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L'intuition de Bergson

Publié le 18/03/2011

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bergson

Bergson, dans une lettre au philosophe danois Harald Höffding, — qui venait de consacrer un ouvrage à exposer la philosophie du grand penseur français, — écrivait que l'intuition de la durée est le centre de sa doctrine, mais il ajoutait qu'il convient d'étudier la durée avant de définir l'intuition : « La théorie de l'intuition, sur laquelle vous insistez beaucoup plus que sur celle de la durée, ne s'est dégagée à mes yeux qu'assez longtemps après celle-ci : elle en dérive et ne peut se comprendre sans elle. «    Observation importante, trop souvent négligée par les commentateurs de la philosophie bergsonienne. Il convient de bien pénétrer l'objet essentiel de cette philosophie, — la durée — pour en comprendre ensuite la méthode, — l'intuition.   

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« la marque.

Il est fait pour désigner des choses ; et quand il s'applique à des données immatérielles, il les transformeen choses.

«Le langage exige que nous établissions entre nos idées les mêmes distinctions nettes et précises, lamême discontinuité qu'entre les objets matériels.» — «Le mot, aux contours bien arrêtés, le mot brutal quiemmagasine ce qu'il y a de stable, de commun et par conséquent d'impersonnel dans les impressions de l'humanité,écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle.» Ce qu'on nomme d'ordinaire un fait, c'est un point de vue sur la réalité plutôt que la réalité elle-même ; c'est «uneadaptation du réel aux intérêts de la pratique et aux exigences de la vie sociale ». Enfin la logique, qui dirige les opérations intellectuelles de l'homme, s'applique à des idées générales toutes faites,comparables à des vêtements de confection.

Les concepts (ou idées générales) sont extérieurs les uns aux autrescomme des objets dans l'espace ; ils ont la même stabilité que ces objets.

«Notre logique est surtout la logique dessolides.

» Ainsi l'intelligence n'est pas destinée à la spéculation mais à l'action.

«La spéculation est un luxe, tandis que l'actionest une nécessité.

» On comprend, dès lors, que l'intelligence soit mal faite pour penser la durée avec ses véritablescaractères.

Elle n'en comprend bien ni la mobilité incessante ni la continuité.

Elle voit dans la durée une sorted'espace interne où les' états sont juxtaposés comme des objets, mesurables comme des choses.

Elle confond ladurée réelle indivisible avec le temps homogène, divisible et mesurable. «Nous n'avons aucun intérêt à écouter le ronron continu et le bourdonnement ininterrompu de la vie profonde.

Etpourtant la durée réelle est là.

» Méconnaissant le fait que le mouvement est la réalité même, que toute immobilité est apparente ou relative,l'intelligence croit recomposer le mouvement avec des immobilités qu'elle juxtapose.

Elle croit recomposer lemouvement avec les points par lesquels le mobile passe, avec des positions, qui ne sont que des suppositions, desvues de l'esprit.

Elle se représente le devenir comme une série d'états distincts et stables. Que deux trains marchent sur des voies parallèles avec la même vitesse, c'est un cas exceptionnel ; pourtant c'estce cas exceptionnel que nous remarquerons parce que cette situation, seule, permet l'action : les voyageurspeuvent causer d'un wagon à l'autre, se tendre la main par la portière.

L'immobilité étant ce dont notre action abesoin, nous en faisons un absolu, et nous voyons dans le mouvement quelque chose qui s'y surajoute.

Nousfermons ainsi les yeux sur ce qu'il y a de plus réel dans le monde. La réalité vraie est le changement indivisible et substantiel.

Elle est progrès.

Quant à la chose, c'est une vueimmobile prise sur ce progrès par l'intelligence. Cherchant toujours à tout reconstituer avec des éléments antérieurement donnés, l'intelligence méconnaît ce qu'il ya de nouveau, d'imprévisible, à chaque moment d'une histoire. Pourtant elle cherche à comprendre le monde, la vie, le devenir.

L'être intelligent se pose des problèmes que l'êtreinstinctif ne se poserait jamais.

Il « porte en lui de quoi se dépasser lui-même ». Le langage a contribué à libérer la pensée.

Le mot, fait pour aller d'une chose à l'autre, est essentiellementdéplaçable ; il peut s'étendre d'une chose au souvenir de cette chose, d'une image fuyante à la représentation del'acte par lequel on se la représente, c'est-à-dire à l'idée.

L'intelligence peut alors se retourner sur elle-même,pénétrer à l'intérieur de sa propre activité, réfléchir à ses démarches, s'apercevoir comme créatrice d'idées, facultéde représentation.

Elle veut avoir4 quelque idée sur tout objet, même sur des objets n'ayant aucun rapport directavec l'activité pratique. Seule l'intelligence s'inquiète de théorie.

« Et sa théorie voudrait tout embrasser, non seulement la matière brute,mais encore la vie et la pensée». Il faut tâcher de satisfaire ce désir d'universelle compréhension, en écartant le voile des préjugés nés de l'action etdu langage. * * * Les philosophes, d'ordinaire, — pour résoudre les problèmes qui s'imposent à eux, — élaborent des concepts,organisent des idées générales, multiplient les raisonnements.

Mais « concevoir est un pis aller dans les cas où onne peut pas percevoir, et raisonner ne s'impose que dans la mesure où l'on doit combler les vides de la perceptionexterne ou interne et en étendre la portée ». Si notre faculté de percevoir, en dehors et au dedans de nous, était infinie, si la portée de nos sens et celle denotre conscience étaient illimitées, nous n'aurions recours ni à notre faculté de concevoir ni à celle de raisonner. Il faudrait, — sans renoncer au raisonnement, — tâcher de résoudre les problèmes philosophiques par la perceptionplutôt que par le raisonnement.. »

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