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l'imagination est-elle créatrice ?

Publié le 08/04/2005

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On connaît le paradoxe des jumeaux de Langevin. Si l'on envoie l'un des deux jumeaux dans l'espace à une vitesse proche de celle de la lumière, il ne vieillira pas au même rythme que le jumeau resté sur la terre. Cela signifie que l'on passe d'une théorie à l'autre par une redéfinition des concepts initiaux, des notions fondamentales de la physique (ici le temps, mais la physique ondulatoire a amené à une redéfinition de la notion de cause). Il ne s'agit donc pas d'une transition d'un système à un autre, mais d'une révolution, et d'une mutation dans les méthodes et les concepts. De ce que Bachelard nomme une déformation. La notion de temps voit son sens radicalement renouvelé du système de Newton à celui d'Einstein. Le mérite de Bachelard est de montrer que l'esprit a toujours l'âge de ses préjugés. Si l'obstacle premier, inhérent à l'acte même de connaître est la connaissance commune, l'opinion, reste que « l'esprit scientifique est essentiellement une rectification du savoir, un élargissement des cadres de la connaissance. Il juge son passé historique en le condamnant « A une époque qui sombre volontiers dans l'apologie naïve de la science, il n'est pas inutile de rappeler que celle-ci se nourrit de révolutions, de ruptures, s'élabore contre les pensées et les théories antérieures. L'audace scientifique n'a rien à voir avec l'image de calme accumulation de connaissance que le grand public s'en fait.

La pensée se déploie dans plusieurs facultés : l'intellect, la mémoire, la perception, ou encore l'imagination. Cette dernière faculté propre à l'homme, lui permet de se représenter mentalement le monde réel de manière à ce qu'il en intériorise les éléments, comme des connaissances et des souvenirs. Mais peut-on limiter l'imagination à cette seule fonction ? On place souvent l'imagination à la source de la création artistique ou de l'invention. L'imagination peut-elle alors être le moteur de la création au lieu de simplement la représenter ? Aussi on étudiera en premier temps si l'imagination peut se réduire à une simple fonction reproductrice, avant de voir si l'imagination peut être à l'origine de la création, et enfin en quoi elle est créatrice.

« Dans « L'imaginaire », Sartre affirme que nous appréhendons une oeuvre d'art dans le monde de l'irréel.

Quand j'écoute la VII ième deBeethoven , dit-il, celle-ci se donne comme « un perpétuel ailleurs, une perpétuelle absence.

Il ne faut pas se figurer qu'elle existe dans un autremonde, dans un ciel intelligible.

Elle n'est pas simplement –comme lesessences par exemple- hors du temps et de l'espace : elle est hors du réel,hors de l'existence.

Je ne l'entends point réellement, je l'écoute dansl'imaginaire ».

Autrement dit, pour Sartre , l'oeuvre d'art existe sur le mode de l'irréel, hors du sensible, hors du temps, non comme une essence intemporelle,mais comme une absence.

En fait, Sartre méconnaît que les images crééespar l'art ont une réalité qui, bien loin d'être un moindre réel ou un irréel, esttout simplement un surréel.

L'imagination est en effet plus que la faculté del'irréel.

Elle est aussi celle du surréel.

Elle est la faculté de « déformer des images », cad de rompre avec tout asservissement au réel antérieurement perçu mais elle est aussi et surtout, comme l'affirme Bachelard , « le pouvoir de former des images qui chantent la réalité ».

Imaginer pour l'homme, c'est donc entrer dans un monde nouveau et non pas se perdre dans l'irréel. La conscience est essentiellement pour les phénoménologues le pouvoir qu'à l'homme, non certes d'anéantir, mais de mettre à distance lemonde qui se donne à lui, de s'en déprendre, de le mettre en question en s'yopposant et en s'en distinguant par là même.

On dira que la conscience"néantise" le monde.

Cette capacité de "néantisation" définit la liberté ontologique, qui est le propre de la conscience de l'existant humain.

En ce sens, Sartre peut dire, après Heidegger , que "le néant reste la structure constitutive de l'existant" .

Ce "néant" est la source même de la capacité qu'a l'existant de se nier soi-même pour affirmer l' "en-soi" du monde, comme de "néantiser" le monde en se posant "pour soi" comme conscience et "ek-sistence" .

C'est cette néantisation constitutive de l' "existant" qui définit pour Sartre la structure transcendantale de la conscience comme liberté et comme "projet" , comme cette liberté essentielle qui donne son sens à tout acte libre particulier de l'existence concrète.

L' "imaginaire" est dans ce contexte l'une des structures les plus révélatrices de la constitution existentiale de la conscience humaine,car la "néantisation" y est flagrante.

« [...] toute création d'imaginaire serait totalement impossible à une conscience dont la nature serait précisément d'être « au-milieu-du-monde ».

Si nous supposons en effet une conscience placée au sein du mondecomme un existant parmi d'autres, nous devons la concevoir, par hypothèse, comme soumise sans recours à l'actiondes diverses réalités – sans qu'elle puisse par ailleurs dépasser le détail de ces réalités par une intuition quiembrasserait leur totalité.

Cette conscience ne pourrait donc contenir que des modifications réelles et touteimagination lui serait interdite, précisément dans la mesure où elle serait enlisée dans le réel.

Cette conception d'uneconscience embourbée dans le monde ne nous est pas inconnue car c'est précisément celle du déterminismepsychologique.

Nous pouvons affirmer sans crainte que, si la conscience est une succession de faits psychiquesdéterminés, il est totalement impossible qu'elle produise jamais autre chose que du réel.

Pour qu'une consciencepuisse imaginer il faut qu'elle échappe au monde par sa nature même, il faut qu'elle puisse tirer d'elle-même uneposition de recul par rapport au monde.

En un mot il faut qu'elle soit libre.

» Sartre , « L'imaginaire ». L'image est beaucoup plus qu'un simple signe, elle tend vers le symbole.

Or, le symbole a de multiples sens qui ne peuvent être saisis exhaustivement.

Il est riche, inépuisable et renvoie aux grands archétypes inconscientsde l'humanité, cad à ces images présentes en l'homme, en tout homme et qui sont à la sources de tous les mythes,du folklore, et qui véhiculent aussi le mystère.

En ce sens l'imagination est la création d'êtres qu'elle ne peut plusinventorier exhaustivement mais qui sont vrais dans la mesure où ils expriment les possibilités inépuisables que lemonde offre à la conscience qui l'interprète.

L'imagination est donc le pouvoir de se dépasser elle-même.

Comme l'abien vu, Bachelard , l'imagination est une faculté de surhumanité : « On doit définir un homme par l'ensemble des tendances qui le poussent à dépasser l'humaine condition...

L'imagination invente plus que des choses et desdrames, elle invente de la vie nouvelle, elle invente de l'esprit nouveau, elle ouvre des yeux qui ont des typesnouveaux de visions.

» L'imagination chante donc non seulement le monde mais aussi l'homme comme être du possible.. »

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