoppose, y compris l'être humain lui-même.

En ce sens, l'agressivité se confond avec la vie même, et l'histoirede l'humanité nous oblige à constater qu'il s'agit là d'une structure constante de l'homme. L'instinct de mort est inhérent à la nature humaine. »

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