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Un homme peut-il en juger un autre ?

Publié le 01/01/2006

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Introduction« Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre !» - Cet avertissement de Jésus aux bien-pensants qui veulent lapider une prostituée vient poser de façon provocante la question du jugement d'autrui : un homme peut-il en juger un autre ? Nul n'étant parfait, qui peut prétendre avoir le droit de juger son prochain ? Et pourtant juger est un acte habituel et souvent nécessaire. Il est donc important de préciser le bien-fondé et les limites du jugement de l'homme par l'homme.Nous étudierons dans un premier temps le processus par lequel la question elle-même apparaît : pratiquant quotidiennement le jugement, nous prenons conscience, en subissant celui d'autrui, de la difficulté d'un jugement légitime et juste. Nous préciserons alors les raisons qui semblent interdire à quiconque de juger son prochain ; nous verrons enfin qu'il n'est pourtant pas souhaitable de renoncer à toute activité de jugement et qu'il convient donc de se fixer des règles.I. Du jugement au scrupule Juger autrui, une vieille habitudeKant rappelle, dans la Critique de la raison pratique, qu'il n'y a pas de passe-temps plus courant dans la société que de juger son voisin ; Rousseau précise, dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, que ce phénomène est lié à la vie en société : nous sommes constamment sous le regard d'autrui et l'amour-propre est le produit du souci de valoir aux yeux d'autrui. Le « Discours sur l'inégalité » (1755), qui faisait suite au « Discours sur les sciences et les arts » (1750), impliquait lui-même une suite. Rousseau avait montré les effets catastrophiques du luxe et de l'inégalité, deux conséquences du passage de la vie primitive à la civilisation.

« Les circonstancesLorsque je fais porter mon jugement sur autrui, je l'isole souvent de circonstances complexes dans lesquelles sonaction est insérée : peut-on juger un homme sans prendre en compte les circonstances ou les structures socialesqui l'environnent ? Les avocats font ainsi souvent valoir, à la décharge de leur client, que c'est la société qui estplus coupable que l'individu. Le tempsPeut-on, enfin, juger un homme sans prendre en compte la totalité de son passé mais également le temps qui luireste à vivre ? Le jugement qu'on porte sur un homme ne risque-t-il pas de l'identifier définitivement à un acteponctuel qui n'exprimait pas son être véritable ? Hugo a bien montré, dans Les Misérables, que c'est souvent moinsle crime que le jugement des hommes qui fait le criminel. III.

Juger quand même Faut-il alors renoncer définitivement à tout jugement pour se mettre à l'abri de toute injustice ? Cette solution estparfois séduisante mais toujours mal adaptée aux rapports entre les hommes : juger reste un acte nécessaire, àcondition de déterminer des critères tenant compte des réserves que nous venons d'évoquer. La personne et les actesOn peut d'abord, et c'est l'esprit du droit moderne, déplacer le jugement de la personne vers ses actes : dans ledomaine judiciaire, on ne prétend pas juger l'individu (est-il «bon» ? est-il «méchant»?) mais plutôt ses actes (sont-ils autorisés ? contraires à la loi ?).

Il est plus facile pour un homme de juger les actions d'un autre que cet autrelui-même : on ancre en effet le jugement sur le terrain des faits. Personne et performanceIl en va de même dans le domaine de l'évaluation : la pédagogie évolue vers une distinction claire entre la valeur dusujet et celle de ses performances.

Attribuer une valeur basse à une performance ne revient pas à mépriser l'individuou le déclarer incapable.

Un homme peut difficilement juger des capacités réelles d'un autre : la notion même decapacité est trompeuse, car il ne s'agit pas d'une quantité de talent contenue dans l'individu : les capacitéspeuvent se révéler, s'épanouir ou s'étioler en fonction d'éléments extérieurs et contingents, de circonstances et derencontres. Au nom de la loiEnfin, non seulement il faut déplacer le jugement de la personne à ses actes, mais aussi, du côté de celui qui juge, ilfaut remplacer, à chaque fois que cela est possible, l'intime conviction ou l'impression subjective par des critèresobjectifs, extérieurs.

Ainsi le juge ne se détermine-t-il pas en fonction de la sympathie ou de l'horreur que lui inspireun acte ou un litige, mais en fonction de ce que dit la loi, un texte dont il n'est pas l'auteur et auquel il se soumetautant que celui qu'il juge.

Un homme peut juger légitimement un autre homme à partir du moment où il est disposéà ne pas fixer arbitrairement les critères de son jugement. Conclusion On ne peut donc répondre de façon affirmative à la question « Un homme peut-il en juger un autre ? » qu'à lacondition de déterminer les conditions d'un jugement véritablement humain.

S'il n'y avait pas du tout de jugement,on en resterait à un rapport purement animal.

L'action d'évaluation, d'approbation ou de réprobation, fait partieintégrante de la reconnaissance mutuelle des consciences en tant que telles.

Juger un homme c'est donc lereconnaître en tant qu'homme.

On ne juge pas un animal.

Mais le jugement d'un homme à propos d'un autre n'est niomniscient ni infaillible.

Le jugement est véritablement humain s'il intègre les conditions de la subjectivité et del'intersubjectivité, s'il renonce notamment à saisir l'autre intégralement, à épuiser le mystère de l'altérité.. »

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