L'interprétation comme recherche de la vérité ?
Publié le 12/02/2004
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Dans la célèbre allégorie de la caverne (République, VII), Platon présentedans un schéma simplifié le statut de l'homme dans le monde : la duperie dunigaud qui prend des vessies pour des lanternes.
Il faut imaginer une caverneprofonde dans laquelle les hommes sont enchaînés face à la paroi du fond.
Nepouvant tourner la tête, la réalité est pour eux ce mur sur lequel se déploientdes jeux d'ombres.
A l'entrée de la caverne brûle un feu qui dispense unelumière suffisante pour découper sur ce mur les silhouettes des figurines quemanipulent des montreurs de marionnettes, interposés entre le feu et lacloison.
Lorsqu'ils parlent, l'écho produit donne l'illusion aux captifs que cesont les ombres projetées qui prononcent ces paroles.
L'illusion est parfaite etpeut ainsi durer toute une vie.
Mais si on en débarrasse un de ses chaînes -et c'est la mission du philosophe que de délivrer l'homme de l'erreur pour leconduire à la vérité -, qu'on le force à tourner la tête pour découvrir lestratagème, il sera frappé d'étourdissement.
Par la force de l'habitude, lesombres de la paroi lui paraîtront plus réelles que cette nouvelle vision desfigurines manipulées devant le feu.
Il lui faudra un certain temps pours'accoutumer à l'éblouissement du feu et convenir qu'il ne voyait que l'ombreprojetée des silhouettes qu'il voit désormais en réalité.
Si maintenant onconduit cet affranchi hors de la caverne, l'éblouissement sera encore plusgrand, et il faudra encore plus de temps pour voir les vrais hommes et lesvrais objets, dont les figurines n'étaient que les imitations.
Plus grande encoresera la volonté de retourner dans le confort ténébreux de sa caverne.
Al'extérieur, il ne pourra d'abord observer que les ombres naturelles tant l'éclat est grand, puis les reflets des chosesdans l'eau, puis les choses et les êtres en eux-mêmes.
C'est à la faveur de la nuit qu'il pourra lever la tête aux cieuxpour contempler les astres, et après une longue et patiente éducation regarder ce dont quoi toute réalité procède,ce qui donne l'être et la vie, la lumière solaire.Le peu de réalité auquel il avait accès dans la caverne procédait donc de cela : cette réalité unique et lumineuse,cause universelle de toute consistance et de toute réalité.Ce sera alors son tour de descendre dans la caverne pour en avertir ses camarades.
Sous l'éblouissement du soleil, ilest plongé de nouveau dans les ténèbres, il passera pour un maladroit, un égaré ou un fou, tant il est vrai que nouspréférons nos chimères et nos faux-semblants à l'effort pénible d'ouvrir les yeux et de nous retourner pour gravir lapente qui nous achemine vers la vérité à laquelle nous ne sommes pas préparés.Cette allégorie illustre parfaitement la métaphysique platonicienne.
Nous sommes plongés, par nos habitudes quisont celles du commun des mortels, dans un monde de l'apparence et du faux-semblant.
Ce monde n'est pasentièrement faux (il suffirait alors d'en prendre le contre-pied pour accéder à la vérité), mais illusoire.
L'illusion n'estdonc pas une erreur, mais une imitation lointaine du vrai.
Il existe un arrière-monde véridique et consistant donttoutes nos illusions tirent leur semblant d'être.
Ce monde est celui des Idées, immuables et universelles dont toutesles choses existantes sont des imitations grossières et approximatives.
Pour saisir la vérité, il faut se détourner dusensible et penser.
Ce monde vrai tire son être propre d'une seule et unique réalité qui est le Bien (le soleil, raisonpour laquelle on présente la vérité comme une lumière qui dissipe les ténèbres.)
3.
Le dangereux plaisir des signesLe goût du déchiffrement peut néanmoins prendre des formes différentes selon son usage et son objet : appliqué àla poésie, il est inoffensif, et même bénéfique.
Il apparaît alors comme source de plaisir esthétique.
Susciter etentretenir le plaisir infini de l'interprétation : l'hermétisme et l'ésotérisme n'ont pas d'autre fonction.
Cependant, lebesoin d'interpréter peut, sous l'effet de la passion, prendre la forme d'une quête soupçonneuse : sesinterprétations délirantes font souffrir le jaloux.
Celui qui recherche le vrai doit donc se libérer de la dépendance dessignes et comprendre, comme l'écrit Spinoza, que le vrai se reconnaît à sa seule présence.
La vérité est ainsi le seulremède contre l'inquiétude..
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