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L'idée de valeur

Publié le 16/01/2004

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Au passage, Nietzsche indique combien le profond est « chargé de significations », nombreuses & complexes -et suggère que ce qui vient simplement à la surface, sous forme de l'intention unique, marque la multiplicité des significations. 3)   Aussi faut-il dépasser la « morale des intentions », qui est  celle qui a prévalu jusqu'alors. Ce qui apparaissait autrement comme vérité n'est en réalité que « préjugé ». Ce qui apparaissait fondé est hâtif, ce qui apparaissait définitif est en réalité provisoire. On voit l'importance du renversement qui est en jeu.  Au sens philosophique, il s'agit bien d'un dépassement où l'idée d'une morale est conservée, mais où le fondement même de cette morale est annulé. Et c'est bien d'une position philosophique, presque scientifique, qu'il s'agit, qui annule les vieilleries de l'astrologie et de l'alchimie, qui permet de passer du préjugé au savoir. Intérêt du texte. L'intérêt du texte est de présenter, en un élan particulièrement lyrique, l'intuition de Nietzsche : aux temps nouveaux, une nouvelle morale. On y trouve ainsi une critique de la morale kantienne, qui est une morale de l'intention où seul compte « la bonne volonté ».

« Nietzsche , pour qui les déclamations morales ne font que proclamer, en les sublimant, les exigences profondes de la vie organique.

Le référent ultime de l'enquête généalogique est donc constitué par la vie, l'instinct vital, un instinctde puissance et de conquête, mais aussi de création et d'affirmation de soi.

Nietzsche nomme cette dernière « volonté de puissance » : « l'essence la plus intime de l'Etre est la volonté de puissance ».

Cette volonté de puissance peut se manifester selon une double orientation : ou comme créatrice, exaltant la vie, elle est alorsvolonté forte, ascendante, caractéristique des « forts » ; ou bien comme volonté négative, animée par le ressentiment ou la haine contre la vie, volonté de nuire et de dégrader tout ce qui participe de l'affirmation vitale.Elle est alors volonté de puissance faible, signe d'une âme esclave, décadente. L'affirmation de la vie, qui est la seule réalité, selon cette double polarité, se substitue ainsi à la dichotomie du bienet du mal, et à affirmation dogmatique de valeur s universelles.

La vie est la seule réalité ; il n'existe en vérité ni bien ni mal, ni valeur s proprement universelles.

En ce sens, la morale n'est qu'une invention des faibles qui, incapables de triompher des forts sur le terrain de l'affirmation de soi, tentent pourtant de l'emporter dans l'histoirepar la promulgation de règles morales flétrissant la vie, la force, les valeur s de la « grande santé ».

« Qu'est-ce à proprement parler que la morale ? L'instinct de la décadence : ce sont les hommes épuisés et déshérités qui decette façon se vengent et se comportent en maîtres » (« VdP », II, 129).

Les faibles tentent ainsi de triompher des forts, qui sont eux-mêmes au-delà du bien et du mal, et se définissent par des valeur s aristocratiques, individualistes, guerrières.

La morale, qui se détermine à partir des catégories du bien et du mal, est ainsi « une idiosyncrasie de décadents guidés par l'intention cachée de se venger de la vie. » (« Ecce homo »). Partant, le sens de la méthode généalogique se trouve précisé : il s'agit moins de remonter à une hypothétiqueorigine temporelle de constitution des valeur s morales qu'à en manifester au grand jour le caractère usurpé : l'origine et le fondement du principe de devoir et de l'obligation se trouvent en effet dans ce monde de l'au-delà, cet arrière-monde métaphysique entièrement fabriqué par la volonté esclave, impuissante et décadente.

Le « lieu » du devoir finit ainsi par se révéler sous son vrai jour : il n'est qu'une ruse pitoyable des faibles qui, désespérant de s'imposer,tentent du moins de culpabiliser les vertus de force et d'affirmation de la vie. Démasqué par la méthode généalogique, le principe formel d'obligation perd son caractère d'a priori et apparaîtcomme le résultat d'une stratégie du ressentiment et de la volonté de vengeance des faibles sur les forts.

Perdanttoute prétention à l'universalité, la morale apparaît comme l'oeuvre du ressentiment.

En effet, l'impératif moralproclame la valeur supérieure d'un monde idéal, assimilé au Bien et au Bon, par opposition à ce monde-ci, déprécié et assimilé au Mal.

L'idéal du monde est un monde idéal, au nom duquel s'exprime une condamnation sans réserve dela vie concrète et corporelle.

Ainsi se constitue un « idéal ascétique », expression ultime du ressentiment et de la mauvaise conscience, dont la finalité essentielle est de discréditer la vie et tout ce qui est actif dans la vie. L'idéal ascétique, auquel Nietzsche consacre la troisième dissertation de la « Généalogie » est à l'origine de toutes les négations de la vie forte, et trahit une « véritable animosité, une rancune philosophique à l'égard de la sensualité .

» (III, $7).

Cette volonté formelle d' « aller contre nature » se propage dans l'ensemble de la culture moderne ; la dépréciation de la vie par les valeur s transcendantes n'est pas le fait de la seule morale et Nietzsche peut en montrer la mise en oeuvre jusque dans le domaine de la philosophie et de l'art (cf.

L'impersonnalité etl'universalité de l'esthétique kantienne). L'idéal ascétique réalise ce tour de force d'inventer de toutes pièces un monde de l'au-delà, et de faire paraîtrecomme exsangue et irréel le monde de la vie.

Comme Nietzsche le montre dans la première dissertation de la « Généalogie », le ressentiment n'est qu'une « vengeance imaginaire », « une vindicte essentiellement spirituelle ». Faute de pouvoir triompher dans le monde réel, les faibles inventent cette fiction d'un monde imaginaire, d'un monde« meilleur » qui les délivre du fardeau de la vie.

Par une subtile inversion des valeur s, le moralisme, idéologie affective des fables, procède à la dénonciation des passions fortes, afin de mieux exalter les passions tristes : ledésir d'affirmation de soi, de conquêtes, et la noble exaltation de l'individualité se trouvent dénigrés au profit desvertus de renoncement, d'humilité et d'abstention. Ce subterfuge, qui ne fait qu'exprimer la haine de la vie, se généralise et se radicalise à l'époque de la modernitépour lui donner sa tonalité existentielle fondamentale et constituer ce que Nietzsche appelle le « nihilisme » : ce terme signifie que la vie prend une valeur de néant, parce qu'elle se voit dépréciée au profit d'une fiction, sous la figure d'un autre monde, d'un monde suprasensible.

Ce monde correspond en effet à ce que la métaphysiquetraditionnelle a décrit comme l'intelligible, comme le Bien absolu et l'origine transcendante des valeur s. Dans ces conditions, rompre avec le nihilisme, et travailler à l'avènement d'une nouvelle conception du monde, c'estrenoncer à toute moralité qui soit l'expression de l'instinct grégaire et de la faiblesse des décadents.

Dès lors, il fautadmettre, en dénonçant la psychologie et la morale idéaliste du XIX ième, le caractère contradictoire del'existence : « Il faut être riche en opposition, ce n'est qu'à ce prix-là qu'on est fécond ».

Cette fécondité, que Nietzsche appelle de ses voeux, caractérise le surhomme, dont le souci est moins de dominer les autres hommes que se dominer soi-même, conquérir le pouvoir de vouloir, et ainsi se dépasser soi-même.

Le surhomme constitue lafigure emblématique du dépassement de la métaphysique et de tout idéalisme moral, dont le nihilisme trahit lasecrète débilité psychologique.

Ce dépassement, figuré par le surhumain, implique le renversement, la« transvaluation de toutes les valeur s ».

L' « immoralisme » de Nietzsche prendra positivement la figure du Surhomme : « Hommes supérieurs, maintenant seulement la montagne va enfanter.

Dieu est mort : maintenant nous voulons que le surhumain vive » (« Zarathoustra »). L'immoralisme de Nietzsche retrouve les voies d'exigence de l'éthique.

Rompant définitivement avec tout esprit de. »

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