intention et intentionnalité - philosophie.

intention et intentionnalité - philosophie. 1 PRÉSENTATION intention et intentionnalité, termes forgés à partir du latin intentio, que l'on trouve dans les textes de certains auteurs scolastiques médiévaux comme saint Thomas : les scolastiques distinguent en effet l'objet intentionnel, c'est-à-dire l'objet en tant qu'il est pensé ou représenté, et l'objet réel, c'est-à-dire l'objet en tant qu'il existe dans la nature physique. 2 OBJETS INTENTIONNELS Des objets intentionnels, on dit donc qu'ils sont purement mentaux ou qu'ils existent seulement dans l'âme : la question, pendant tout le Moyen Âge, sera de savoir si ces objets intentionnels, comme par exemple les universaux (voir nominalisme) purement logiques, ont une certaine forme de réalité, une certaine existence objective, ou s'ils se confondent avec une propriété de l'âme. Il appartiendra à Franz Brentano de reprendre au XIXe siècle cette distinction entre les objets intentionnels (ou inexistants, car ils existent dans la conscience) et les objets réels, dans sa Psychologie d'un point de vue empirique, en définissant les contenus de conscience comme intentionnels : Brentano affirme en effet que les phénomènes psychiques, par opposition aux phénomènes physiques, sont caractérisés « par ce que les scolastiques du Moyen Âge ont appelé l'existence intentionnelle (ou encore mentale) d'un objet, autrement dit par la relation à un contenu, l'orientation vers un objet « (cité par Husserl, Recherches logiques, II). Ce qui distingue un contenu de conscience, c'est donc qu'il est intentionnel, c'est-à-dire qu'il tend vers (in-tendere) autre chose que lui-même, alors que l'objet physique reste en soi et ne représente que soi. 3 CONTENUS DE CONSCIENCE ET INTENTIONNALITÉ L'intentionnalité constitue dans cette perspective, selon ce lecteur de Brentano qu'est Husserl, la propriété fondamentale de la conscience : ce qui signifie que toute conscience est conscience de quelque chose ( Idées directrices pour une phénoménologie, I, § 36). Par là, Husserl s'oppose à une certaine psychologie, selon laquelle il existerait des phénomènes psychiques sans corrélat objectif, par exemple des sentiments de douleur qui ne référeraient à aucun contenu précis mais n'exprimeraient que l'état d'esprit du sujet : dire que les vécus de conscience sont intentionnels, c'est affirmer au contraire qu'il y a toujours quelque chose dont je m'attriste et qui provoque en moi cette douleur, que cet objet soit réel ou imaginaire. Ce faisant, Husserl prend position dans la querelle de l'objectivité ou de la subjectivité des représentations mentales : si celles-ci sont intentionnelles, c'est qu'elles visent un objet en dehors d'elles-mêmes, que Husserl appelle le noème, bref qu'elles ne sont pas purement subjectives mais qu'elles manifestent une forme de « transcendance dans l'immanence « (Idées, I, § 88). Le recours à la notion d'intention ou d'intentionnalité n'est cependant pas propre à la philosophie phénoménologique de Husserl : on utilise également ces concepts en psychologie ou en éthologie, lorsqu'on se demande, par exemple, si les comportements des primates sont, comme ceux de l'Homme, intentionnels, et s'ils le sont au même titre. On y a même de plus en plus recours dans la philosophie analytique anglo-saxonne. Pour Dennett, par exemple, dire d'un acte qu'il est intentionnel, c'est dire qu'il est interprétable en termes de croyances ou de désirs : cette intention n'est pas nécessairement liée à l'existence de « contenus de conscience « conférant à l'acte son sens, comme le croyait Husserl, mais elle doit être postulée par l'interprète pour rendre raison d'un comportement. L'intentionnalité renvoie alors à la rationalité car « supposer qu'une chose est un système intentionnel, c'est supposer qu'elle est rationnelle «, et qu'on pourra prédire ses réactions si l'on postule qu'elle agit en fonction de tel désir ou de telle croyance (Intentional systems, Journal of Philosophy, 8, 1971). 4 INTENTION ET ACTE MORAL La notion d'intention acquiert un sens plus restreint en philosophie morale, et désigne la représentation que le sujet se fait du but de son action : cette représentation peut alors constituer un mobile, c'est-à-dire une détermination rationnelle de l'action. C'est à partir de l'intention que se fonde l'imputation morale : un acte moral n'est en effet pas, pour la philosophie pratique de Kant, celui qui atteint son but, ce qui constitue seulement un critère d'efficacité (et ne met en jeu que des impératifs de l'habileté), mais il est celui qui dérive d'intentions bonnes, autrement dit d'intentions conformes aux exigences de la raison pratique et de ses impératifs catégoriques. La « bonne volonté « dont parle la première section des Fondements de la métaphysique des moeurs, c'est ainsi celle qui agit, non pour satisfaire des inclinations sensibles, mais par pureté d'intention : c'est sur cette intention que doit porter le jugement moral, à l'inverse de ce qui se passe dans le droit, où l'on ne tient pas compte des mobiles internes, et où l'on peut donc condamner quelqu'un même s'il a commis un délit sans intention expresse (Introduction à la Doctrine du droit, § E). Une telle morale de l'intention sera sévèrement critiquée par Hegel (dans la Phénoménologie de l'Esprit, VI, § C) : celui-ci montrera que le souci de préserver ses nobles intentions n'aboutit qu'à la peur, éprouvée par la « belle âme «, de « souiller la splendeur de son intérieur par l'action et l'existence «. La morale de l'intention devrait, en ce sens, être remplacée par une morale de l'effectivité, étant donné que ce qui est rationnel, c'est ce qui est réel. Il semble pourtant difficile de ne pas articuler évaluation morale et intention : même dans le droit, un homicide volontaire -- commis avec intention de donner la mort -- n'est pas équivalent à un homicide involontaire. Condamner un acte du simple point de vue de ses conséquences, sans supposer des intentions, reste en ce sens problématique. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.