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Hubert REEVES, L'heure de s'enivrer: Darwin au bûcher ?

Publié le 21/06/2012

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darwin

 

On assiste, depuis quelques années aux États-Unis, à la résurrection

de la« théorie du créationnisme «. Les défenseurs de cette théorie contestent

le schéma darwinien. Sur le sujet de l'origine humaine, ils demandent

que la théorie de l'évolution ne soit pas la seule à être enseignée

dans les écoles. On devrait présenter également la vision biblique (selon

eux tout aussi scientifique) de la naissance d'Adam et d'Ève dans le

Paradis terrestre.

Ronald Reagan, président des États-Unis, donne le ton dans une

interview musclée : « La théorie de l'évolution est une théorie scientifique

comme une autre. Les biologistes ne la considèrent plus comme

aussi infaillible que dans le passé. Mais si on doit l'enseigner dans les

écoles, je crois que la version biblique de la création doit aussi être enseignée

dans les écoles. «

darwin

« RÉSUMÉ.

QUESTIONS DE VOCABULAIRE DISCUSSIOfl.

Si les procès, intentés dans plus de quatorze États américains, n'ont pas toujours eu le succès escompté par les « fondamentalistes », leur vict0lre morale à été considérable.

Plusieurs enseignants présentent sur le même pied les deux« théories ».

D'autres, plus prudents, préfèrent s'abstenir entièrement.

L'enseignement des sciences en prend un sérieux coup.

Comment peut-on mettre en parallèle, en tant qu'explication scien­ tifique, le schéma évolutif des biologistes et le récit symbolique de la Bible (ou de toute autre mythologie traditionnelle) ? De toute évidence, au-delà de ce faux débat, il y a un enjeu autrement passionné.

Dans un élan de haute rhétorique, un juge de l'État de Géorgie met le doigt sur le vrai bobo : « Cette mythologie de singe, inventée par Darwin, est la cause de la permissivité, des pilules, des préservatifs, des perversions, des grossesses, des avortements, de la pornographie, des empoisonnements et de la prolifération des crimes de toutes espèces ».

Ou, pour citer une autre personnalité américaine : « La théorie de l'évolution est une idée immorale qui mène à une conduite immorale.

» Soyons plus explicites.

Dans cette optique, la dégradation des com­ portements humains serait la conséquence de la vision scientifique contemporaine qui réduit l'univers à une immense machine physico­ chimique soumise à des lois aveugles.

L'homme est le résultat hasar­ deux d'un ensemble de processus incohérents.

L'égoïsme absolu est le seul comportement« raisonnable »si l'exis­ tence humaine n'a aucune signification.

Un seul objectif valable : tirer son épingle du jeu.

Les gens, les choses sont à utiliser ou à consommer.

Sous l'affolement et l'agitation dérisoire des créationnistes se cache un véritable problème : sur quoi fonder notre comportement moral ? Pour l'homme antique, les impératifs de la conduite sont intimement reliés à la vision du monde.

Les attitudes sont empreintes de révérence vis-à-vis de la nature et de ce qu'elle représente.

Les gestes de la vie -se nourrir, faire l'amour, chasser, guerroyer- sont accompagnés d'un sentiment de communion profonde avec les ancêtres et les divinités.

Les grandes religions ont codifié, chacune à leur façon, les ensei­ gnements et les lois.

D'où vient le monde ? Quels sont les rapports entre le Ciel et la Terre ? Comment faut-il, en conséquence, se comporter ? La morale chrétienne, par exemple, est fondée sur la rédemption de l'homme pêcheur par le fils de Dieu.

C'est en s'intégrant à ce mouve­ ment que le chrétien perçoit les attitudes qu'il convient de prendre.

Depuis quelques siècles, l'influence des religions a considérablement diminué.

Les« vérités religieuses »ont cédé la place aux connaissan­ ces scientifiques, porteuses d'aucune motivation morale.

D'où le vide que déplorent les tenants du créationnisme.

D'où leurs efforts passéis­ tes pour réintroduire, par l'intimidation sinon par la persuasion, les récits bibliques aux cours de sciences naturelles.

Le problème ne se restreint pas, à mon avis, au seul domaine moral.

L'expérience d'une relation avec l'au-delà dans le sens le plus vague. »

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