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Toutes les inégalités sont-elles des injustices?

Publié le 22/01/2005

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Il ne faut pas enseigner la philosophie aux enfants pour qu'ils oublient celle-ci une fois arrivés à l'âge adulte mais, tout au contraire : «  donner aux adolescents et aux enfants une éducation et une culture appropriées à leur jeunesse, prendre grand soin de leur corps à l'époque où il croit et se forme, afin de le préparer à servir la philosophie ; puis quand l'âge vient où l'âme entre dans sa maturité, renforcer les exercices qui lui sont propres ; et lorsque les forces déclinent, et que le temps est passé des travaux politiques et militaires, libérer dans le champ sacré, exempts de toute occupation importante, ceux qui veulent mener ici-bas une vie heureuse et, après leur mort, couronner dans l'autre monde la vie qu'ils auront vécue d'une destinée digne d'elle. « Que les philosophes soient rois et guident ainsi la multitude : est-ce là un simple rêve ? Socrate admet que la réalisation en est difficile mais il nie qu'elle soit impossible. A cette condition seule, les hommes pourront connaître la véritable félicité : « Une cité ne sera heureuse qu'autant que le plan en aura été tracé par des artistes utilisant un modèle divin. « Et ces artistes, Socrate décrit ainsi ce que sera leur tâche : « Parachevant cette esquisse, ils porteront fréquemment leurs regards, d'un côté sur l'essence de la justice, de la beauté, de la tempérance et des vertus de ce genre, et de l'autre côté sur la copie humaine qu'ils en font ; et par la combinaison et le mélange d'institutions appropriées, ils s'efforceront d'atteindre à la ressemblance de l'humanité véritable, en s'inspirant de ce modèle qu'Homère, lorsqu'il le rencontre parmi les hommes, appelle divin et semblable aux dieux. «                   Exprimée par Platon, la conviction que les philosophes doivent être rois ou les rois philosophes s'imposa dans l'histoire de la pensée politique. Comme toutes les idées fortes et simples, elle devint même un lieu commun ainsi qu'en témoigne, parmi des centaines d'autres exemples, le chapitre XLIII du « Gargantua « de Rabelais. Séduit par la générosité et la grandeur de Grandgousier, le peuple manifeste son admiration pour un roi si savant et si juste. Gargantua cite alors Platon : « C'est ce que dist Platon : que lors les republicques seroient heureuses quand les roys philosopheroient ou les philosphes regneroient. « La « République «, cependant, ne se limite pas à cette seule théorie du philosophe-roi.

« " [...] il est aisé de voir qu'entre les différences qui distinguent les hommes,plusieurs passent pour naturelles qui sont uniquement l'ouvrage de l'habitudeet des divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société.Ainsi un tempérament robuste ou délicat, la force ou la faiblesse qui endépend, viennent souvent plus de la manière dure ou efféminée dont on a étéélevé, que de la constitution primitive des corps.

Il en est de même desforces de l'esprit, et non seulement l'éducation met de la différence entre lesesprits cultivés et ceux qui ne le sont pas, mais elle augmente celle qui setrouve entre les premiers à proportion de la culture ; car qu'un géant et unnain marchent sur la même route, chaque pas qu'ils feront l'un et l'autredonnera un nouvel avantage au géant.

Or, si l'on compare la diversitéprodigieuse d'éducations et de genres de vie qui règnent dans les différentsordres de l'état civil avec la simplicité et l'uniformité de la vie animale etsauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la mêmemanière et font exactement les mêmes choses, on comprendra combien ladifférence d'homme à homme doit être moindre dans l'état de nature que danscelui de société, et combien l'inégalité naturelle doit augmenter dans l'espècehumaine par l'inégalité d'institution.

"Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes(1754) Ce a quoi le texte s'oppose Rousseau conteste, dans cet extrait du Discours sur l'origine de l'inégalité, le préjugé selon lequel la nature estinégalitaire et instaure des différences de constitution entre les hommes, aussi bien sur le plan physiquequ'intellectuel.L'opinion commune affirme, en effet, que la nature a fait les uns plus robustes, les autres plus fragiles, les uns moinsintelligents, les autres plus rusés, etc.

Les sophistes grecs de l'Antiquité s'appuyaient d'ailleurs sur ces différencesnaturelles pour poser que seuls les plus forts doivent commander aux plus faibles.

Ainsi, pour eux, l'inégalité desdroits civils devait trouver sa justification dans l'inégalité que la nature avait instituée entre les hommes.

Dans ledialogue qu'il a intitulé Gorgias, Platon nous présente même le sophiste Calliclès soutenant, face à Socrate, la thèsesuivante : la véritable justiceest celle qui respecte les inégalités naturelles ; il est donc juste que les plus forts dominent les plus faibles etdeviennent les chefs dans une cité puisqu'ils sont, par nature, les plus forts.Rousseau s'oppose totalement à cette idée et inverse la perspective précédente : l'inégalité civile ne peut être,selon lui, légitimée par une prétendue inégalité naturelle puisque, dans l'état de nature, « l'uniformité de la vieanimale et sauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la même façon et font exactement lesmêmes choses », rend minimes les différences d'homme à homme.L'auteur déduit de cette constatation la loi selon laquelle l'inégalité naturelle augmente, dans l'espèce humaine, enproportion de l'inégalité d'institution, c'est-à-dire à mesure que les différences culturelles augmentent entre leshommes.

Ce que défend ce texte: Ce n'est donc pas la nature qui produit de l'inégalité, mais bien la culture.

En civilisant les hommes, la société créede l'inégalité et, souvent, des différences qui passent pour naturelles « sont uniquement l'ouvrage de l'habitude etdes divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société ».Par cette affirmation, Rousseau accorde à l'éducation toute son importance, en montrant qu'elle n'influence pasuniquement l'épanouissement des esprits, mais aussi des corps.

Un corps robuste ou délicat l'est moins en raison desa constitution naturelle, donnée une fois pour toutes, qu'en fonction de la manière, dure ou délicate, selon laquelleil a été élevé.L'argumentation de Rousseau s'appuie ici sur le caractère le plus manifeste de la culture, à savoir l'extrême variétéde ses manifestations, des comportements et des manières de vivre que les différentes sociétés humaines nousdonnent à voir.Les inégalités qui en découlent se renforcent toujours davantage, au cours de l'existence, comme l'illustre l'image dugéant qui, à chaque pas, augmente l'écart qui le sépare du nain.

Cette image sert à nous faire comprendre quel'inégalité culturelle, qui prend sa source dans les différences d'éducation, non seulement ne peut jamais êtrecomblée, mais s'accroît même au fur et à mesure que les existences individuelles se déroulent.En inversant ainsi la perspective traditionnelle, à propos de l'origine de l'inégalité, ce texte engage par là même uneréflexion d'ordre politique.

Si les inégalités naturelles, certes inévitables, sont minimes, celles qu'institue une sociétépeuvent être supprimées, et avec elles les injustices qu'elles entraînent.Nul pouvoir et nul privilège social ne peuvent donc s'appuyer sur une soi-disant supériorité naturelle pour justifierleur exercice, et ils peuvent être contestés pour le motif qu'ils reposent en réalité sur l'arbitraire de la culture.

Il faut reconnaître la supériorité des meilleursPlaton, dans La République, pense que le pouvoir doit appartenir aux meilleurs, à ceux qui disposent des plusgrandes vertus intellectuelles et morales, c'est-à-dire aux philosophes.. »

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