Devoir de Philosophie

Infidélités de la mémoire

Publié le 15/01/2004

Extrait du document

Le souvenir a subi une reconstruction dans le sens d'une rationalisation des formes : il se montre simplifié et appauvri.* En même temps qu'il se trouve appauvri, le souvenir apparaît d'une autre manière enrichi, et comme transfiguré par les événements qui lui succèdent et qui ne manqueront pas de se projeter sur lui, à l'occasion des évocations futures. Rousseau, rédigeant ses Confessions, évoque avec plaisir ses voyages à pied, ses nuits à la belle étoile, les aventures picaresques de sa jeunesse besogneuse. S'il était resté toute sa vie un vagabond, ce passé lui apparaîtrait moins poétique ! Les réussites de sa maturité contribuent donc à embellir et à poétiser l'évocation de ses débuts difficiles.B. Le refoulement comme moyen de défenseL'infidélité de la mémoire n'est cependant pas un phénomène purement négatif, une simple lacune dans l'évocation. Elle révèle la présence des préoccupations et des valeurs de la personne qui se souvient. Freud a bien montré que l'oubli n'est pas simplement le négatif de la mémoire, mais qu'il est le révélateur de la personne. J'expulse involontairement et inconsciemment de ma conscience claire tout ce qui, dans mon passé, m'est insupportable, ce qui est trop pénible ou contraire aux exigences de ma conscience morale. Ce qui est oublié n'est pas anéanti, mais « refoulé » dans l'inconscient.

« Introduction : Comme le dit Gusdorf dans Mémoire et personne : « Le propre de la mémoire est d'apporter dans notre expérience le sens du passé.

La notion de décalage temporel paraît ici essentielle.

L'actualité de notre expériencetemporelle se situe dans le présent.

Mais dès que s'est amorti ce caractère d'actualité, le présent devient un passé[…] ce qui était notre perception […] se transforme, par le fait d'une sorte de déchéance, en un souvenir détachéde nous.

» Ainsi, à tout moment de mon existence, le présent perd son caractère d'actualité et s'évanouit.

Lamémoire porte le sens du passé : elle est fonction du passé.

C'est pourquoi la question de la fidélité de la mémoirenous importe.

Elle nous importe parce qu'elle donne sens au présent, mais aussi plus trivialement, nous utilisonsnotre mémoire dans un ensemble d'opération qui nous sont utiles : en histoire ou en justice avec le témoignage etc.L'enjeu est donc de savoir si nous pouvons avoir confiance en notre mémoire.

On la définit souvent commereproductrice d'un fait passé : une quasi copie.

Dans ce cas, la mémoire est fidèle.

Pourtant, l'imagination ou mêmele désir peuvent se mêler à nos souvenirs et la mémoire dans ce cas n'est plus fidèle ; or à quoi servirait unemémoire qui ne serait pas fidèle ? Et c'est bien à de telles questions, donc à une interrogation sur le sens et lavaleur de la mémoire que nous invite ce sujet. Ainsi si l'on définit généralement la mémoire comme ayant pour but de présenter à nouveau un fait passé, alors c'est le critère de la fidélité qui devrait la déterminer (1 ère partie), or force est de constater que cette fidélité n'est jamais pleine est entière (2 nd question) dès lors il s'agit de repenser la mémoire, donc sa fonction et son rôle dans le processus cognitif et sa valeur gnoséologique (3 ème partie). I - La mémoire reproduit le passé : une nécessaire fidélité a) Le problème de la fidélité est en effet un des axes majeurs de la discussion en philosophie sur le rôle et le pouvoirde la mémoire.

Ainsi, comme on peut le voir avec Hume dans Le Traité de la nature humaine , livre I, section 3 la mémoire se définit comme « la faculté par laquelle nous répétons les impressions premières.

Pour Hume, lesimpressions premières sont toutes les perceptions humaines qui entrent en nous avec force et vivacité, c'est-à-diredonnées par l'expérience.

Il s'agit de toutes nos sensations, passions et émotions telles qu'elles se présentent.

Lesimpressions se distinguent des idées qui sont affaiblis par le raisonnement.

La mémoire a donc pour but de reproduireses impressions premières une fois qu'elles se sont produites, c'est-à-dire de réactiver dans le présent desimpressions passées.b) Pour comprendre la fidélité de la mémoire, il faut faire la distinction entre la mémoire et l'imagination qui elle aussipeut répéter des impressions premières.

Pour Hume , dans Le Traité de la nature humaine la différence entre les deux se situe dans la vivacité des idées de la mémoire ainsi que dans leur force.

Et c'est bien ce qu'il note puisqu'ilécrit : « Lorsque nous nous rappelons un événement passé, l'idée en imprègne l'esprit d'une manière irrésistible,tandis que dans l'imagination, la perception est faible […] l'imagination n'est donc pas tenue des respecteridentiquement l'ordre et la forme des impressions originelles, tandis que sur ce point, la mémoire est, d'une certainemanière, assujettie, sans aucun pouvoir de modification.

» En ce sens, s'il y a une infidélité, c'est de l'imaginationqu'il s'agit et non de la mémoire.

Cette dernière est fidèle. c) Cependant, comme Hume le remarque dans Le Traité de la nature humaine , au livre I, section 3, comme il le développera ensuite dans la partie III, section V, la mémoire bien que devant être fidèle peut avoir desimperfections ce qui provient d'un défaut de cette faculté.

Et en ce sens,« l'activité principale de la mémoire n'est pas de conserver les idées simples,mais leur ordre et leur position », comme c'est le cas dans le travail del'historien.

Ainsi, une idée de la mémoire, à force de temps et dedégénérescence, peut passer pour une idée de l'imagination.

Et c'est en cesens que la mémoire est toujours de l'ordre de la croyance ou del'assentiment.

Transition : Ainsi, la mémoire doit être fidèle, c'est là l'un de ses attributs bien que letemps puisse jouer un rôle de sape et rendre le souvenir moins clair.Cependant, ce n'est pas là son rôle principale puisqu'elle doit conserver laforme et l'ordre des impressions premières afin de les dépeindre à nouveaudans l'esprit, c'est-à-dire dans le présent.

La mémoire est donc fidèle bienque cela ne soit pas son but principale, ce que l'on doit nuancer par le faitque la mémoire peut faiblir ; mais relativement à la distinction entre mémoireet imagination, la mémoire est quasiment fidèle.

Mais dire qu'elle est quasifidèle n'est-ce pas essayer de sauver le rôle de la mémoire ? Ne peut-on pasaller plus loin, être plus radical, dans le propos ? II – L'impossibilité de la fidélité a) La fidélité de la mémoire ou sa quasi fidélité ne va pas de soi et cela notamment parce que l'on minimise tropsouvent le rôle de l'imagination dans la mémoire.

Et c'est bien le problème que pose Alain dans son Système des beaux-arts : « Beaucoup ont, comme ils disent, dans leur mémoire l'image du Panthéon et la font aisément paraître,. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles