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L'humanisme est-il un idéal périmé ?

Publié le 11/01/2004

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C'est alors le caractère particulier de la dignité humaine qui est discutable. Le programme humaniste, en traitant à part l'humanité, ne lie-t-il pas sa valeur à l'exclusion des autres espèces vivantes, exclusion qui pourra ensuite se retourner contre les hommes?* L'humanisme peut être aussi interrogé comme idéal progressiste. On lui demande alors des comptes: l'idéal a-t-il tenu ses promesses? Le progrès technique notamment a-t-il amélioré la vie des hommes?Bref, de nombreuses raisons poussent à se demander si l'humanisme est un idéal périmé. La philosophie est ici confrontée à l'histoire et à sa propre histoire. Le XXe siècle, par ses horreurs, a profondément ébranlé la confiance en l'homme. Plus gravement, quelque chose a été cassé dans l'humanité même. Cette histoire a retenti en philosophie sous la forme d'une critique sans précédent de l'humanisme et de ses idéaux, en France notamment, à partir des années 1950.

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« Introduction L'humanisme tient en un principe général : rien n'a plus de prix pour un être humain qu'un autre être humain.

Il fautdonc agir en conséquence : mettre notre intelligence et notre volonté au service de l'homme, et non pas contre lui;agir conformément à sa dignité, et non pas contre elle.

S'aimer, non se détruire.

Demander si l'humanisme est unidéal périmé, dans ces conditions, peut sembler curieux : une société humaine contemporaine peut-elle reposer surd'autres principes que ceux-là?On s'étonnera moins de la question si l'on sait que les idéaux humanistes reposent sur une conception de l'hommequi, elle, prête le flanc à la critique.

Et d'abord qu'en est-il de l'affirmation d'une humanité universelle et fraternelle ?Cet idéal suppose-t-il une essence d'homme unique ? Mais alors quelle place une telle nature commune laisserait-elleà la diversité culturelle qui fait l'humanité concrète? Première épreuve pour l'humanisme.Par ailleurs, on interroge les conditions dans lesquelles la valeur de l'homme s'est trouvée affirmée.

Elle l'a été contrele reste des espèces vivantes.

L'éminence de l'homme ne s'accompagne-t-elle pas simultanément d'une dégradationdes autres formes de vie, en particulier animales ? Est-on prêt aujourd'hui à accepter cette contrepartie, véritableface sombre de l'humanisme? Tel est le second défi que l'humanisme doit relever.Puisque nous en sommes à la face sombre de l'humanisme, il nous faut également mentionner la dimension historiquede la question.

Après avoir beaucoup attendu de l'histoire, les hommes ont dû déchanter.

Le progrès technique aaccru leur puissance destructrice.

Quant aux idéaux politiques progressistes, ils ont pu justifier le pire, lequel senomme : impérialisme, totalitarisme.

C'est donc aussi au titre d'idéal historique, support d'une foi longtemps partagéedans le progrès, que l'humanisme est amené à rendre des comptes.

Si l'idéal a déçu historiquement, n'est-ce pasqu'il y avait en lui, dès le début, quelque chose de vicié?Nous n'entendons pas dispenser l'humanisme de toute critique.

On verra même que celle-ci s'impose.

L'enjeu denotre réflexion est plutôt d'en instruire la critique interne, dans le dessein d'épargner les idéaux humanistes del'inquiétante réaction antihumaniste à laquelle ils sont en butte. 1.

Les contestations de l'humanisme L'humanité une ou plurielle? L'idéal de fraternité humaine universelle convoquerait-il une idée creuse? Ce qui existe, ce sont des hommes, nonl'humanité.

Ils ont des modes de vie suffisamment différents pour qu'un homme allant vers un autre ne voie pasd'emblée en lui un semblable mais, négativement, quelqu'un qui ne vit pas comme lui.

On dira que cela ne met pas endifficulté l'humanisme, lequel nous invite à surmonter la différence culturelle entre les hommes.

Voilà toute lanoblesse de l'idéal, par contraste avec les premiers mouvements des hommes comme le dégoût ou le rejet.L'humanisme n'est guère discutable comme idéal moral nous invitant à voir en Vautre homme un autre homme.Mais c'est pour tomber aussitôt dans un paradoxe plus grand: lorsque je vois en tout autre un homme, est-ce quel'estime dans laquelle je le tiens le concerne en tant qu'il est autre? Est-ce que je vois encore l'autre homme commetel quand je vois en lui mon semblable? Un autre un peu trop différent est-il sûr de susciter mon estime ou macompassion?La critique de l'abstraction de l'idée d'homme est ancienne.

C'était l'un des traits de la pensée contre-révolutionnaire, qu'illustre Joseph de Maistre :«La Constitution de 1795, tout comme ses aînées, est faite pour l'homme.

Or, il n'y a point d'homme dans le monde.J'ai vu, dans ma vie, des Français, des Italiens, des Russes, etc., [...] mais quant à l'homme, je déclare ne l'avoirrencontré de ma vie» (Considérations sur la France).L'idéal humaniste, deux siècles plus tard, s'est vu contester sur sa gauche, cette fois, par un puissant courant derelativisme culturel et historiciste, correspondant à la crise de la conscience européenne devant le colonialisme et lefascisme.

Trop longtemps, trop de peuples ont été niés dans leurs différences : à défaut de pouvoir jamais réparerréellement une telle négation historique, la pensée s'est employée à réhabiliter les différences culturelles.

Laconscience critique soupçonne l'idéal d'humanité universelle d'être un instrument de l'idéologie colonialiste.

On peutlire une telle critique chez Roland Barthes :« Ce mythe de la "condition humaine" repose sur une très vieille mystification, qui consiste toujours à placer laNature au fond de l'Histoire.

Tout humanisme classique postule qu'en grattant un peu l'histoire des hommes, larelativité de leurs institutions ou la diversité superficielle de leur peau [...], on arrive très vite au tuf profond d'unenature humaine universelle.

L'humanisme progressiste, au contraire, doit toujours penser à inverser les termes decette très vieille imposture, à décaper sans cesse la nature, ses "lois" et ses "limites" pour y découvrir l'Histoire etposer enfin la Nature comme elle-même historique» («La grande famille des hommes», in Mythologies,p.

174-175).On aura noté que Barthes ne condamne pas l'humanisme en bloc, mais un humanisme faisant fond sur l'idée denature humaine.

Il lui oppose un humanisme progressiste, pour lequel l'existence des hommes est tout entièrehistorique.

Or, cette histoire est marquée du sceau de la violence, des discriminations, de la domination.

Le mythe. »

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