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Les hommes n'agissent-ils que par intérêts ?

Publié le 29/03/2005

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Aussi, la plupart de ces théories ramènent-elles l'intérêt social à une simple somme d'intérêts privés, supposés harmoniques entre eux. Il y a là une méconnaissance de faits sociologiques certains : d'abord, qu'un tout - et notamment un groupe social - est autre chose que la somme de ses parties; et, d'autre part, qu'une société comporte toujours une pluralité de groupes dont les intérêts, de même d'ailleurs que les intérêts individuels, peuvent être souvent en conflit. 3° Le critère de l'intérêt devient ainsi purement formel. Il ne nous indique pas quel est le groupe dont l'intérêt devra passer avant celui des autres et déterminera la moralité de l'acte. Ce n'est qu'à condition de valoriser l'intérêt de tel ou tel groupe qu'on peut le privilégier par rapport aux autres. Mais il est évident que le principe de cette valorisation ne peut être emprunté à la simple considération des intérêts, puisque ces intérêts peuvent être antagonistes. Cette considération est même incapable de nous fournir une mesure de la valeur morale, tout principe de hiérarchisation entre les intérêts des divers groupes faisant défaut si l'on n'introduit pas un jugement de valeur. 4° Il est même inexact de prétendre que la moralité s'est développée par suite de considérations utilitaires. Il n'y a là que des justifications après coup et qui sont, comme nous l'avons dit, fonction d'une mentalité très évoluée, propre aux sociétés du XIXe siècle. L'origine des règles morales est ailleurs, dans un état d'esprit mystico-religieux tout à fait étranger aux préoccupations d'intérêt.

L'homme est un être de désirs et de passions, qui accorde sa préférence à lui-même plutôt qu'à autrui. C'est pourquoi il agit toujours de manière intéressée. Même s'il accomplit une bonne action, c'est dans l'espoir d'un certain gain. Mais, s'il est utile pour chacun de nous et pour les autres, d'agir conformément à la morale, il ne s'ensuit pas que l'on n'agisse que par intérêt. Ce que l'on juge préférable n'est pas un pur calcul égoïste.

« [Si la morale n'a pas un fondement rationnel, elle n'est pas pour autant au service de nos passions.Elle dérive des sentiments, qui se réfèrent, non pas à l'égoïsme, mais au plaisir et au déplaisir.] Critique de l'utilitarismeA.

— Il ne faut pas méconnaître que l'utilitarisme représente un progrès par rapport à l'hédonisme pur : «L'intérêt, dit R.

LE SENNE (Tr.

de Morale générale, p.

392 se distingue du plaisir comme le médiat del'immédiat; il doit donc accentuer l'orientation de la morale vers le bien universel et lui-même évoluer dans cesens.

» La considération de l'intérêt introduit en effet un élément de réflexion, voire de calcul, dans l'actionmorale, et contribue ainsi à la rationaliser.B.

— Il est cependant impossible de ramener la valeur morale de nos actes à leur utilité sociale et même deprendre celle-ci pour mesure de cette valeur.1° D'abord, la rationalisation dont nous venons de parler est bien imparfaite.

Elle consiste en un simple calcul,en une supputation d'avantages et d'inconvénients.

Or, nous sentons bien que la valeur morale se situe sur unplan beaucoup plus élevé que ce calcul utilitaire.

Comme l'écrit CICÉRON dans le De Officiis (III, chap.

30), «on dit parfois qu'une chose, qui est très utile, devient moralement bonne; mais c'est qu'alors elle l'est parnature, elle ne le devient pas.

Car rien ne peut être utile qui ne soit, en même temps, moral; et ce n'est pasparce que la chose est utile qu'elle est morale; c'est au contraire parce qu'elle est morale qu'elle est utile ».Autrement dit, l'utilitarisme renverse l'ordre des valeurs, ou plutôt il détruit toute valeur en la rabattant sur leplan d'un calcul d'intérêts.

Ainsi que l'observe R.

LE SENNE (Ouv.

cité, p.

392-393 et 406), il y a là uneconception qui est en relation avec certaines conditions historiques : « Le développement de l'utilitarisme aété lié au développement de la richesse de l'Angleterre : c'est une morale de commerçant », une morale « debanquiers pacifistes » qui reste « à la superficie de l'âme humaine en s'enfermant dans la conscience quiperçoit et qui calcule ».

Or, ainsi que l'a remarqué l'historien BUCHEZ, une telle étroitesse de vues estextrêmement dangereuse du point de vue moral : « Il n'y a pas un abus de la force, pas une injustice, que lathéorie de l'utilité n'ait servi à autoriser.

»2° Il y a, pour la même raison, à la base de ces théories, un postulat individualiste.

La richesse de l'Angleterreétait « issue de la productivité individuelle » (LE SENNE, ibid.).

Aussi, la plupart de ces théories ramènent-ellesl'intérêt social à une simple somme d'intérêts privés, supposés harmoniques entre eux.

Il y a là uneméconnaissance de faits sociologiques certains : d'abord, qu'un tout — et notamment un groupe social — estautre chose que la somme de ses parties; et, d'autre part, qu'une société comporte toujours une pluralité degroupes dont les intérêts, de même d'ailleurs que les intérêts individuels, peuvent être souvent en conflit.3° Le critère de l'intérêt devient ainsi purement formel.

Il ne nous indique pas quel est le groupe dont l'intérêtdevra passer avant celui des autres et déterminera la moralité de l'acte.

Ce n'est qu'à condition de valoriserl'intérêt de tel ou tel groupe qu'on peut le privilégier par rapport aux autres.

Mais il est évident que le principede cette valorisation ne peut être emprunté à la simple considération des intérêts, puisque ces intérêtspeuvent être antagonistes.

Cette considération est même incapable de nous fournir une mesure de la valeurmorale, tout principe de hiérarchisation entre les intérêts des divers groupes faisant défaut si l'on n'introduitpas un jugement de valeur.4° Il est même inexact de prétendre que la moralité s'est développée par suite de considérations utilitaires.

Iln'y a là que des justifications après coup et qui sont, comme nous l'avons dit, fonction d'une mentalité trèsévoluée, propre aux sociétés du XIXe siècle.

L'origine des règles morales est ailleurs, dans un état d'espritmystico-religieux tout à fait étranger aux préoccupations d'intérêt. L'homme possède on sens moral naturelLe «sens moral» est «pour Hume ce qui nous fait distinguer naturellement le bien du mal, et ce qui peut nouspousser à agir.

C'est naturellement que certains actes suscitent notre «assentiment» ou notre «réprobation»:«si grande que puisse être l'insensibilité d'un homme, il ne peut manquer d'être souvent touché par les imagesdu Bien et du Mal». Rousseau dans le même ordre d'idée dira:. »

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