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L'illusion n'est-elle qu'une erreur ?

Publié le 11/01/2004

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illusion
En réalité, on pense ou l'on a pensé. Il semble qu'au cours de notre vie, la pensée, le jugement, se soient glissésdans le sentir et l'aient transformé. En d'autres termes, pour expliquer ce genre d'illusion, il faut recourir au fait de l'habitude et admettre, comme le disait déjà Montaigne, que l'habitude a créé en nous une autre nature, qui a la même spontanéité que la nature originelle. Le poids des expériences antérieures est infiniment plus fort que celui de la réflexion actuelle, mais l'habitude est chargée de jugements implicites et c'est pourquoi l'on doit parler d'illusions de la perception plutôt que des illusions des sens.D'autres illusions de la vue sont plus proches de l'erreur comme celles qui sont relatives au mouvement. Je suis dans un train et impatient qu'il parte. De mon compartiment, je vois le compartiment du train voisin, également en instance de départ. Soudain, j'ai l'impression que mon train s'ébranle, mais, au bout d'un moment, je vois le quai, que le train voisin me dissimulait, ce n'est pas mon train qui est parti. Ou bien, du haut d'un pont, je regarde un cours d'eau rapide et il me semble que c'est le pont et moi qui sommes en mouvement. Ou encore, du bateau qui m'emporte, je crois voir la rive se mouvoir.
illusion

« § 3.

Les illusions dans l'ordre de la pensée. Peut-on légitimement parler d'illusion en dehors du domaine de la perception ? C'est bien à quoi prétendent lesdifférentes philosophies.

Il s'agit pour chacune d'elles de dévoiler une illusion inhérente à l'esprit humain, qui masquela vérité qu'elle se propose d'établir.

C'est ce que signifie, chez Platon, l'Allégorie de la Caverne : les hommes sontsemblables aux prisonniers de la caverne, qui prennent pour des réalités leurs apparences et qui ne pourront, à lalumière de l'idée du Bien, contempler les essences véritables des choses ou idées que par une conversion de l'esprit.C'est Descartes qui se donne pour but de dissiper l'illusion qui nous fait concevoir matériellement les chosesspirituelles et spirituellement les choses matérielles, et qui confesse, dans ses Réponses aux sixièmes objections,qu'il résista lui-même à l'idée de la distinction radicale de l'âme et du corps, comme les astronomes qui, sachant «que le soleil est plusieurs fois plus grand que toute la terre, ne sauraient pourtant s'empêcher de juger qu'il est pluspetit lorsqu'ils viennent à le regarder ».

C'est Kant qui considère que la métaphysique traditionnelle est victime del'illusion foncière qui nous fait imaginer que l'homme peut atteindre l'absolu, les choses en soi.

Cette illusion,constitutive de notre raison, est analogue, dit-il, à celle de l'astronome, qui « ne peut empêcher que la lune ne luiparaisse plus grande à son lever, bien qu'il ne soit pas trompé par cette apparence ».

C'est Marx qui dénoncel'illusion de la conscience qui s'estime première et autonome, alors qu'elle naît des conditions économiques de la viede l'être humain engagé dans l'existence réelle et sociale. A l'origine, la conscience ne se porte que sur l'environnement immédiat.

Elleest conscience que la nature est une puissance hostile et redoutable, qu'ilfaut discipliner si l'on veut y survivre.

Elle produit en même temps lespremières religions de la nature, vénérant ce qui la dépasse.

Très tôt, elle sefait sociale, pressentant la nécessité d'entrer en rapport avec d'autresconsciences afin d'organiser le travail.

La conscience sociale est doncprimitive : j'ai besoin des autres pour vivre biologiquement.

Avec ledéveloppement de la vie sociale et économique, des échanges, dessatisfactions, des besoins, la conscience s'affine dans la perception d'elle-même, d'autrui et de la nature.

La division sociale du travail va introduire dansson progrès des différences de plus en plus importantes entre lesconsciences.

Les classes vouées au travail matériel restent en rapport étroitavec la nature et ses nécessités, tandis que les classes possédantes etpropriétaires pourront développer librement les activités de la culture dans leloisir.

La culture de l'esprit n'a donc pu apparaître qu'à la suite de cettedivision du travail, où l'existence matérielle des uns est garantie parl'exploitation de la force de travail physique des autres. Il faudrait citer tous les philosophes, car toute doctrine s'affirme d'abordcontre une illusion.

Tous s'accordent à penser que l'illusion essentielle qu'ilsmettent au jour est à la fois inévitable et toujours renaissante, que le travail critique sera sans cesse à refaire et, en ce sens, c'est bien d'illusion et nor, d'erreur qu'il s'agit.

Quoi qu'il en soit deces philosophies, une chose est certaine, c'est qu'elles se donnent moins pour tâche de nous prémunir contrel'illusion que de la déjouer et de nous mettre en garde contre son retour.

Comme les illusions de la perception, qui ensont le modèle ou le symbole, nous en avertissent, nous aurons indéfiniment à vaincre nos préjugés, dont nousavons l'illusion qu'ils ont été dans le passé l'objet d'un véritable jugement, et qui ne sont que des opinions quel'habitude a profondément enracinées en nous.

A l'école de la réflexion philosophique, nous aurons besoin d'uneconstante vigilance pour les surmonter à nouveau et retrouver à chaque fois une authentique liberté d'esprit. « Est illusion le leurre qui subsiste, même quand on sait que l'objet supposé n'existe pas.

» Kant, Anthropologie dupoint de vue pragmatique, 1798. « L'opinion d'Aristote, d'après laquelle la vermine serait engendrée par l'ordure - opinion qui est encore celle dupeuple ignorant - était une erreur (...), alors que c'était une illusion de la part de Christophe Colomb, quand ilcroyait avoir trouvé une nouvelle route maritime des Indes.

La part de désir que comportait cette erreur estmanifeste.

» Freud, L'Avenir d'une illusion, 1927. « Les illusions diffèrent des erreurs en ce que le jugement y est implicite, au point que c'est l'apparence mêmedes choses qui nous semble changée.

» Alain, Éléments de philosophie, 1941.. »

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