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Husserl, Ideen I, p. 148 sqq : « Que la perception immanente est indubitable et la perception transcendante sujette au doute. »

Publié le 16/03/2011

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Toute perception immanente garantit nécessairement l'existence (Existenz) de son objet. Quand la réflexion s'applique sur mon vécu pour le saisir, j'ai saisi un absolu en lui-même, dont l'existence (Dasein) ne peut par principe être niée; autrement dit, l'idée que son existence ne soit pas, est par principe impossible; ce serait une absurdité de croire possible qii'un vécu donné de cette façon n'existe pas véritablement. Le flux du vécu, qui est mon flux, celui du sujet pensant, peut être aussi largement qu'on veut non-appréhendé, inconnu quant aux parties déjà écoulées et restant à venir; il suffit que je porte le regard sur la vie qui s'écoule dans sa présence réelle et que dans cet acte je me saisisse moi-même comme le sujet pur de cette vie... pour que je puisse dire sans restriction et nécessairement : je suis, cette vie est, je vis, cogito.    Tout flux vécu, tout moi en tant que tel, implique la possibilité de principe d'atteindre à cette évidence; chacun porte en soi-même la garantie de son existence (Dasein) absolue, à titre de possibilité de principe. On demandera : ne peut-on former l'idée d'un moi qui n'aurait que des images dans le flux de son vécu, d'un flux vécu qui ne consisterait qu'en intuitions du type de la fiction? Ce moi ne découvrirait donc que des fictions de cogitationes; ses actes de réflexions, étant donnée la nature du milieu constitué par ce vécu, seraient uniquement des réflexions en imagination. C'est là une absurdité manifeste. Ce qui flotte en suspens devant l'esprit peut être un pur fictum; l'acte même de l'évocation flottante, la conscience qui forme la fiction n'est pas elle-même fictive et son essence, comme tout vécu, implique la possibilité d'une réflexion qui perçoive et qui saisisse l'existence absolue. Il n'y a pas d'absurdité à ce que toutes les consciences étrangères que je pose dans l'expérience par intropathie puissent ne pas être. Mais mon intropathie et ma conscience en général sont données de façon originaire et absolue, non seulement quant à l'essence (Essenz) mais quant à l'existence (nach Existenz). Cette propriété remarquable ne vaut que pour le moi et pour le flux du vécu dans sa relation avec soi-même; là seulement existe et doit exister quelque chose comme une perception immanente.    Au contraire il est de l'essence du monde des choses... que nulle perception aussi parfaite soit-elle ne donne dans son domaine un absolu; de quoi résulte essentiellement que toute expérience aussi vaste soit-elle laisse subsister la possibilité que le donné n'existe pas, en dépit de la conscience persistante de sa présence corporelle et en personne On peut énoncer cette loi d'essence : l'existence (Existenz) des choses n'est jamais requise comme nécessaire par sa propre donnée (durch die Gegebenheit); elle est d'une certaine façon toujours contingente. Ce qui signifie : il est toujours possible que le cours ultérieur de l'expérience contraigne d'abandonner ce qui antérieurement a été posé sous l'autorité de l'expérience. C'était, dit-on par la suite, une pure illusion, une hallucination, un simple rêve cohérent, etc... il arrive de plus — et cela reste une possibilité permanente — qu'il se produit dans ce cercle de données quelque chose comme une altération des appréhensions, un brusque changement d'une apparence en une nouvelle qui ne peut s'unir à elle de façon convergente, et qu'ainsi la position de l'expérience ultérieure réagisse sur l'expérience antérieure, de sorte que les objets intentionnels de cette expérience antérieure soieht pour ainsi dire remaniés par choc en retour; de tels processus sont par essence exclus de la sphère du vécu. Il n'y a plus de place dans la sphère absolue pour le conflit, le simulacre, l'altérité. C'est une sphère de position absolue. «    Note de Ricœur : La possibilité que le monde n'existe pas n'est pas la possibilité que la perception soit un rêve, une image, mais que le divers des esquisses ne s'unifie pas du tout et soit radicalement discordant. C'est la concordance des esquisses de chose qui est contingente. Ceci est absolument nouveau par rapport à Descartes et ne contredit pas le principe d'intentionnalité, puisque ce sont des intentionnalités qui seraient discordantes, ni le principe de l'intuition originaire puisque c'est une présence corporelle qui faute de concordance apparaîtrait comme un néant de sens.    Il est donc clair de toute façon que tout ce qui dans le monde des choses est là pour moi n'est par principe qu'une réalité présumée (prârumptive); au contraire moi-même pour qui le monde est là (à l'exclusion de ce qui est mis « par moi « au compte du monde des choses) ou, si l'on veut, l'actualité de mon vécu, est une réalité (Wirklichkeit) absolue; elle est donnée au moyen d'une position inconditionnée et absolument irrécusable.    La thèse « du monde qui est une thèse contingente « s'oppose à la thèse de mon moi pur et de mon vécu personnel, qui est « nécessaire « et absolument indubitable. Toute chose donnée corporellement peut également ne pas être; nul vécu donné corporelle-ment n'a la possibilité de ne pas être également : telle est la loi d'essence qui définit et cette nécessité et cette contingence.    % Il est manifeste que la nécessité d'être que possède à chaque moment le vécu actuel n'a pourtant par là même aucune nécessité eidétique pure, c'est-à-dire ne constitue pas la particularisation purement eidétique d'une loi d'essence; c'est la nécessité d'un fait (Faktum); elle porte ce nom parce qu'une loi d'essence est incorporée au fait, et même ici à son existence (Dasein) comme telle. Dans l'essence d'un moi pur en général et d'un vécu en général est inscrite la possibilité idéale d'une réflexion qui a pour caractère eidétique d'être une thèse d'existence (Daseinsthesis) évidente et irrécusable.

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