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L'individu doit-il avoir peur de l'État ?

Publié le 01/01/2004

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individu
Lui-même n'est assujetti à aucune hiérarchie, pas même à celle qu'il aurait mise en place ». Le Système totalitaire, 3e partie. Il semble donc que l'individu est parfaitement fondé à craindre l'Etat, lorsqu'il s'incarne dans une forme aussi liberticide que celle de l'Etat totalitaire.   III.             Ce n'est pas l'Etat qui est à craindre pour l'individu, mais certaines formes particulière d'autorité politique   a.       Il n'y a pas un Etat, mais des formes distinctes d'autorité politique Cependant, nous devons faire une précision qui a jusqu'ici manqué à ce travail : il n'y a pas un Etat, mais différentes formes d'incarnation de l'autorité politique. Ainsi, il est aussi ridicule d'affirmer que l'individu doit avoir peur de l'Etat, sans précision aucune, que de dire que l'individu doit avoir peur de tous les hommes, sans distinction. Certes, il existe des formes d'Etat qui sont à craindre pour le pouvoir de contrainte et d'aliénation qu'elles font peser sur l'individu. On dira par exemple à raison que l'individu doit avoir peur de l'Etat despotique, ou de l'Etat totalitaire décrit par Hannah Arendt. Mais il existe d'autres formes d'Etat qui ne sont précisément pas à craindre pour l'individu, tel l'Etat démocratique dont nous parlerons dès à présent.

Par « individu « nous pouvons entendre, dans un sens dérivé du latin « individuum « (ce qui est indivisible) tout être organisé qui ne peut être divisé sans perdre ses caractères essentiels. Mais dans un sens plus vaste, le terme « individu « désigne l’être humain considéré isolément, par opposition à la société ou l’Etat.

La peur est une émotion, durable ou momentanée, causée par un danger réel ou imaginaire ; en un sens plus faible, elle est un état d’appréhension provoqué par un évènement futur que l’on redoute, ou par une éventualité désagréable.

Le terme « État « correspond à deux réalités distinctes. Il désigne une communauté juridique, un ensemble d’individus soumis à une même autorité politique. Et il représente cette autorité elle-même, sous la forme du gouvernement et de l’ensemble des structures par lesquelles il manifeste son autorité. En ce sens, aucune société ne semble pouvoir fonctionner sans un pouvoir d’Etat.

Si nous cherchons à déterminer si l’individu doit avoir peur de l’Etat, cela signifie que l’individu doit craindre de trouver dans l’Etat l’incarnation d’une autorité aliénante pour sa propre liberté, d’une puissance à ce point étendue qu’elle est pourvue d’un pouvoir d’ingérence et de contrôle dans sa propre vie. L’évidente opposition entre l’individu, être isolé à la puissance réduite, et l’Etat, autorité exerçant légitimement la violence sur les sujets, paraît autoriser la crainte du premier à l’égard du second. Néanmoins, certains théoriciens de l’Etat, tel que Hobbes, ont mis en évidence que l’Etat avait avant tout pour rôle de protéger l’individu contre ses semblables. L’individu n’aurait donc pas à avoir peur de l’Etat, mais plutôt à se montrer reconnaissant envers lui comme envers le garant de sa sécurité. De plus, si l’Etat est l’incarnation de l’autorité politique, la forme de l’Etat est pour le moins variable : on parle d’Etat démocratique comme d’Etat totalitaire. La peur de l’individu face à l’Etat ne devrait donc pas irrationnellement s’opposer à toute forme d’Etat, mais distinguer entre les différentes formes de ce dernier.

La question au centre de notre travail sera donc de déterminer si l’individu doit craindre sans distinction toutes les formes de l’Etat, ou distinguer entre elles pour n’avoir peur que de celles qui menacent effectivement sa liberté et son intégrité physique et morale.

individu

« I.

L'individu n'a pas à avoir peur de l'État, qui le protège contre ses semblables, intrinsèquement mauvais a.

L'individu avant l'Etat vit dans la peur perpétuelle de ses semblables Nous commencerons par affirmer que l'individu ne doit pas avoir peur de l'Etat, pour la bonne raison qu'il est mieuxfondé à avoir peur de ses semblables.

C'est pourquoi nous commencerons par défendre la thèse de la méchanceténaturelle de l'homme, avant de montrer que l'Etat est précisément le garant de la sécurité de l'individu.

En effet, sinous observons un jeune enfant, nous verrons que seule la loi de ses propres désirs a de l'autorité sur lui, qu'iléprouve un désir illimité pour tout ce qui lui manque et cherche à l'obtenir avec les faibles moyens dont il dispose.Baudelaire le montre bien dans le Spleen de Paris , où la lutte fratricide et ignoble de deux enfants pour de la nourriture et la démonstration sans appel de la méchanceté naturelle de l'homme, et l'efficace réfutation des thèsesde Rousseau sur la bonté naturelle dans l'état de nature (cf.

« Le gâteau », 15 e poème du Spleen de Paris ).

Il y a donc une méchanceté originelle de l'homme qui vient de son égoïsme intrinsèque, de sa volonté de persévérer dansl'être et de rechercher les moyens de se satisfaire.

Ce n'est qu'en grandissant que la voix de l'égoïsme naturel estassourdie dans l'individu par l'éducation, la réprobation sociale, puisque la société a intérêt pour sa propreperpétuation que l'individu ne se préfère pas toujours à elle.

Hobbes dans le Léviathan défend cette thèse en montrant que « l'homme est un loup pour l'homme ».

Dans l'état de nature, c'est le règne de la méchanceté qui s'exprime, comme jouissance absolue de la souffrance d'autrui au titre du plaisir que cette souffrance peut procurer,ou comme expression d'une volonté non normée dans la recherche de son intérêt privé.

Comme le dit Hobbes dans leLéviathan (XIII): « Nous pouvons trouver dans la nature humaine trois causes principales de querelles : premièrement la rivalité ; deuxièmement, la méfiance ; troisièmement, la fierté ». b.

L'État délivre l'individu de la peur A partir de cette thèse affirmant la cruauté naturelle de l'homme, ou, du moins, son égoïsme foncier qui le pousse àtoujours se préférer aux autres, nous pouvons postuler, notamment avec Thomas Hobbes, que cette l'Etat estindispensable aux individus, et par conséquent, que ces derniers n'ont nullement à avoir peur de lui.

Partant de cepostulat de la méchanceté naturelle de l'homme, nous dirons que l'instauration de l'Etat est absolumentindispensable aux individus, puisque chacun remet à l'Etat sa puissance de nuire aux autres (Weber dira aprèsHobbes que « l'Etat a le monopole de la violence légitime ») et obtient de ce fait sa protection efficace contre le pouvoir néfaste d'autrui.

Comme l'écrit Hobbes dans le Léviathan (chapitre XVII, livre I) : « La seule façon d'ériger un tel pouvoir commun, apte à défendre les gens de l'attaque des étrangers, etdes torts qu'ils pourraient se faire les uns aux autres, et ainsi à les protéger de telle sorte que par leurindustrie et par les productions de la terre, ils puissent se nourrir et vivre satisfaits, c'est de confier toutleur pouvoir et toute leur force à un seul homme, ou une seule assemblée, qui puisse réduire toutes leursvolontés, par la règle de la majorité, en une seule volonté ». Les individus ne sont donc pas fondés à avoir peur de l'Etat, puisque ce dernier les protège contre la violence deleurs congénères, naturellement mauvais, lorsqu'ils sont dans l'état de nature. II.

L'État représente une menace pour la liberté et l'intégrité de l'individu a.

Toutes les formes d'Etat sont à craindre : la thèse anarchiste Cependant, nous pouvons voir que l'Etat qui apparaît comme le protecteur des individus dans le cadre de la penséede Hobbes, peut faire l'objet de vives critiques de la part des anarchistes.

Pour Proudhon ou Bakounine, parexemple, l'Etat incarne le mal radical alors que l'individu incarne la valeur suprême.

En effet, pour l'anarchisme, touteforme d'obéissance incarne une abdication, une destruction de la liberté individuelle.

L'Etat, c'est donc la négation. »

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