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III LA THÉORIE DE LA REPRÉSENTATION INTUITIVE A) LE MONDE EST MA REPRÉSENTATION Le monde est ma représentation.

Publié le 23/10/2012

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III LA THÉORIE DE LA REPRÉSENTATION INTUITIVE A) LE MONDE EST MA REPRÉSENTATION Le monde est ma représentation. — Cette proposition est une vérité pour tout être vivant et pensant, bien que, chez l'homme seul, elle arrive à se transformer en connaissance abstraite et réfléchie. Dès qu'il est capable de l'amener à cet état, on peut dire que l'esprit philosophique est né en lui. Il possède alors l'entière certitude de ne connaître ni un soleil ni une terre, mais seulement un oeil qui voit ce soleil, une main qui touche cette terre ; il sait, en un mot, que le monde dont il est entouré n'existe que comme représentation, dans son rapport avec un être percevant, qui est l'homme lui-même. S'il est une vérité qu'on puisse affirmer a priori, c'est bien celle-là ; car elle exprime le mode de toute expérience possible et imaginable, concept de beaucoup plus général que ceux même de temps, d'espace et de causalité qui l'impliquent. Chacun de ces concepts, en effet, dans lesquels nous avons reconnu des formes diverses du principe de raison, n'est applicable qu'à un ordre déterminé de représentations ; la distinction du sujet et de l'objet, au contraire, est le mode commun à toutes, le seul sous lequel on puisse concevoir une représentation quelconque, abstraite ou intuitive, rationnelle ou empirique. Aucune vérité n'est donc plus certaine, plus absolue, plus évidente que celle-ci : tout ce qui existe existe pour la pensée, c'est-à-dire l'univers entier n'est objet qu'à l'égard d'un sujet, perception que par rapport à un esprit percevant, en un SCH OPEN HAVER mot, il est pure représentation. Cette loi s'applique naturellement à tout le présent, à tout le passé et à tout l'avenir, à ce qui est loin comme à ce qui est près de nous ; car elle est vraie du temps et de l'espace eux-mêmes, grâce auxquels les représentations particulières se distinguent les unes des autres. Tout ce que le monde renferme ou peut renfermer est dans cette dépendance nécessaire vis-à-vis du sujet et n'existe que pour le sujet. Le monde est donc représentation... C'est à cet unique point de vue et comme pure représentation que le monde sera étudié dans ce premier livre. Une telle conception, absolument vraie d'ailleurs en elle-même, est cependant exclusive et résulte d'une abstraction volontairement opérée par l'esprit ; la meilleure preuve en est dans la répugnance naturelle des hommes à admettre que le monde ne soit qu'une simple représentation, idée néanmoins incontestable. Mais cette vue, qui ne porte que sur une face des choses, sera complétée dans le livre suivant par une autre vérité, moins évidente, il faut l'avouer, que la première ; la seconde demande, en effet, pour être comprise, une recherche plus approfondie, un plus grand effort d'abstraction, enfin une dissociation des éléments hétérogènes accompagnée d'une synthèse des principes semblables. Cette austère vérité, bien propre à faire réfléchir l'homme, sinon à le faire trembler, voici comment il peut et doit l'énoncer à côté de l'autre : « Le monde est ma volonté. « (Monde, I, 3-4.) B) OBJET ET SUJET I. ILS SE CONDITIONNENT MUTUELLEMENT Le monde, considéré comme représentation, seul point de vue qui nous occupe ici, comprend deux moitiés essentielles, nécessaires et inséparables. La première est l'objet qui a pour forme l'espace, le temps, et par suite la pluralité ; la seconde est le sujet qui échappe à la double loi du temps et de l'espace, étant toujours un et indivisible dans chaque être percevant. Ces deux moitiés sont donc inséparables, même dans la pensée ; chacune d'elles n'est réelle et intelligible que par l'autre et pour l'autre ; elles existent et cessent d'exister ensemble. Elles se limitent réciproquement : où commence l'objet, le sujet finit... De tous les services rendus par Kant à la philosophie, le plus grand est peut-être dans cette découverte. (Monde, I, 6.) 2. SUR LA RÉALITÉ DU MONDE EXTÉRIEUR Ma Dissertation sur le principe de raison a justement pour but d'établir que le contenu de ce principe n'est autre que la forme essentielle de tout objet, c'est-à-dire le mode universel d'une existence objective quelconque envisagée comme telle. Mais, à ce point de vue, l'objet suppose perpétuellement le sujet comme son corrélatif nécessaire : celui-ci reste donc toujours en dehors de la juridiction du principe de raison. Tous les débats touchant la réalité du monde extérieur ont eu pour origine cette extension illégitime du principe de raison appliqué aussi au sujet, et il est résulté de ce malentendu primitif que le problème lui-même devenait inintelligible. D'une part, le dogmatisme réaliste, considérant la représentation comme un effet de l'objet, a la prétention de séparer ce qui ne fait qu'un, je veux dire la représentation et l'objet ; il admet ainsi une cause absolument distincte de la représentation, un objet en soi, indépendant du sujet, c'est-à-dire une chose absolument inconcevable ; car déjà, en tant qu'objet, cette chose implique le sujet, dont elle n'est que la représentation. Le scepticisme, qui prend lui-même son point de départ dans la même erreur initiale, oppose à cette doctrine ceci, que dans la représentation l'effet seul est donné, et nullement la cause ; que jamais, par suite, ce n'est l'essence des objets, mais uniquement leur action que l'on connaît ; que cette action n'a sans doute aucune analogie avec leur nature intime ; qu'en thèse générale même, on aurait tort de le supposer gratuitement, puisque d'abord la loi de causalité dérive de l'expérience et que, d'autre part, on ferait reposer la réalité de l'expérience sur cette loi. A ces deux théories on peut répondre tout d'abord que l'objet et la représentation ne sont qu'une seule et même chose, ensuite que l'être des objets n'est autre que leur action même ; que c'est dans cette action que consiste leur réalité ; qu'enfin chercher l'existence de l'objet en dehors de la représenta-

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