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LES IDÉES DE ROUSSEAU

Publié le 14/05/2011

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— L'idée essentielle, l'idée centrale sur laquelle repose tout le système assez cohérent de Rousseau, a sa racine dans son caractère, dans ses premières habitudes de vie, dans sa destinée : cette idée, c'est que l'homme bon, libre et heureux dans l'état de nature, est devenu méchant, esclave et malheureux par la faute de la société.

— Cette idée se retrouve dans toutes les parties de l'oeuvre et elle en fait l'unité.

A) Malheur de l'homme.  

— Deux Discours ont fait le premier renom de Rousseau. — a) Le Discours sur les lettres et les arts présentait comme forces corruptrices la civilisation et ses produits. Il démontrait cette thèse par l'histoire : les Perses battus par Alexandre, Athènes écrasée par Sparte, l'Empire romain détruit par les Germains; puis, afin de l'expliquer en bonne logique et raison, il montrait les lettres et les arts poursuivant des recherches inutiles, créant l'oisiveté, développant le luxe et la dépravation, énervant les énergies. — b) Le Discours sur l'Inégalité commençait par reconstituer, à l'aide du raisonnement, l'homme naturel du premier âge, de l'âge d'or : robuste de corps, sain, innocent et béat; puis il le montrait perfectible dans son intelligence et dans son sens moral, et par conséquent destiné à toute une série d'inégalités qui se révélèrent en effet, que la propriété consacra, que les magistrats et les lois fixèrent, qui distinguèrent bientôt les hommes en oppresseurs et opprimés, enfin qui devaient fatalement conduire au despotisme.

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« — En quoi peut consister cette cure ? A refaire l'homme naturel par l'éducation, à régénérer la famille selon un idéalde vie naturelle comme elle-même, à reconstituer l'Etat sur les bases du droit naturel lui aussi.

Tels sont les remèdespositifs proposés dans une bonne partie de la Nouvelle Héloïse, dans l'Emile, dans le Contrat social.— La Nouvelle Héloïse, qui est un roman (par lettres) de passion amoureuse et de douloureuse soumission au devoir,offre une grande richesse d'idées.

La principale de ces idées est la restauration des rapports naturels et francs dansle mariage — lequel doit se contracter par consentement mutuel et se maintenir loyal — et dans la famille conçue àla manière patriarcale.

M.

et Mme de Wolmar vivent avec simplicité non pas à la ville, mais près du village deClarens, au pied des Alpes, au bord du lac de Genève; ils administrent leurs terres en entente et harmonie avecserviteurs et paysans, font avec eux joyeusement les vendanges, président aux veillées d'hiver qui rassemblenttoute cette famille naturelle.

Et c'est de la vie naturelle retrouvée qu'est fait leur bonheur.— Le Contrat social est un essai purement théorique, qui propose le mythe d'une société fondée sur l'égaliténaturelle, et qui est amené à réclamer la médiocrité générale des fortunes avec l'égalité économique, l'interdictiondu luxe et — suprême garantie — l'adhésion de tous les citoyens à un Credo religieux.

La nouveauté profonde dulivre était de proclamer le principe de la souveraineté du peuple. — L'Emile n'apparaît guère moins théorique.

C'est un traité d'éducation qu'il n'était nullement question, dans l'espritde Rousseau, d'appliquer jamais, mais qui posait des principes.

Il les vivifie en les illustrant de scènes quasiromanesques.

L'Emile raconte l'éducation d'un enfant imaginé par Rousseau pour faire comprendre comment l'âmehumaine doit être fermée dès le début de la vie au vice et à l'erreur, puis préparée au vrai et au bien, pour le jour oùsera arrivé l'âge d'entendre le vrai et d'aimer le bien.a) La première attitude de cette éducation est de suivre la nature, d'abord en supprimant la torture du maillot et enfaisant allaiter l'enfant par sa mère, ensuite en isolant l'enfant de la société, en le Soustrayant même à sa famille,en le privant de tout camarade et en le confiant à un précepteur qui veillera réaliser cet isolement à la perfection :c'est « l'éducation négative ».

— b) La seconde attitude consiste à observer des périodes très distinctes dans ledéveloppement de l'enfant : éducation des sens jusqu'à douze ans, de l'intelligence jusqu'à seize, ensuite du coeur :de façon à reproduire le développement naturel de l'homme.c) L'hygiène, les exercices physiques joueront un grand rôle dans le bon air de la campagne, où l'enfant doit êtreélevé.

— d) Aucun contact avec les produits les plus pernicieux de la vie civilisée : les lectures de toute sorteseront supprimées; pas de livres d'histoire, pas de Fables avant le terme de l'éducation; seul le Robinson Crusoësera autorisé, parce qu'il fait vivre un « homme naturel ».e) Il conviendra d'obliger l'enfant à réfléchir par lui-même : les notions morales, les connaissances scientifiquesseront acquises au moyen de causeries, de leçons de choses, de l'expérience sous toutes les formes et même descènes machinées comme des expérimentations par le précepteur.

[Exemples : Il ne faut pas qu'Emile s'habitue àsortir seul dans la rue, alors le précepteur s'entend avec les voisins pour qu'ils le criblent de quolibets sur sonpassage.

— Pour montrer à Emile avec évidence l'égale longueur des rayons d'un cercle, le précepteur lui en feratracer un, avec une pointe au bout d'un fil tournant sur un pivot.

— La première leçon de cosmographie partira del'observation répétée des levers et couchers du soleil.

— Un jour, on se perdra longuement dans la forêt pourqu'Emile apprenne à s'orienter d'après le soleil et à se rendre compte de l'utilité de cette connaissance, etc...] — f)En outre, l'enfant doit faire l'apprentissage d'un métier manuel, pour parer aux revers de fortune, pour vaincre lespréjugés qui méprisent le travail des mains, et parce.

que ce travail est celui qui rapproche le plus l'être humain del'état de nature : Emile apprendra le métier de menuisier.

— g) A seize ans, initiation à la charité, à la piété, à lanotion de Dieu.

Mais on n'inculquera pas cette notion par raisonnement : on montrera Dieu dans la nature et, dansla conscience, selon une méthode dont Rousseau fournit le modèle avec la « profession de foi du Vicaire savoyard ».Ce saint homme l'avait mené jadis, un matin, sur une haute colline qui domine la magnifique plaine du Pô; là, il luiavait enseigné la religion affranchie de la société, car c'est la société qui invente les dogmes des religions révélées,catholicisme ou protestantisme.

La nature, elle, ne connaît que Dieu : un Dieu vivant, sensible, présent au coeur,qui nourrit le croyant d'amour et d'espérance, qui se mêlera à tous ses actes et à tous ses sentiments et quiexaltera de sa présence invisible les contemplations de la nature comme les émotions d'amour.

— h) Il ne resteraplus qu'à marier le jeune homme ainsi formé avec une jeune fille élevée comme lui, puis à faire vivre à la campagne leménage d'Emile et de Sophie.

— i) En pédagogie, Rousseau rejoint en partie, mais en partie seulement, Rabelais etMontaigne.

Il se trouve d'accord avec Rabelais et Montaigne pour l'entretien d'un corps sain et le grand usage del'expérience; il se trouve particulièrement d'accord avec Montaigne sur la nécessité de rendre l'étude agréable et deformer le jugement plutôt que la mémoire; mais ni Montaigne ni surtout Rabelais n'aurait admis le sauvage isolementd'Emile, le compartimentement rigoureux de son éducation par différents âges, ni la suppression absolue des livres. — Il n'est pas jusqu'au livre des Confessions et à celui des Rêveries d'un promeneur solitaire qui n'entrent dansl'unité de l'oeuvre, puisque Jean-Jacques s'y expose en personne.

La possibilité d'être l'homme naturel, il la montrevivante en lui.

Du seul fait qu'il est, qu'il vit, il fait l'apologie de la nature et jette l'anathème à la société.

— LesRêveries sont particulièrement émouvantes à ce point de vue.

Rousseau, quand il les écrivit, avait perdu touteespérance; et c'est pourquoi il se laissait vivre librement, selon ses voeux les plus profonds, en accord parfait avecla nature.

Nous le voyons aller et venir, nous l'entendons respirer.

Il erre dans la campagne, il herborise, il a le coeurdébordant de souvenirs et par instants déchiré de nostalgie; il se laisse aller à des rêveries plus éperdues qu'aucunerêverie moderne, et nous en donne la sensation; il nous rend sensible son contact charnel avec toutes choses desprairies, des eaux, des collines et du ciel.

Des pages comme celles qu'il consacre à certains mouvements secrets etpresque insaisissables de son âme, à ses promenades autour de Paris, à la joie d'herboriser, à ses rêveries sur le lacde Bienne, au souvenir de Mme de Warens, font des Rêveries d'un promeneur solitaire l'oeuvre de Rousseau quenous sentons le plus près de nous, parce qu'au coeur même d'une sagesse de vieillard elle maintient on ne sait quelfrémissement d'adolescence éternelle.. »

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