IMAGINATION ET METAPHYSIQUE ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
«
sensible, il semble bel et bien qu'imagination et métaphysique soient exclusives l'une de l'autre.
Quel est le rapport dès lors entre
imagination et sensation ? Aristote dans Le traité de l'âme au chapitre 3 en 427b14 définit l'imagination (phantasia) dans un
premier temps de façon négative.
« La phantasia, dit-il, est autre que la sensation et que la pensée discursive.
Mais, précise-t-il,
elle n'arrive pas sans sensation.
» L'imagination est distincte de la sensation ; mais sans sensation point d'imagination.
Pour
démontrer la différence entre imagination et sensation, Aristote utilise trois arguments.
1) La sensation est toujours présente, non la phantasia – que l'on peut comprendre en deux sens : la sensation se trouve
chez tous les animaux contrairement à l'imagination ; l'imagination peut produire des images sans qu'il y ait pour autant
sensations.
2) Si la sensation et la phantasia étaient la même faculté, tous les animaux devraient la posséder – ce qui n'est pas le cas.
3) La sensation est toujours vraie alors que l'imagination est souvent trompeuse.
Cette distinction ne l'empêche pas de définir l'imagination comme représentation imprécise, comme « sensation affaiblie » (Cf
Rhétorique I, 11, 1370a28).
Il n'y aurait donc entre imagination et sensation qu'une différence de degré ET non pas une
différence de nature.
C'est comme ça qu'il est possible de comprendre l'anecdote dont nous fait part ALAIN dans Le Système
des Beaux Arts , page 345 :
« Beaucoup ont comme ils disent dans leur mémoire l'image du Panthéon et la font aisément paraître à ce qu'il leur semble.
Je leur
demande de bien vouloir compter les colonnes qui portent le fronton ; or non seulement ils ne peuvent les compter mais ils ne
peuvent même pas l'essayer.
Or cette opération est la plus simple du monde, dès qu'ils ont le Panthéon réel devant les yeux.
Que
voient-ils donc, lorsqu'ils imaginent le Panthéon ? Voient-ils qqch ? »
Ainsi si l'imagination est sensation affaiblie, il semble dans cette perspective que la métaphysique et l'imagination entretiennent un
rapport d'exclusion : le sensible contre le supra-sensible.
La question néanmoins qui s'impose à nous est la suivante : l'imagination n'a-t-elle rien avoir avec la métaphysique en tant
que sensation affaiblie ou est-elle entrave, obstacle à la connaissance métaphysique ? Pourquoi obstacle ? Si l'imagination,
comme l'indique Aristote, a part avec le sensible, voire nous ancre dans le sensible, ne peut-on pas la considérer comme un
obstacle à la métaphysique dès lors qu'elle serait puissance qui nous détourne du supra-sensible, de l'intelligible ? Cette image du
détournement, on la retrouve essentiellement dans le mythe de la Caverne en République VII en 514a.
« Représente toi des hommes dans une sorte d'habitation souterraine en forme de caverne.
Cette habitation possède une entrée
disposée en longueur, remontant de bas en haut tout le long de la caverne vers la lumière.
Les hommes sont dans cette grotte
depuis l'enfance, les jambes et le cou ligotés de telle sorte qu'ils restent sur place et ne peuvent regarder que ce qui se trouve
devant eux, incapables de tourner la tête à cause de leurs liens.
» Ces liens contraignent les hommes à regarder les marionettes,
les contraignent à regarder non pas les objets fabriqués mais leurs ombres.
Les hommes donc ont leurs regards détournés par les
liens.
Si l'on considère l'imagination comme la capacité à se forger des perceptions affaiblies, il semble possible de pouvoir
réinterpréter ce mythe comme une critique de l'imagination.
L'ombre serait donc le fruit de l'imagination de l'homme.
L'imagination
serait dans une certaine mesure ce qui contraint l'homme à rester ancré, voire anglué dans le sensible.
L'imagination est
détournement du regard humain qui au lieu de regarder par delà les apparences du sensible, se cantonne aux images des images.
L'imagination serait anti-métaphysique en tant qu'elle détourne l'homme de ses aspirations originaires au supra-sensible.
A l'instar
de Platon, Malebranche dénonce le pouvoir de l'imagination comme témoignant, accusant l'inversion du rapport existant entre
l'âme et le corps à la suite du péché originel.
Notons que pour Malebranche comme pour Aristote, imagination et sens ne
diffèrent que du plus ou moins.
L'imagination passive qu'il distingue de l'imagination active du géomètre est la faculté d'imaginer,
autrement dit de penser par « les yeux du corps » ( Recherche de la Vérité – préface) L'imagination est la pensée du corps.
Ainsi
imaginer c'est renforcer le lien existant entre l'âme et le corps et par conséquent amoindrir, diminuer l'union de notre esprit avec
Dieu.
En ce sens l'imagination est corruptrice et entrave le rapport âme/Dieu.
Ainsi l'imagination serait enfermement de l'âme dans
le corps, et entrave à l'ouverture de l'âme à Dieu.
Cette ancrage dans le corps et le corporel opéré par l'imagination serait donc
obstacle à la connaissance métaphysique.
Cependant cette conception de l'imagination comme perception amoindrie, comme ancrée et ancrage dans le sensible,
comme reproduction de ce qui est déjà est loin de subsumer tout ce qu'implique l'imagination.
Peut-on limiter borner l'imagination.
»
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