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L'ironie de Flaubert dans Madame Bovary

Publié le 16/10/2010

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flaubert

 

L’ironie de Flaubert dans Madame Bovary est très discrète. Un lecteur peu attentif pourrait même dire qu’elle ne figure pas dans le roman. Pourtant, nous sommes capables d’en relever plusieurs exemples au cour de la lecture attentive et soigneuse. Ainsi, dans le chapitre VIII consacré au bal à la Vaubyessard, l’ironie vise de nouveau Emma et ses rêves romantiques. 

La jeune femme se retrouve dans le monde dont elle rêve, qu’elle connaît grace à  la lecture des romans romantiques effectuée pendant son instruction au couvent. Le bal lui témoigne de l’existance d’une autre vie que la sienne, ce qui approfondi encore l’abandon de l’héroïne. 

Flaubert marque d’une façon à la fois discrète et perceptible, les passages où il est bien de réflèchir à un double sens. Il procède par des phrases courtes, des interjections ou tout simplement des phrases qui brisent d’une description au’elles suivent. Mais non seulement. L’ironie se cache derrière des mots, de courtes expressions qui apparement ne signifient rien et ne servent qu’à la description d’une chose ou d’une personne. Mais dans le contexte du roman entier et surtout en comparaison avec l’immagination et les rêves d’Emma, nous commençons à y voir les traits ironiques. 

 

a.) Le romantisme d’Emma Bovary.

Le goût du romantisme d’Emma et en conséquence le romantisme en générale, constitue une des cibles préférée de l’ironiste dans Madame Bovary. Tout au long du roman nous en retrouvons des preuves. Ce chapitre n’est pas différent des autres sur ce point. 

Ainsi le mot « pâle « et ceux de sa famille qui apparaissent plusieurs fois dans ce chapitre  dans les expressions « un front pâle « , « des rayons pâles « ( MB, p. 82), « safran pâle « (MB, 84), « la pâleur des porcelaines « (MB, p. 85), « une jeune femme pâle « (MB, p. 85) ou encore « les lampes pâlissaient « (MB, p. 85) renvoient à la vie romanesque dont Emma s’était fait idée en lisant les romans romantiques. La pâleur est considérée comme un trait de l’aristocratie, de la noblesse. Ce synonyme de la beauté constitue un idéal à atteindre. N’ayant pas d’autre point de repaire que le couvent et le monde des héros romantiques, Emma s’est fait une fausse idée de la vie et malheureusement ce bal lui a donné la preuve qu’une telle vie peut exister. 

Nous saisissons l’ironie qui se dégage de ces expressions si nous les rapportons au contenu du roman et au sort d’Emma. D’une part, sa vie est bien loin de celle des héroïnes romantiques dont elle rêvait. Elle habite dans un petit village, est une femme d’un médecin de campagne et le bonheur conjugal ne correspond pas à ce qu’elle espèrait. D’autre part, elle n’est pas innocente. Elle trompe son mari.

Il ne manque pas non plus de l’ironie visant à la fois Emma et le romantisme lui-même. Le caractère mystique du château dont « [le vestibule est] pavé de dalles en marbre, très haut, et le bruit des pas avec celui des voix y retent[it] comme dans une église  « (MB, p. 81) doit produire une forte impression sur Emma qui a vécu un certain temps au couvent. De même qu’une conversation entendue pendant le bal où « un cavalier (...) avec une jeune femme pâle (...) vant[ent] la grosseur des piliers de Saint-Pierre, Tivoli, le Vésuve, Castellamare et le Colisée au clair de lune  «. Nous ne pouvons que s’immaginer l’effet produit sur Emma par la suite de noms des lieux inconnus d’elle. Mais les lieux ne l’importent autant que le « claire de lune «, l’expression utilisée souvent par les romantiques, surtout que notre héroïne voulait se marier à minuit.

 

b.) Le contraste.

Ce procédé ironique est assez fréquent mais parfois difficile à saisir puisque il nous faut souvent le chercher dans des fragments assez éloignés l’un de l’autre.

Emma se prépare pour le bal et elle fait « sa toilette avec la consience méticuleuse d’une actrice à son début « (MB, p. 83). Cette affirmation ne serait pas si particulière si elle n’était pas suivie d’une phrase toute courte : « Le pantalon de Charles le [serre] au ventre « (MB, p. 83). Apparement sans importance, ne rapportant qu’un fait réel, cette phrase montre une grande différence entre les époux. Chacun d’eux a sa vision de la vie et des besoins qui ne correspondent les uns aux autres. De cette manière, les plats et les vins recherchés qui ont été servis pour le souper et les subtilités de la soirée et qui ravissent Emma, ne regarde point son mari qui «  dorm[e] à demi, le dos appuyé contre une porte «. Quand la jeune femme veut « (...) prolonger l’illusion de cette vie luxueuse (...) « (MB, p. 87), son mari dort déjà paisiblement. Son plaisir est « de se retrouver chez soi ! « (MB, p. 89).

Un paradoxe pourtant n’echappe pas à notre attention. Pendant ce bal Emma ressemble plus à son mari que jamais, sans en être consciente. Pednant que Charles « regard[e] jouer au whist, sans y rien comprendre « (MB, p. 87), Emma « écout[e] de son autre oreille une conversation pleine de mots qu ‘elle ne compr[end] pas « (MB, p. 85). 

Le contraste ironique ne concérne pas uniquement les époux directment. Ainsi re 

c.) La réalité s’oppose aux illusions

La réalité ne se laisse pas oublier même ou peut-être surtout dans le monde quasi-idéal qu’est le château pour Emma. Sur de belles tables dans la salle à manger du château joliment décorées, il y a de beaux couverts et de magnifiques assiettes, tout est préparé avec un soin méticuleux. D’autant plus il nous est difficile de ne pas considerer « [l]es pattes rouges des homards [qui] dépass[ent] les plats (...) « (MB, p. 82) comme ironique. 

L’opposition faite entre Emma qui « ne [sait] pas valser « (MB, p. 86) et une dame qui « [sait] valser, celle-là ! « (MB, p. 87) porte aussi des traits d’ironie méchante. Cette différence entre deux femme doit être difficile à supporter pour Emma ce qui est exprimé par l’exclamation un peu dédaigneux « celle-là «.

Après le bal Emma est déjà dans la chambre, « [met] un châle, ouvr[e] la fenêtre et s’accoud[e] « (MB, p. 87) probablement à l’instar des héroïnes romanesques, mais le romantisme de la jeune femme se heurte encore une fois à la réalité. « La nuit [est] noire « (MB, p. 87), il n’y a pas de lune. En plus, « [Emma] grelott[e] de froid « (MB, p. 87).

Flaubert signale l’ironie aussi par l’intermédiaire des italliques. Ainsi le « boc « de Charles est mis en relief. Il a été acheté à Emma pour lui faire plaisir mais à côté des voitures des autres invités, il ne correspond surement pas aux attentes de la jeune femme. Ce mot est marqué d’ironie aussi parce qu’il marque la distance entre le ménage des Bovary et les invités du marquis. La distance qu’Emma ne veut pas, ne peut pas voir ou simplement, ne voit pas.

Enfin, un autre chose dont notre héroïne ne se rend pas compte. La différence entre la façon dont elle veut être vue et celle dont les autres la voient.

Quand nous lisons qu’« (...) une des dames se leva (la marquise elle-même), vint à la rencontre d’Emma et la fit asseoir près d’elle, sur une causeuse, où elle se mit à lui parler amicalement, comme si elle la connaissait depuis longtemps (...) «, nous saisissons tout de suite l’ironie syntagmatique vu les circonstances dans quelles Charles et Emma sont invités au bal, décrites dans le dernier paragraphe du chapitre précédent. Le marquis, que Charles a soulagé d’ « un abcès dans la bouche « (MB, p. 80) et qui veut le remercier pour les cerises lui offertes, vient chez les Bovary et voit Emma qui « ne salu[e] point en paysanne « (MB, p. 80). Alors il se dit « qu’on ne crut pas au château outrepasser les bornes de la condescendance ni,  d’autre part, commettre une maladresse, en invitant le jeune ménage « (MB, p. 80). De ce point de vue nous voyons très bien que l’invitation s’est fait en raison du comportement de la jeune femme qui était un peu différent des autres femmes habitant le village et que les honneurs présentées à Emma par la marquise elle-même, ne sont qu’une simple politesse.

 

De même, le narrateur se sert souvent dans les descriptions de l’adjectif « blanc « qui est synonime de la pureté et de l’innocence.

 

Il serait faux de voir dans ce chapitre uniquement l’ironie visant Emma et ses illusions. La société de la bourgeoisie et de l’aristocratie en est aussi la cible.

 

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