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L'interprétation comme recherche du sens ?

Publié le 12/02/2004

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L'homme contre le monde », l'homme principe « négateur du monde », l'homme comme étalon des choses, comme juge de l'univers qui finit par mettre l'existence elle-même sur sa balance pour la trouver trop légère - tout cela est d'un mauvais goût monstrueux et écoeurant, - quoi de plus risible que de placer « l'homme et le monde » l'un à coté de l'autre, quelle sublime présomption que ce petit mot « et » qui les sépare ! Mais quoi ? En rire, n'est-ce pas faire un pas de plus dans le mépris des hommes ? Et, par conséquent aussi, un pas de plus dans le pessimisme, dans le mépris de l'existence, telle que nous la percevons ? N'est-ce pas tomber dans le soupçon qu'occasionne ce contraste, le contraste entre ce monde où, jusqu'à présent, nos vénérations avaient trouvé un refuge - ces vénérations à cause desquelles nous supportions peut-être de vivre - et un monde qui n'est autre que nous-mêmes : un soupçon implacable, foncier et radical à l'égard de nous-mêmes, qui s'empare toujours davantage de nous autres Européens, nous tient toujours plus dangereusement en sa puissance et pourrait facilement placer les générations futures devant cette terrible alternative : « Supprimez vos vénérations, ou bien - supprimez-vous vous-mêmes ! » Le dernier cas aboutirait au nihilisme ; mais le premier cas n'aboutirait-il pas aussi au nihilisme ? - C'est là notre point d'interrogation !" NIETZSCHEDisciple de Schopenhauer, Nietzsche se demande ce qu'il en est de l'homme, quand « Dieu est mort », c'est-à-dire quand disparaissent les références à un absolu, qu'il s'agisse de Dieu ou d'une croyance de substitution : vérité scientifique ou sens de l'histoire. C'est dans ce texte qu'il introduit pour la première fois la notion de nihilisme.Nietzsche vient, de façon ironique, de définir l'homme comme « l'animal qui vénère », c'est-à-dire qui a besoin pour vivre, pour supporter sa propre limitation, sa médiocrité, de croire en un absolu. C'est « l'instinct de faiblesse » des êtres humains qui fait la force de leurs croyances. Nietzsche parlera plus loin de « cet impétueux désir de certitude qui se décharge aujourd'hui encore sous des allures scientifiques ou positivistes dans les grandes masses » (Le Gai Savoir, § 347).Or, prendre conscience de ce besoin mensonger de croire, c'est savoir que le monde est sans Dieu, sans raison, sans fin morale, donc « inhumain ».

« Le sens n'est jamais donnéUne des façons d'accéder — plutôt que de répondre —à la question du sens consiste à porter son attention surl'acte d'interprétation.

Or celui-ci n'est jamais plus fortement exigé que lorsque le sens n'est plus évident et semble,justement, absent.

L'énigme du destin humain adressée à Oedipe par le Sphinx a valeur plus qu'exemplaire.

Ce quimarche à quatre pattes le matin, sur deux pattes le midi et sur trois le soir n'est un homme («sens» de l'énigme) quepour un sujet qui accepte une dimension essentielle de sa condition: l'accès au sens ne se fait que par la médiationde symboles qui, d'un même mouvement, révèlent et dissimulent le sens.

Plus exactement, et au-delà même detoute énigme, dans la communication la plus prosaïque, le sens n'est jamais donné, mais à conquérir. L'interprétation, art du soupçonDans cette mesure, on peut dire que nous sommes confrontés à l'art d'interpréter chaque fois que, nous détournantde la connaissance de la nature par les causes — connaissance qui est loin d'être toujours accessible, praticable,utile ou réconfortante —, nous cherchons à déchiffrer le sens dans les systèmes de signes que les activitéshumaines produisent : discours, textes et rituels des religions, objets inutiles de l'art, langues diverses, techniquesinnombrables dont nous nous servons sans connaître les principes de leur fonctionnement, coutumes...

L'artd'interpréter (herméneutique) est, comme Nietzsche l'a fortement fait valoir, un «art du soupçon» qui repose sur unprésupposé massif : il n'y a interprétation que si le „sens est par nature dédoublé en sens manifeste ou «littéral»,d'une part, et sens caché ou «métaphorique», de l'autre. Un vertige sans finL'interprétation serait donc toujours un discours second de déchiffrement des mots sous les mots.

Le «vrai» sensserait donc toujours celui qu'un commentaire explicite s'efforcerait de déplier dans de nouveaux signes.

Maiscomment concevoir alors que le sens puisse être «présent» dans le discours manifeste sans être perceptible dansson intégralité ? Comment concevoir une limite à l'interprétation, des garanties de vérité de l'interprétation seconde,si l'explicitation dans le discours second est explicitation d'un sens qui attend de s'y révéler indéfiniment? Mieux, ya-t-il jamais autre chose que de l'interprétation, comme le voulait Nietzsche, puisque nous nous exprimons toujoursau moins à travers une langue particulière, un système de signes quelconque, qui donne forme — une forme — à ceque nous disons? L'interprétation met en face d'un vertige du sens.

Ce vertige serait-il le sens même ? Celui que lalogique s'efforcerait d'assigner à résidence en le réduisant à la «vérité», celui que la tradition religieuse ouvreindéfiniment sur le commentaire? Celui dont la philologie fait un devenir infini puisque toute interprétation doit êtreelle-même interprétée ? Le désir lui-mêmeIl s'agit surtout là d'un problème crucial lié aujourd'hui au développement des sciences humaines : une science quine rendrait compte des actions humaines que comme « comportements » (béhaviorisme) ' rendrait-elle comptecomplètement de son objet, puisque l'une des dimensions des comportements humains est précisément d'avoir unsens aux yeux des acteurs eux-mêmes ? Comment définir dans ces conditions une « objectivité » ? La psychanalysedonne l'exemple d'une pratique qui se donne pour tâche de faire émerger un sens dans une relation d'interprétation(celle du psychanalyste) à interprétation (interprétation de la première par le « patient »), soulignant par là le faitque le désir de sens est le désir même et qu'il est étroitement lié à l'existence de «l'autre ».. »

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