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Japon

Publié le 11/04/2013

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japon
1 PRÉSENTATION

Japon, en japonais Nihon (« pays du Soleil Levant «), pays d’Asie orientale situé au large de la Russie et de la Corée, formé de quatre îles principales orientées selon un arc nord-est – sud-ouest (Hokkaido, Honshu, Shikoku, Kyushu) et d’une multitude d’îlots. Sa capitale est Tokyo, située sur Honshu.

L’archipel japonais est baigné par la mer d’Okhotsk au nord, par l’océan Pacifique à l’est, par la mer de Chine orientale au sud, et par la mer du Japon à l’ouest.

2 MILIEU NATUREL
2.1 Relief

La superficie totale du Japon est de 377 837 km². L’archipel japonais forme l’un des arcs montagneux et volcaniques qui bordent à l’est le continent asiatique. Les îles japonaises s’étendent sur une longueur d’environ 2 500 km, entre l’île russe de Sakhaline au nord et Taïwan au sud. À l’origine partie intégrante du continent asiatique, le Japon s’en est détaché au cénozoïque, lorsque six arcs volcaniques sont entrés en contact, formant notamment la « Fossa Magna « (fracture transversale s’étendant de Toyama jusqu’à la presqu’île d’Izu à 100 km au sud-ouest de Tokyo), et donnant naissance aux plus grands volcans du pays (mont Asama, mont Fuji), ainsi qu’à la chaîne montagneuse des Alpes japonaises. Aux deux extrémités de la Fossa Magna se trouvent les deux plus grandes plaines du pays : la plaine de Niigata, sur la mer du Japon, et la plaine de Tokyo (le Kanto), sur l’océan Pacifique.

Au Japon, la mer (umi) et la montagne (yama) ne sont jamais très éloignées. La montagne couvre les trois quarts du territoire, avec le plus souvent des pentes supérieures à 15 p. 100. L’île la plus septentrionale, Hokkaido, est traversée par plusieurs chaînes volcaniques : la chaîne Daisetsu traverse l’île d’ouest en est et culmine au mont Asahi (2 290 m). Elle est rejointe au sud-ouest par la chaîne Hidaka, qui culmine au mont Poroshiri (2 052 m). Les deux chaînes sont interrompues par la baie d’Uchiura et le détroit de Tsugaru entre Hokkaido et Honshu, puis réapparaissent au nord d’Honshu sous la forme de deux chaînes parallèles : les monts Kitakami, qui plongent dans le Pacifique, et la chaîne des monts Chôkai, qui se prolongent au sud-ouest avec celle des monts Mikuni, jusqu’au centre du Japon. Là convergent plusieurs autres massifs montagneux, parmi lesquels les monts Kiso, Akaishi et Hida, ceinture volcanique plus connue sous le nom d’Alpes japonaises, composée d’une trentaine de sommets de plus de 3 000 m, parmi lesquels le mont Fuji (3 776 m), volcan assoupi et point culminant du pays, le mont Okuhotaka (3 190 m) et le mont Yariga (3 180 m). Une faille de moindre importance que la Fossa Magna interrompt les Alpes japonaises, formant la plaine de Nobi, la baie de Wakasa, la baie d’Ise et le fossé du lac Biwa, ainsi que la baie d’Osaka, de l’autre côté du bloc granitique formé par la péninsule de Kii. Une dernière chaîne montagneuse occupe tout l’ouest de l’île d’Honshu : la chaîne du Chugoku. Les îles Shikoku et Kyushu sont, elles aussi, montagneuses, mais leurs sommets ne dépassent pas 2 000 m d’altitude (mont Ishizuchi, 1 982 m et mont Kuju, 1 788 m). Le volcanisme est très actif à Kuyshu, où se rencontrent les arcs du Japon et des îles Ryukyu, formant de gigantesques caldeiras comme celle de la baie de Kagoshima ou celle du mont Aso (1 592 m).

Les plaines, d’origine alluviale (plaines d’accumulation) ou tectonique (bassins d’effondrement), sont pour l’essentiel périphériques et ne couvrent que 16 p. 100 de la surface du pays. Elles sont toujours exiguës, à l’exception de celles d’Hokkaido (plaines d’Ishikari, au sud-ouest, et de Tokachi, à l’est). Sur l’île d’Honshu, les plus vastes sont celle du Kanto (où se trouvent les villes de Tokyo, Yokohama et Chiba), celle de Nobi (où se trouve Nagoya), et celle du Kansai (où sont situées les villes d’Osaka et de Kobe).

Après la montagne, la mer est le second élément caractérisant le Japon. Le pays, très découpé, est bordé de 29 751 km de côtes, formant des paysages extrêmement divers. Le littoral le plus découpé est celui du Pacifique, en raison de l’action érosive des marées et des violentes tempêtes côtières. Entre Honshu, Shikoku et Kyushu se trouve la mer Intérieure, avec ses quelque 300 îles. Elle communique avec l’océan Pacifique et la mer du Japon par des détroits resserrés qui arrêtent les tempêtes venues de l’océan. La côte ouest de l’archipel japonais, donnant sur la mer du Japon, est peu découpée et ne connaît pratiquement pas de marées. Les échancrures les plus profondes sont les baies de Wakasa et de Toyama.

2.2 Hydrographie

Le Japon présente sur le plan hydrologique une situation paradoxale. La montagne s’impose partout, mais l’absence de glaciers a façonné un réseau hydrographique particulier. Les rivières et les fleuves japonais sont courts et se caractérisent par une forte pente. Ils sont particulièrement larges, car ils doivent écouler un volume d’eau important en un laps de temps très bref. Le fleuve le plus long, la Shinano, longue de 367 km, prend sa source dans les monts Hida et draine la plaine de Niigata. Parmi les autres cours d’eau importants de l’île figurent la Tone, longue de 322 km et extrêmement large, qui draine la plaine de Tokyo et forme un delta un peu au nord de la capitale, la Kitakami (249 km), qui se jette dans la baie de Matsushima près de Sendai, la Tenryu (213 km) et la Mogami (229 km). Les principales rivières d’Hokkaido sont l’Ishikari (268 km), la Teshio et la Tokachi ; enfin la Yoshino est la plus longue rivière de Shikoku. Les lacs d’origine tectonique ou volcanique sont nombreux : le plus grand est le lac Biwa (670 km²), qui alimente en eau douce les villes d’Osaka et Kyoto.

2.3 Climat

Les îles japonaises s’étendent en longueur du 30e au 46e degré de latitude nord, ce qui induit d’importants contrastes climatiques, encore creusés par la présence de deux importants courants marins, le Kuroshio et l’Oyashio. L’influence de la masse continentale asiatique est cependant plus essentielle encore. Au cours de la saison froide, le Japon se trouve pris entre l’anticyclone sibérien et le centre dépressionnaire des îles Aléoutiennes. Il reçoit des vents de secteur nord, froids et secs, qui s’humidifient et se réchauffent au contact de la mer du Japon et du Kuroshio, déclenchant d’abondantes précipitations sous forme de pluies et de neige, surtout sur la mer du Japon. Pendant l’été, le Japon se situe entre les basses pressions du continent asiatique et les zones de hautes pressions subtropicales qui remontent vers le nord. Ces flux instables déclenchent des dépressions cycloniques qui passent au-dessus de l’archipel en mai-juin, puis au mois de septembre, occasionnant deux périodes de pluies marquées, dont la première, appelée tsuyu ou baiu (« la pluie des prunes « — ainsi nommée parce qu’elle marque la saison des prunes), peut être diluvienne. D’août à octobre, l’alizé du sud-est s’accompagne de typhons. Tout l’ouest du pays est soumis à leur passage dévastateur.

Ces différents éléments expliquent la variété des moyennes thermiques annuelles : 5 °C à Nemuro (Hokkaido) et 16 °C à Okinawa. Des étés courts et des hivers longs et rudes caractérisent Hokkaido et la portion septentrionale de Honshu. La rigueur des hivers est due en grande partie aux vents de secteur nord-ouest venus de Sibérie, et au courant froid de l’Okhotsk, ou Oyashio, qui s’écoule vers le sud dans la mer du Japon. Shikoku, Kyushu et le sud d’Honshu ont un climat presque subtropical. Elles connaissent des étés très chauds et humides, et des hivers doux avec relativement peu de neige. Le Japon se trouve sur la trajectoire des flux de moussons du sud-est, qui accentuent l’humidité étouffante des étés. Les précipitations annuelles s’échelonnent entre 1 015 mm sur Hokkaido et 3 810 mm dans les régions centrales d’Honshu.

2.4 Végétation et faune
2.4.1 Végétation

La grande variété et la luxuriance de la végétation japonaise sont directement liées à la chaleur, à l’abondance des précipitations, à l’humidité des étés et au relief. La forêt couvre 65,8 p. 100 de la superficie totale du pays. Épargnée par les grandes glaciations du quaternaire, elle reste intacte en de nombreux endroits de l’archipel — en particulier dans les montagnes les plus inaccessibles — et se caractérise par un grand nombre d’espèces végétales différentes (environ 17 000), parmi lesquelles une majorité de feuillus. Les pruniers (ume), blancs et rouges, de même que les cerisiers (sakura), à la floraison précoce, constituent, au même titre que le bambou (take) et le pin (matsu), les symboles traditionnels du pays.

On distingue au Japon plusieurs types de paysages. Dans le nord et l’est d’Hokkaido, les conifères forment la majorité de la couverture végétale, associés au bouleau et au frêne. La forêt tempérée réunit feuillus et conifères (chênes, hêtres, érables, thuyas, pins rouges et noirs) au nord d’Honshu. Ensuite, une forêt toujours verte, de type pénétropical, domine à l’ouest : les conifères s’y trouvent mêlés aux bambous, aux magnolias et aux chênes verts. Les conifères issus du reboisement sont désormais majoritaires, mais les espèces insulaires comme le sugi ou le hinoki (sortes de cyprès), qui peuvent atteindre des hauteurs impressionnantes, constituent encore des massifs importants. À Kyushu, à Shikoku et dans le sud de Honshu, on rencontre plutôt des espèces végétales subtropicales, telles que le bambou, le camphrier, le magnolia et le figuier banian. On y cultive aussi l’arbre à thé, l’arbre à laque (uruchi) et l’arbre à cire (haze). Entre les montagnes boisées et les rizières (de 300 à 1 500 m d’altitude) se sont développées de vastes plaines couvertes de bambous nains (sasa), sortes de prairies humides apparues sur d’anciennes forêts brûlées.

2.4.2 Faune

Le Japon possède une faune diversifiée. Elle comporte 188 espèces de mammifères, 250 espèces d’oiseaux et 87 espèces de reptiles, de batraciens et de poissons. Le seul primate est le singe à face rouge, le macaque du Japon, que l’on trouve sur tout le territoire d’Honshu. Parmi les carnivores, on rencontre encore des ours noirs et des ours bruns. Le renard est très répandu. Le cerf est l’espèce de cervidés la plus commune.

2.5 Ressources et contraintes du milieu naturel

Le milieu naturel du Japon est pauvre et hostile. L’eau est peut-être la seule richesse naturelle. C’est elle, notamment, qui autorise les cultures irriguées, permettant au Japon de surpasser les meilleurs rendements agricoles mondiaux (le Japon couvre à lui seul 71 p. 100 de ses besoins alimentaires) ; c’est encore elle qui entretient la couverture forestière et qui a permis au pays de se doter d’un potentiel hydroélectrique systématiquement exploité. Les ressources minérales sont, en revanche, extrêmement limitées ; hormis quelques gisements de charbon surexploités, le pays doit importer la majeure partie des matières premières nécessaires à son industrie.

La persistance des fractures et du jeu des plaques tectoniques explique le volcanisme encore actif et une importante sismicité. On recense plus de 250 volcans, dont une trentaine encore en activité. Le Japon subit plus de 5 000 secousses sismiques par an, dont l’épicentre est parfois situé en mer, provoquant alors d’importants raz-de-marée (tsunami). C’est le cas, par exemple, du tremblement de terre de 1923, l’un des plus désastreux de l’histoire du Japon, qui, parti de la baie de Sagami, a fait entre 130 000 et 150 000 victimes à Yokohama et Tokyo. Le nombre élevé des victimes s’explique par la conjonction de différents facteurs : les conduites de gaz souterraines, la pratique des feux ouverts et le nombre élevé de constructions en bois. En 1995, le tremblement de terre de la région de Kobe-Osaka, d’une magnitude de 7,2 sur l’échelle de Richter, a encore fait plus de 6 000 victimes.

Un autre fléau naturel frappe le Japon : les glissements de terrain, fréquents dans les secteurs argileux de l’archipel, affectant de larges langues de terre de 10 à 50 m d’épaisseur, larges parfois de plus de 500 m, et pouvant atteindre une longueur de près de 3 km. Même si leur vitesse d’écoulement est lente, de 3 à 8 m par an, elles dévastent inéluctablement rizières, forêts et agglomérations.

3 POPULATION ET SOCIÉTÉ
3.1 Démographie

En 2008, la population du Japon a été estimée à 127 millions d'habitants, soit une densité de 340 habitants au km². Mais le Japon ne couvrant pas plus de 70 000 km2, la densité s’élevait en 1995, dans certaines régions, à plus de 2 000 habitants au km2 et jusqu’à 12 830 habitants au km2 pour la ville de Tokyo et 11 794 habitants au km2 pour la ville d’Osaka. Environ 45 p. 100 de la population se concentrent dans les conurbations de Tokyo-Yokohama-Chiba-Kawasaki, Osaka-Kobe-Kyoto et Nagoya. La croissance annuelle de la population — 0,25 p. 100 entre 1990 et 1995 — a encore diminué pour atteindre 0,1 p. 100 en 2005 : c’est le taux le plus bas du monde asiatique. L’indice de fécondité était, en 2008, de 1,22 enfant par femme, et pour la même année, on estime à 15 p. 100 la part des moins de 15 ans dans la population totale et à 21,6 p. 100 celle des personnes âgées de 65 ans et plus. Ajoutés à une espérance de vie moyenne qui atteint 78,7 ans pour les hommes et 85,6 ans pour les femmes, ces chiffres trahissent le vieillissement de la population japonaise, dont les répercussions sur le plan économique et social sont lourdes. En effet, d’après les prévisions démographiques les plus récentes, la population totale japonaise devrait encore augmenter jusqu’en 2007, pour atteindre plus de 128 millions d’habitants. Elle devrait ensuite commencer à diminuer pour ne plus s’élever qu’à environ 60 millions de personnes en 2051, avec un pourcentage de personnes âgées de plus de 65 ans supérieur au tiers de la population globale.

Les Japonais appartiennent au rameau dit mongoloïde, comme les Chinois et les Coréens, tout en s’en distinguant par des particularités physiques et linguistiques. L’origine du peuplement de l’archipel japonais est d’ailleurs très complexe, et reste encore partiellement un mystère : les données historiques, linguistiques et archéologiques laissent penser que le brassage des peuples s’est fait très tôt, sans qu’il soit possible de déterminer avec certitude les différentes vagues de peuplement et leur provenance.

Les Aïnu, population dont les origines, vraisemblablement plus proches des Australoïdes que des Mongoloïdes, sont particulièrement difficiles à déterminer, constituent le seul groupe indigène important. Des siècles de guerre, puis une assimilation par mariages intercommunautaires, font qu’aujourd’hui seuls quelques milliers d’entre eux subsistent, pour la plupart à Hokkaido. Les étrangers résidant au Japon étaient près d’1,5 million en 1997, parmi lesquels les communautés coréenne (645 000 personnes en 1997, soit 43,5 p. 100 du total des immigrés) et chinoise (252 000 personnes en 1997, 17 p. 100), implantées de longue date, sont les plus importantes. Aujourd’hui, les groupes d’immigration en constante augmentation sont ceux venus du Brésil (233 000 personnes en 1997) et des Philippines (93 000 personnes en 1997). Les Américains représentent à peine 3 p. 100 de la population d’origine étrangère.

3.2 Divisions administratives et villes principales

Le Japon compte huit régions (Hokkaido, Tohoku, Kanto, Chubu, Kinki, Chugoku, Shikoku et Kyushu) appelées ken, fu, do ou to selon les divisions administratives, et 47 départements.

Le taux d’urbanisation du pays est de 66 p. 100, les plus grandes villes du pays se trouvant dans l’île principale, Honshu. Tokyo, située au centre de la plaine du Kanto, au centre géographique du pays mais historiquement dans le Japon de l’est, est le principal centre financier et commercial, avec une population qui s’élevait à 8 339 695 habitants en 2007. Avec son agglomération (35 millions d’habitants en 2003), elle constitue la première métropole mondiale. Viennent ensuite les villes de Yokohama (3 562 983 habitants en 2007), centre actif de construction navale et d’industries (produits chimiques, machines, métallurgie, raffinage) dans la région de Tokyo, et surtout l’un des plus grands ports du pays, actuellement en développement, Osaka (2 510 459 habitants en 2007), port maritime important, l’un des principaux terminaux du réseau aérien japonais et l’un des plus grands centres financiers du Japon, Nagoya (2 154 287 habitants en 2007), centre d’une importante conurbation urbaine et grand port industriel et commercial, Kobe (1 502 772 habitants en 2007), grand port maritime et centre principal de la construction navale du pays et Kyoto (1 389 595 habitants en 2007), la capitale historique, moins fortement industrialisée que les autres métropoles japonaises, qui demeure avant tout une ville aux fonctions intellectuelles et culturelles. Plus de soixante-quinze autres villes ont une population supérieure à 250 000 habitants.

3.3 Institutions et vie politique

Le Japon est une monarchie parlementaire, régie depuis le 3 mai 1947 par une Constitution promulguée le 3 novembre 1946, élaborée sous la pression des autorités américaines d’occupation, et adoptée au titre d’amendement à la Constitution édictée par l’empereur Meiji en 1889. Elle en diffère cependant sur des points essentiels, interdisant notamment à l’empereur (tenno), qui concentrait jusque-là les fonctions de chef de l’État, de chef des armées et de chef des pouvoirs exécutif et parlementaire, de se mêler de politique : le « pouvoir souverain est détenu par le peuple «.

3.3.1 Rôle de l’empereur

C’est l’empereur qui détient le pouvoir spirituel sur le pays depuis les débuts de l’histoire japonaise. Il s’est arrogé également le pouvoir exécutif entre la Restauration (1868) et la fin de la Seconde Guerre mondiale (1945), date à laquelle il a retrouvé ses fonctions honorifiques. La lignée impériale est réputée ininterrompue depuis les origines, l’héritier du trône étant toujours choisi parmi les héritiers directs de l’empereur régnant ou au sein de l’une des quatre familles princières, dont le rang est égal à celui de la famille impériale. Depuis le 7 janvier 1989, c’est Akihito, fils de Hirohito, qui règne sur le Japon ; il a inauguré l’ère Heisei.

3.3.2 Pouvoir exécutif

Le pouvoir exécutif est confié à un cabinet ministériel de 18 ministres, dirigé par un Premier ministre symboliquement investi par l’empereur. Celui-ci, qui est élu par la Diète, est en général le chef du parti majoritaire. Il choisit les membres du cabinet au sein de la Diète et soumet son choix à l’approbation de cette dernière. Le Premier ministre et le cabinet sont tous deux responsables devant la Diète.

3.3.3 Pouvoir législatif

Depuis 1947, le pouvoir législatif est détenu par la Diète, composée de deux Chambres : la Chambre des représentants (Chambre basse) et la Chambre des conseillers (Chambre haute). Les représentants (au nombre de 480 depuis les élections de juin 2000) sont élus pour quatre ans (sauf en cas de dissolution de la Chambre). Les membres de la Chambre des conseillers (au nombre de 242) sont élus pour six ans et renouvelés par moitié tous les trois ans. La Chambre des représentants a la prééminence sur la Chambre des conseillers ; les décisions prises par la Chambre haute peuvent faire l’objet d’un veto de la part de la Chambre basse, laquelle exerce aussi son contrôle sur les lois portant sur les traités et les questions fiscales. Le premier système de scrutin, dit « intermédiaire «, a été remplacé en janvier 1994 par un système partiellement proportionnel de représentation. Dans les deux chambres de la Diète, une partie des sièges est directement pourvue lors d’élections de district, tandis que l’autre est attribuée aux divers partis politiques, en fonction des résultats des élections nationales. Tous les citoyens japonais ayant atteint l’âge de 20 ans ont le droit de vote.

3.3.4 Pouvoir judiciaire

Le système judiciaire japonais, influencé lors de sa mise en place par le système américain, est très indépendant des autres pouvoirs. Il se compose d’une Cour suprême, de huit tribunaux supérieurs (un par région), de 47 tribunaux de district (un par département, sauf Hokkaido, qui en possède quatre) et de nombreux tribunaux ordinaires. La Cour suprême, plus haute juridiction du pays, statue en dernier recours sur la constitutionnalité des lois, règlements et décrets. Elle se compose d’un président nommé par l’empereur sur recommandation du cabinet et de 14 juges nommés par le cabinet. Les tribunaux supérieurs jugent en appel les affaires civiles et criminelles traitées en première instance par les tribunaux de district. Les tribunaux ordinaires sont des tribunaux de première instance, qui ont compétence pour juger les litiges administratifs.

3.3.5 Gouvernement local

Chacun des 47 départements du Japon est administré par un gouverneur élu et une assemblée. Chaque municipalité possède une assemblée composée de représentants élus au suffrage universel. Les municipalités ont des pouvoirs assez importants. Elles contrôlent l’enseignement public et peuvent lever des impôts.

3.3.6 Partis politiques

Le premier parti politique japonais est fondé dès 1874, et les premières élections plurielles sont mises en place en 1890. La liberté politique décline cependant avec la montée du nationalisme dans les années 1930, puis s’éteint pendant les années de guerre. Après la Seconde Guerre mondiale, la vie politique du Japon est totalement dominée par le Parti libéral démocrate (PLD), tandis que le Parti socialiste constitue la principale force d’opposition. Ébranlé au début des années 1990 par de nombreux scandales et une direction instable, le PLD est mis en échec en 1993 par une coalition de partis conservateurs, mais il reprend rapidement les rênes du pouvoir. Les années 1990 sont marquées par une explosion de l’offre politique avec l’apparition d’une vingtaine de formations attirant un électorat lassé par la corruption des anciens partis.

Mené par le réformateur Junichiro Koizumi à partir de 2001, le PLD bénéficie de la cote de popularité de son président. Les élections législatives de novembre 2003 sont cependant marquées par le recul du PLD même si elles permettent la reconduction de la coalition gouvernementale conservatrice formée par le PLD, le Nouveau Komeito (parti centriste lié à la secte bouddhiste Soka Gakkaï) et le Nouveau Parti conservateur (4 sièges). La percée enregistrée par le Parti démocrate du Japon (PDJ), fondé en 1998, renforcé par la fusion avec le Parti libéral et dirigé par Naoto Kan, laisse entrevoir l’émergence d’une bipolarisation de la vie politique japonaise et des perspectives d’alternance. Ce scrutin signe aussi la défaite cuisante des partis de gauche traditionnels : le Parti communiste (PCJ) et le Parti social-démocrate (PSD, ex-socialiste). Lors du scrutin anticipé de 2005, le PLD obtient la majorité absolue et le Parti démocrate du Japon (PDJ) accuse un recul.

3.3.7 Défense nationale

En vertu de l’article 9 de la Constitution qui stipule que « le Japon renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation «, le pays ne peut avoir d’armée. Depuis 1954, une force armée, limitée et dépourvue de moyens spécifiquement offensifs, a néanmoins été reconstituée et baptisée « force d’autodéfense du territoire «. Ainsi, en 2004, les forces japonaises ont regroupé 44 400 hommes dans la marine, 45 600 hommes dans l’aviation et 148 200 hommes dans l’armée de terre, soit au total 239 900 hommes. Cette même année, l’État a consacré 1 p. 100 du produit intérieur brut (PIB) aux dépenses de défense nationale.

Traditionnellement, depuis la Seconde Guerre mondiale, les Japonais s’alignent, en matière de politique extérieure, sur les positions américaines, tout en conservant une certaine indépendance, voire une certaine neutralité, particulièrement en Asie. Depuis quelques années, Américains et Japonais multiplient les déclarations communes afin d’établir une alliance forte capable de maintenir la paix en Asie. Depuis la révision en avril 1996 et en septembre 1997 des principes de coopération et de défense réciproque nippo-américains, cette alliance passe par l’augmentation des forces armées japonaises.

3.4 Langues et religions

La langue officielle du Japon est le japonais, une langue difficile à classer mais qui, selon les spécialistes, appartient sans doute à la famille des langues ouralo-altaïques. La langue des Aïnu, très différente de la langue japonaise, a pratiquement disparu. C’est une langue uniquement orale, parlée à Hokkaido par de rares communautés Aïnu, les dernières qui y subsistent encore. Elle a récemment été sauvée de l’oubli par quelques équipes universitaires, soucieuses d’en raviver la connaissance et l’emploi.

La Constitution du 3 mai 1947 a instauré les principes de la laïcité de l’État, de la liberté de conscience et de la liberté de culte. Le sentiment religieux japonais est particulièrement diffus et éclectique. Les deux principales religions des Japonais sont le shinto (littéralement « voie des divinités «), religion fondée sur la vénération des ancêtres et de la nature, et le bouddhisme (en japonais bukkyo, littéralement « voie des bouddhas «).

Alors que le Japon compte un peu plus de 126 millions d’habitants, on recense quelque 160,6 millions de fidèles répartis au sein de 231 000 organisations religieuses ! Ce phénomène est unique et s’explique par les croyances résolument non exclusives des Japonais. Au XVIIe siècle, pour lutter contre le christianisme, les autorités ont imposé aux habitants de s’inscrire au temple bouddhiste de leur quartier, là où sont d’ailleurs généralement célébrées les funérailles de chacun des membres de la famille. Parallèlement, les étapes essentielles de la vie (naissance, passage à l’âge adulte, mariage) peuvent être célébrées au sanctuaire shinto, tandis que les croyances populaires restent fortement teintées de taoïsme et de confucianisme. Les habitudes restent aujourd’hui encore très vivantes, aussi est-il coutume de dire qu’un Japonais « naît shinto et meurt bouddhiste «. En outre, nombreux sont les Japonais qui manifestent également leur adhésion à un projet plus spécifiquement religieux. De nombreuses sectes dérivées du bouddhisme et du shinto ont ainsi fait leur apparition depuis le début du XXe siècle. Les principales sont les sectes Soka Gakkai (16 millions de fidèles) fondée en 1930, Richokoseikai (6,5 millions de fidèles) fondée en 1938, et Omotokyo (2 millions de fidèles) fondée en 1892. À ces nouvelles sectes (en japonais « nouvelles religions «, shin shukkyo), il faut ajouter les « nouvelles nouvelles religions « (en japonais, shin-shin shukkyo) apparues dans les années soixante. Certaines d’entre elles, comme la secte Aum Shinrikyô, ont défrayé la chronique ces dernières années. Le christianisme, implanté au Japon depuis le XVIe siècle, est pratiqué par moins de 4 p. 100 de la population.

3.5 Éducation

Au Japon, l’enseignement est gratuit et obligatoire entre l’âge de 6 ans et 15 ans. La plupart des jeunes enfants (63 p. 100 en 1996) fréquentent cependant le jardin d’enfants (yojien) avant d’entrer à l’école primaire (shogakko). Le cycle primaire (six ans), puis le premier cycle du secondaire (chugakko, trois ans), scolarisent plus de 99 p. 100 des enfants. À l’issue du collège, la quasi-totalité des adolescents (96 p. 100 des garçons et 98 p. 100 des filles en 1996) fréquente le second cycle du secondaire (kokogakko, trois ans), dont l’enseignement est encore très général.

Le Japon emmène ainsi environ 95 p. 100 d’une classe d’âge jusqu’au kokogakko sotsugyo, sorte de certificat de fin d’études secondaires générales, dont le niveau équivaut à celui du baccalauréat, et dont l’obtention permet la poursuite d’études dans l’enseignement supérieur. Une sélection, sévère dès le plus jeune âge, a lieu à chaque étape (entrée à l’université surtout, mais aussi entrée au lycée, entrée au collège, voire même parfois entrée à l’école primaire). L’examen d’entrée à l’université, national, le plus souvent fondé sur le principe du QCM, permet d’entrer dans l’une des nombreuses universités privées ou publiques, dont le prestige dépend bien sûr du résultat obtenu.

Plus de la moitié des jeunes Japonais fréquentent l’enseignement supérieur. L’université (daigaku), dont le premier cycle dure quatre ans, accueille 42 p. 100 des jeunes hommes et 25 p. 100 des jeunes filles (1996) : tous obtiennent leur diplôme de fin d’études à l’âge de 22 ans, et la plupart se lancent ensuite à la recherche d’un emploi. Quelques-uns, de plus en plus nombreux avec la crise naissante au Japon, choisissent cependant de poursuivre leurs études en second cycle (daigaku-in). Ceux qui ne fréquentent pas l’université se partagent entre les très nombreuses écoles supérieures, dont l’enseignement, souvent plus court (entre un et trois ans) est beaucoup plus spécialisé.

Le Japon possède environ soixante universités d’État (ex-impériales), ainsi que de nombreuses universités privées. Au nombre des plus grandes universités nationales figurent notamment la prestigieuse université de Tokyo (Tokyo Daigaku, fondée en 1877), ainsi que celles de Tsukuba (1973), de Chiba (1949), d’Hiroshima (1949), d’Hokkaido (1876) à Sapporo, de Kobe (1949), de Kyoto (1897), de Kyushu (1911) à Fukuoka, de Nagoya (1939), d’Okayama (1949), d’Osaka (1931), du Tohoku (1907) à Sendai, etc. Les plus grands établissements privés sont plus anciens, et comptent, par exemple, l’université Keio (fondée en 1868 par Fukuzawa Yukichi), les universités Waseda (1882), Hosei (1880) et Nihon (1889) à Tokyo, ou encore celle du Kansai (1886) à Osaka. L’État consacre un peu moins de 5 p. 100 du PIB aux dépenses d’éducation.

3.6 Arts et vie culturelle

La culture japonaise puise ses origines dans le vieux fonds de la civilisation chinoise et des traditions insulaires spécifiques. Du point de vue linguistique, l’influence de la Chine ancienne a été prédominante. La langue japonaise écrite utilise ainsi les caractères inventés par les Chinois, appelés kanji, auxquels elle mêle deux systèmes d’écriture syllabiques : hiragana pour les mots grammaticaux et les désinences, et katakana pour la transcription de certains termes étrangers.

L’influence chinoise, essentielle pendant les époques d’Asuka (593-710) et de Nara (710-784), s’estompe dès l’époque de Heian (794-1185), pendant laquelle s’élabore une culture autonome et brillante, synthèse originale des apports continentaux et de la civilisation autochtone. Cette tendance, que l’on pourrait qualifier de « syncrétique «, se retrouve dans la littérature, dans l’art et la musique — voire même, dans une moindre mesure, dans le théâtre (kabuki, nô, théâtre de marionnettes) et le cinéma —, et se manifeste tout au long de l’histoire japonaise, y compris plus récemment lors de l’introduction de techniques et d’éléments culturels venus d’Occident. La religion, particulièrement le bouddhisme, a toujours joué un rôle important dans la vie culturelle du pays.

3.6.1 Institutions culturelles

Tokyo abrite la plupart des bibliothèques importantes. La Bibliothèque nationale ou bibliothèque de la Diète (kokuritsu kokkai toshokan), de grande renommée, est le centre international d’échanges de livres et d’informations du Japon. Sa collection de documents compte plus de 11 millions de volumes. La bibliothèque du Cabinet contient environ 549 000 volumes. Parmi les grandes collections des universités, citons celle de la bibliothèque de l’université de Tokyo (plus de 6 millions de volumes), celle de la bibliothèque de l’université Meiji (environ 1,1 million de volumes) et celle de l’université Nihon (environ 4,2 millions de volumes).

Centre culturel international, Tokyo abrite de nombreux musées. Dans le parc Ueno se trouvent le musée national de Tokyo (le plus grand musée d’art du pays), le musée national des Sciences, le musée national d’Art occidental, le musée des Arts métropolitains de Tokyo et le zoo municipal. Près du Palais impérial se trouve le musée national d’Art moderne. Les théâtres sont nombreux et montent aussi bien des pièces du théâtre traditionnel japonais (comme le nô et le kabuki), que des pièces du répertoire international moderne. Plusieurs orchestres, notamment symphoniques, donnent des concerts de musique japonaise traditionnelle et moderne ainsi que d’œuvres occidentales classiques et récentes. Kyoto, dont la vie culturelle est également très riche, abrite de nombreux musées, parmi lesquels le musée national de Kyoto. Osaka est notamment le foyer du théâtre japonais de marionnettes japonais.

3.6.2 Médias

Les Japonais sont de gros consommateurs de presse écrite : 60 millions de journaux sont vendus quotidiennement dans le pays. On compte 154 quotidiens nationaux et régionaux, parmi lesquels quatre grands noms dominent : Yomiuri shinbun (plus de 13 millions d’exemplaires en 1997), Asahi shinbun (13 millions d’exemplaires), Mainichi shinbun (7 millions d’exemplaires), Nihon Keizai shinbun, un journal économique (3,6 millions d’exemplaires). La presse hebdomadaire et mensuelle comprend, quant à elle, une large gamme de publications, de la politique aux magazines féminins, de la décoration aux révélations sur la vie privée des vedettes. De nombreux titres étrangers et particulièrement français (Marie-Claire, Elle, Figaro Madame, etc.) ont une édition japonaise. Phénomène typiquement nippon, les manga — bandes dessinées brochées vendues en kiosque — connaissent un succès phénoménal. L’humour, le rêve, l’amitié sont les thèmes favoris des publications destinées à la jeunesse, tandis que les plus grands feuillettent volontiers des mangas dans lesquels les histoires sont souvent traitées de manière violente et érotisée.

Il existe actuellement 17 chaînes de télévision au Japon. Deux d’entre elles, NHK et NHK Education, financées par la redevance et sans publicité, émettent dans tout le pays. Fuji TV et Asahi TV sont les deux plus grandes chaînes privées du Japon, mais il en existe de nombreuses autres, privées et généralement liées aux grands groupes de presse et aux radios, qui ont en général une diffusion régionale plus restreinte.

4 ÉCONOMIE
4.1 Généralités

Vaincu en 1945, le Japon s’est reconstruit en quelques décennies et a retrouvé son rôle d’avant-guerre, celui « d’atelier de l’Asie «. Trois facteurs se sont montrés décisifs dans la réalisation de ce qu’en Occident on a appelé le « miracle japonais « : la politique américaine qui, en imposant des réformes structurelles, a permis une reconstruction rapide et la mise en place de structures politiques et économiques modernes ; la guerre de Corée (1950), qui a permis au Japon de profiter de sa position stratégique et de réaffirmer son rôle de premier pays d’Asie et de partenaire privilégié des États-Unis ; enfin la crise de Suez (1956), qui a permis un essor considérable des chantiers navals japonais. Ce rôle d’atelier lui est aujourd’hui contesté par les nouveaux « dragons « que sont Singapour, Taiwan, la Corée du Sud et Hong Kong.

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, une grande partie de l’économie du Japon se trouve soumise au contrôle d’une douzaine de cartels d’origine familiale, connus sous le nom collectif de zaibatsu (littéralement « clique financière «). Les plus importantes de ces familles, comme les Mitsui, les Iwasaki (Mitsubishi), les Sumitomo ou les Yasuda, exercent leur contrôle sur la quasi-totalité des industries du charbon, du fer, de la pâte à papier et de l’aluminium. En 1946, les autorités alliées d’occupation les interdisent, pour finalement les laisser se reconstituer dès 1949 sous le nom de zaikai. Avec l’appui des douze « city banks «, les banques qui gèrent leur capital, les cartels récupèrent rapidement leurs positions et accroissent leur poids au sein de l’économie japonaise.

Le Japon constitue la deuxième puissance économique mondiale après les États-Unis. Son produit intérieur brut (PIB) s’élevait en 2003 à 4 300,9 milliards de dollars. Le pays se plaçait au 8e rang mondial pour son PIB par habitant. Il a connu à partir de la fin des années 1990 une période de déflation dont il est sorti au milieu des années 2000. Le taux de chômage, après avoir dépassé le seuil de 5 p. 100 en 2001, est ainsi redescendu à 4,7 p. 100 en 2004.

4.2 Agriculture, forêts, pêche

En 2002, le secteur primaire employait 5 p. 100 de la population active et fournissait 1,3 p. 100 du PIB.

L’urbanisation et l’industrialisation massives du pays ont conduit à une baisse de la population rurale et de la population active du secteur primaire, suivie ces dernières années d’une diminution régulière de la surface cultivée et de la production totale. Plus de 40 p. 100 des 5 millions d’ha cultivables sont toujours consacrés à la riziculture, fortement protégée. La production est subventionnée par une caisse de contrôle du riz qui fixe les prix et garantit aux agriculteurs un revenu élevé. En 2004, le pays a produit 11,4 millions de tonnes de riz, occupant le 10e rang mondial — une quantité cependant insuffisante qui oblige le Japon à importer du riz, notamment californien. Les céréales, blé, orge, avoine, cultivées dans le nord d’Honshu et sur l’île d’Hokkaido, sont en recul constant, et le Japon complète ses ressources en important du blé australien et américain : il est d’ailleurs le premier importateur de céréales du monde, avec 26 millions de tonnes par an en moyenne. L’élevage, peu développé en raison du manque de pâturages, est une activité traditionnelle à Hokkaido et au nord de l’île d’Honshu. Thé (84 500 t en 2002, 7e producteur mondial), canne à sucre, soie et coton sont les principales productions du sud du Japon.

L’exiguïté caractérise les exploitations agricoles : 70 p. 100 des fermes ont moins de 1 ha de superficie. Beaucoup d’agriculteurs travaillent à mi-temps dans l’industrie.

Les deux tiers du Japon sont occupés par la forêt, dont 40 p. 100 environ est peuplée par des variétés de bois tendre. L’État possède environ 30 p. 100 de la forêt japonaise. Une Agence forestière gère les ressources et contrôle le reboisement. Malgré ce potentiel, l’économie forestière est en régression et, pour satisfaire la demande intérieure qui s’accroît régulièrement, le Japon doit importer du bois. La production en 2003 a été de 15,3 millions de m3.

La pêche est l’une des industries les plus importantes du Japon, les Japonais étant parmi les plus gros consommateurs mondiaux de poisson. Le pays est le 4e producteur mondial avec 5,5 millions de tonnes de prises (2001). La flotte hauturière japonaise est l’une des plus importantes du monde. Complètement industrialisée, elle concourt pour environ 25 p. 100 au total des prises. La pêche côtière représente presque la moitié de la production totale. L’aquaculture (pisciculture, ostréiculture) est pratiquée dans les eaux calmes de la mer du Japon. Les plantations d’algues d’Honshu fournissent des comestibles conditionnés en lamelles ou en farines ; après broyage, les thalles sont utilisés dans l’industrie des colles.

4.3 Mines et industries

En 2002, le secteur secondaire employait 31 p. 100 de la population active et fournissait 30,4 p. 100 du PIB.

Les ressources minières du Japon sont variées mais limitées. Pierre à chaux, cuivre, plomb, zinc et quartzite sont extraits en quantités insuffisantes pour satisfaire la demande intérieure. Le charbon est la seule matière première présente en quantité substantielle. Il est extrait à l’est d’Hokkaido, à Fukuoka et à Kyushu. Ce sont, toutefois, des charbons pauvres et d’extraction difficile.

Le Japon est l’un des premiers producteurs mondiaux d’électricité. En 2001, la production annuelle d’électricité atteignait 1 036,8 milliards de kWh, dont 60 p. 100 d’origine thermique (3e producteur mondial), 8,4 p. 100 d’origine hydraulique et 29,8 p. 100 d’origine nucléaire (3e producteur mondial). L’insuffisance de ses ressources énergétiques oblige le Japon à importer en grande quantité des matières premières, qui constituent le premier secteur d’importations (le Japon est le second importateur mondial de pétrole derrière les États-Unis).

Quasi détruite au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’industrie japonaise s’est reconstruite en l’espace de trente ans. La croissance industrielle a atteint une moyenne de 9,4 p. 100 par an au cours de la période 1965-1980, et elle a été de 6,7 p. 100 par an jusqu’en 1988. Le Japon est aujourd’hui la deuxième puissance industrielle du monde. Le pays se place aux premiers rangs mondiaux pour la construction navale, les industries électroniques, la construction automobile et la sidérurgie. Encouragées par une monnaie forte, les entreprises japonaises délocalisent de plus en plus leurs activités à l’étranger.

4.4 Secteur tertiaire

En 2002, le secteur tertiaire employait 64 p. 100 de la population active et fournissait 68,3 p. 100 du PIB.

4.4.1 Secteur financier

L’unité monétaire du Japon est le yen, divisé en 100 sen. La Banque du Japon, établie en 1882, est la banque centrale, seul organisme à pouvoir émettre la monnaie. Les banques commerciales (plus de 85) constituent le cœur du système financier japonais.

4.4.2 Transports

Il existe au Japon environ 1 177 278 km de routes, dont 78 p. 100 sont recouvertes de bitume (2002).

Les plus importantes lignes de chemin de fer, nationalisées en 1907, ont à nouveau été privatisées en 1987. La longueur du réseau est de 20 165 km. La construction de 7 000 km de voies nouvelles pour le train à grande vitesse, le Shinkansen (« train projectile «), a commencé au début des années 1970.

Le Japon possède l’une des plus grandes flottes marchandes du monde avec plus de 7 800 unités, ce qui le plaçait en 2002 au premier rang mondial. Les transports aériens sont tout aussi développés : Japan Airlines (JAL), fondée en 1951, assure à partir de Tokyo les liaisons avec l’Europe, l’Amérique, le Proche-Orient et le Sud-Est asiatique. Compagnie nationale à l’origine, All Nippon Airways (ANA) est devenue une compagnie internationale.

4.4.3 Commerce extérieur

En 2003, les importations ont atteint un montant total de 383,4 milliards de dollars, et les exportations 472 milliards de dollars, ce qui place le Japon au 3e rang mondial des pays exportateurs. Les produits manufacturés entrent pour plus de 90 p. 100 dans le montant total des exportations. En 1994, la conclusion de l’Uruguay Round (voir GATT) et les dispositions de l’accord établi par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont conduit le Japon à accepter d’ouvrir davantage son marché intérieur, jusqu’alors fortement protégé.

Le commerce extérieur est un élément essentiel de l’économie japonaise. En effet, le marché intérieur est incapable d’absorber entièrement les produits manufacturés fabriqués par l’industrie japonaise. De plus, placé dans l’obligation d’importer une grande partie des matières premières dont dépendent ses industries, le pays se doit d’exporter une part substantielle de sa production nationale. Le Japon a utilisé les énormes excédents commerciaux accumulés pendant les années 1970 et 1990 pour réaliser à l’étranger des investissements massifs.

Les principaux partenaires commerciaux du Japon sont les États-Unis et les pays d’Asie et du Proche-Orient, parmi lesquels la Corée du Sud, la Chine, Taïwan, Hong Kong, l’Indonésie, l’Arabie saoudite et Singapour.

5 HISTOIRE

Le Japon entre dans l’histoire entre le ve siècle et le viie siècle apr. J.-C., lorsqu’il commence à utiliser le système d’écriture de son grand voisin la Chine pour son propre usage. Les premiers témoignages de l’histoire japonaise conservés sont le Kojiki (« Récit des faits anciens «, 712) et le Nihon Shoki (« Chroniques du Japon «, 720). Ces deux écrits historiques relatent les légendes liées à la fondation mythique du Japon par l’empereur Jinmu (fixée en l’an 660 av. J.-C.), descendant de la déesse du soleil Amaterasu Omikami (voir mythologie japonaise), ainsi que les événements les plus récents de l’histoire politique — notamment la constitution du pays en temps qu’État autonome. Cependant, le peuple japonais apparaît déjà dans les annales chinoises, en tant que peuple barbare payant (ou non) un tribu à l’empereur chinois.

5.1 Les premiers peuplements (30 000 av. J.-C.-593 apr. J.-C.)

L’origine des premiers habitants de l’archipel japonais demeure un sujet de controverses, mais il semble désormais établi que le peuple japonais résulte du mélange de plusieurs populations assez distinctes : un peuple ancien, déjà présent au moment de la dernière glaciation, entre 30 000 et 20 000 ans av. J.-C., et au moins deux peuples arrivés sur l’archipel vers cette époque — alors que le Japon, l’Asie et l’Amérique étaient reliés par une large bande de glace —, l’un sans doute venu du sud-est du continent asiatique et l’autre vraisemblablement des plaines de Sibérie et de Chine.

5.1.1 La période de Jomon (8000 av. J.-C.-300 av. J.-C.)

Le paléolithique s’achève 8 000 ans avant notre ère pour faire place au mésolithique, que les historiens japonais appellent période de Jomon (« époque de la poterie à décor cordé «) et qui se caractérise par le développement sur tout l’archipel d’une société primitive de chasseurs-cueilleurs. Les poteries retrouvées sur les sites archéologiques de l’époque Jomon sont ornées de décors vraisemblablement dessinés à l’aide d’une corde, et constituent les premières céramiques façonnées au monde. Entre 8 000 et 300 av. J.-C., les techniques des hommes (travail du bois et de la pierre, technique de fabrication des outils) s’améliorent considérablement, permettant l’accroissement rapide de la population ainsi que l’augmentation de l’espérance de vie. Les hommes se sédentarisent, créent une culture particulièrement riche dont on commence tout juste à percer les secrets. L’agriculture, et plus particulièrement la technique de la riziculture inondée, venue de Chine par l’intermédiaire de la Corée commence à se développer vers le ve siècle av. J.-C. et ouvre la voie au néolithique, appelé par les historiens la période de Yayoi.

5.1.2 La période de Yayoi (300 av. J.-C.-300 apr. J.-C.)

La période de Yayoi marque une rupture très nette sur le plan culturel avec la période de Jomon ; elle se caractérise par l’arrivée sur l’archipel d’un grand nombre de techniques et de matériaux venus du continent, dont l’adoption rapide permet la naissance d’une civilisation profondément originale. Outre le riz et les techniques nécessaires à sa culture, arrive au Japon le métal (le bronze — mais sans qu’il y ait « d’âge du bronze « à proprement parler — et surtout le fer — très rapidement adopté, notamment pour la fabrication des armes) et les techniques qui permettent de le travailler. Le développement de petites surfaces consacrées à la riziculture favorise l’apparition d’une société agricole primitive organisée en petites communautés.

Selon les sources chinoises et plus particulièrement l’Histoire des Han antérieurs, puis la Monographie relative aux Wei, l’archipel est alors habité par un peuple nommé « Wa « par les Chinois, divisé en une centaine de petits pays qui se fédèrent à la fin du iiie siècle en un État appelé Yamatai, sous l’autorité d’une reine, Himiko. Les recherches archéologiques les plus récentes n’ont toujours pas révélé les secrets de cet État primitif : on ne sait rien de son emplacement exact, ni de son destin. Certains historiens le considèrent comme l’ancêtre du royaume du Yamato, qui apparaît dans la plaine de Nara au ive siècle apr. J.-C., et dont l’existence est en revanche bien attestée.

5.1.3 La période de Kofun (300-593)

La période de Kofun (littéralement « tertres anciens «) tire son nom des gigantesques tumulus servant de sépulture aux chefs les plus importants, qui apparaissent au début du iiie siècle et prennent, à partir du ive siècle, des dimensions imposantes — témoignant sans doute de l’existence d’une classe dirigeante de plus en plus riche et puissante. Les kofun les plus caractéristiques de l’époque mesurent plus de deux cent mètres de longueur, sont en forme de « trou de serrure « et sont jalonnés de cylindres en terre cuite, les haniwa, surmontés de récipients à offrandes, puis de figurines représentant souvent des guerriers. On a retrouvé les tumulus les plus anciens dans le Kinai, au sud du bassin du Yamato. Ils se sont diffusés ensuite dans l’ouest (jusqu’à Kyushu) puis dans l’est (jusque dans le Kanto), témoignant sans doute de l’expansion progressive de l’influence du royaume du Yamato.

Les recoupements entre les découvertes archéologiques, les chroniques chinoises de la fin de la dynastie Han et les premières annales japonaises permettent d’accréditer la tradition qui veut qu’entre le iiie et le ve siècle se soit formé, au sud de l’actuelle Kyoto, un premier État que les chroniques chinoises appellent « royaume du Yamato «. Il semblerait, en effet, qu’à peu près à cette époque, un groupe plus puissant que les autres parvienne à fédérer sous son autorité les petits royaumes de la plaine de l’actuelle Nara, peut-être avec l’aide d’immigrés venus du royaume coréen de Paekche. Dès la seconde moitié du ve siècle, l’influence de la cour du Yamato s’étend du sud de Kyushu à l’est du Kanto — comme en témoignent de récentes découvertes archéologiques —, tandis que se mettent en place des relations diplomatiques officielles avec la Corée et la Chine des Song. Ces contacts permettent, en particulier, l’introduction progressive de l’écriture, qui marque l’entrée du Japon dans l’histoire.

La supériorité de la cour du Yamato résulte, en fait, essentiellement d’un jeu d’alliances entre le clan dirigeant et les grandes familles (uji), dont l’influence et la puissance ne cesse de croître, notamment à partir du vie siècle. La cour du Yamato préside à l’introduction du bouddhisme, que l’on situe en général en l’an 538, date à laquelle le roi de Paekche envoie au Japon une statue et quelques textes bouddhiques. Cette culture s’enracine très fortement dans l’archipel et dès le viie siècle, le bouddhisme devient la religion officielle du Japon.

5.2 La période ancienne (593-1185)
5.2.1 La période d’Asuka (593-710)

La période d’Asuka, qui doit son nom à la principale résidence de la cour, débute avec l’accession au trône de l’impératrice Suiko (qui règne de 592 à 628), après l’assassinat de l’empereur Sushun par les Soga. Le neveu de l’impératrice, le prince Shotoku Taishi, prend l’initiative de réformes destinées à moderniser le pays. En 603, il fait promulguer la « Constitution en dix-sept articles «, code législatif d’inspiration bouddhique et confucianiste, et crée une bureaucratie à la chinoise, fixant notamment les échelons de la hiérarchie des fonctionnaires. Les efforts déployés par Shotoku Taishi pour stimuler l’établissement du bouddhisme à travers le pays favorisent la propagation de la culture chinoise et la formation d’une élite sinisée.

Les réformes de Shotoku Taishi sont poursuivies par ses successeurs : le prince Naka no Oe, futur empereur Tenji, et son conseiller Nakatomi no Kamatari (614-669) — auquel est plus tard octroyé le nom familial de Fujiwara — parviennent en 645 à éliminer le clan Soga et promulguent la même année les premiers décrets de la réforme de l’ère Taika (645-649), dont l’objectif principal est de renforcer le pouvoir de la maison impériale et d’affaiblir les clans. L’administration du royaume se fait désormais selon le modèle chinois : le code de l’ère Taika est ainsi suivi par ceux de Kiyomihara, Taiho et Yoro, dont les mesures permettent la mise en place progressive de ce que les historiens appellent « l’État régi par les codes « (ritsuryo), très centralisé et dominé par une bureaucratie puissante et très hiérarchisée.

5.2.2 La période de Nara (710-784)

En 710, la cour rompt avec la tradition qui veut que l’empereur change de résidence à chaque nouveau règne, et fixe sa capitale à Heijo-kyo (actuelle Nara, qui donne d’ailleurs son nom à la période de Nara), nouvelle capitale conçue comme un centre et construite selon un plan en damier imité des capitales chinoises. La vie politique est rapidement dominée par les descendants de Nakatomi no Kamatari, les Fujiwara, qui encouragent la promotion du bouddhisme — comme en témoigne notamment l’édification du Grand Bouddha de Nara, achevé vers 752 —, et le dynamisme des relations diplomatiques nouées avec la Chine de la dynastie Tang.

La population augmentant régulièrement, le pays manque rapidement de rizières à répartir selon le système mis en place par les réformes de l’ère Taika. Dès 723, un décret autorise ainsi ceux qui défrichent de nouvelles terres d’en jouir pendant trois générations. En 743, cette exception au système de répartition s’étend et permet notamment aux temples et aux grandes familles d’acquérir de vastes domaines sans limitation dans le temps.

C’est à cette époque que sont élaborées les deux premières histoires nationales, le Kojiki (712) et le Nihon Shoki (720), et qu’est compilée la première grande anthologie poétique, le Manyoshu (« Recueil des dix mille feuilles «, v. 760), tandis que se développent un art et une architecture encore largement influencés par la Chine, mais dont certains traits originaux commencent à se dégager. Le développement des temples et du clergé bouddhiste (les six sectes de Nara) devenant une charge de plus en plus pesante pour les empereurs, Kanmu (qui règne de 781 à 806) cherche à se dégager de leur influence en transférant en 784 la capitale impériale à Nagaoka puis, dix ans plus tard, à Heian-kyo (actuelle Kyoto), capitale en titre jusqu’en 1868.

5.2.3 La période de Heian (794-1185)

La période de Heian apporte au Japon plus de 350 années de paix et de prospérité. À partir du ixe siècle, la cour parvient à étendre sa domination sur toutes les îles principales du Japon, à l’exception d’Hokkaido et du nord d’Honshu, où des campagnes militaires sont régulièrement menées pour refouler les Aïnu.

5.2.3.1 Les Fujiwara

À partir de la seconde moitié du ixe siècle, le pouvoir temporel échappe progressivement à la famille impériale pour se concentrer entre les mains des Fujiwara, lesquels mettent en place une politique habile leur permettant de systématiquement s’arroger la charge de sessho (régent) ou de kanpaku (chancelier) d’un jeune empereur né d’une des demoiselles du clan. Ainsi, lorsque l’empereur Montoku meurt en 858, laissant le trône au jeune empereur Seiwa (alors âgé de huit ans), son grand-père Fujiwara no Yoshifusa prend le titre de régent, initiant une tradition guère contestée jusqu’à la fin du xe siècle. Les Fujiwara accaparent dès lors la plupart des charges officielles, à la Cour comme dans l’administration ; ils s’imposent au sein de la famille impériale en mariant, génération après génération, leurs filles aux empereurs : ceux-ci sont encouragés à abdiquer en faveur de leurs successeurs, encore enfants et aussitôt placés sous la régence d’un Fujiwara. Le plus important des membres de la famille reste Fujiwara no Michinaga (966-1028), dont les cinq filles épousent des empereurs, ce qui lui permet de contrôler absolument la Cour entre 995 et 1028.

L’époque des Fujiwara est marquée par le développement d’une culture nationale dégagée de ses influences chinoise et coréenne. Le temps de Fujiwara no Michinaga est également celui de l’apogée culturelle de la Cour de Heian, notamment sur le plan littéraire avec des femmes écrivains telles que Murasaki Shikibu, auteur du Dit du Genji (Genji monogatari, début xie siècle) ou encore Sei Shonagon. Sur le plan politique et économique, l’autorité centrale s’affaiblit progressivement : les deux grandes sectes bouddhistes nées à cette époque, tendai et shingon, acquièrent des domaines immenses, tandis que les aristocrates provinciaux se taillent de grands fiefs, souvent exemptés de taxes, qu’ils administrent personnellement. Un seigneur du clan des Taira ose même se proclamer empereur en 940. Cet événement est révélateur de la tendance qui se dessine : les clans seigneuriaux, de plus en plus autonomes, commencent à organiser leurs provinces en véritables États et à se lancer dans des guerres de conquête.

5.2.3.2 La guerre des clans

L’hégémonie des Fujiwara prend fin en 1028, après la mort de Michinaga. Puis, au milieu du xie siècle, la famille perd son monopole sur la régence : à la mort de l’empereur Go-Reizei en 1068, aucun Fujiwara n’est en âge de s’arroger ce rôle, et le trône impérial revient à l’empereur Go-Sanjo. Ce dernier n’hésite pas à marquer d’emblée son indépendance. Son fils, l’empereur Shirakawa (qui règne à partir de 1072) inaugure un nouveau mode de gouvernement, celui des « empereurs retirés « (insei) : il abdique en 1086 en faveur de son fils l’empereur Horikawa, dont il assure lui-même la régence.

Cependant, dans les provinces, commence à se développer un monde guerrier dont les ambitions sont assez éloignées des préoccupations des aristocrates de la Cour. Les samouraï, au service de propriétaires terriens restés à la capitale dont ils administrent les terres, s’organisent en clans de plus en plus puissants. Les clans les plus importants sont alors les Taira, protégés par les empereurs retirés, qui acquièrent une renommée militaire et établissent leur pouvoir dans le sud-ouest du pays autour de la mer Intérieure, et les Minamoto, proches des Fujiwara, font de même dans les vastes plaines du Kanto.

En 1156, tandis que deux frères Fujiwara, Tadamichi et Yorinaga, se déchirent pour le pouvoir, un conflit de succession éclate après la mort de l’empereur retiré Toba, entre l’ancien l’empereur Sutoku (1119-1164) et le fils de Toba tenno, le futur empereur Go-Shirakawa (1127-1192). Sutoku, Yorinaga et Minamoto no Tameyoshi s’allient alors contre Goshirakawa, Tadamichi et les guerriers Taira no Kiyomori et Minamoto no Yoshitomo, propre fils de Tameyoshi. Les batailles qui s’ensuivent, ou « troubles de l’ère Hogen «, se soldent par l’exil de Sutoku et l’avènement de Yoshirakawa. Ce dernier, devenu empereur, néglige cependant de récompenser Yoshitomo à sa juste valeur, lequel fomente un coup d’État en 1159 (« troubles de l’ère Heiji «), rapidement écrasé par Kiyomori : Yoshitomo est éliminé, ainsi que la plupart des membres de sa famille, à l’exception de ses deux plus jeunes fils, Minamoto no Yoritomo et Minamoto no Yoshitsune.

Les Taira dominent désormais le pays, tandis que Kiyomori s’arroge les postes les plus élevés de la Cour. Calquant sa politique sur celle des Fujiwara, il distribue les emplois de la Cour aux membres de sa famille et marie sa fille à un prince impérial, dont le jeune fils Antoku devient empereur en 1180. La même année, Minamoto no Yoritomo, qui a établi son quartier général dans l’est du pays (à Kamakura), saisit le prétexte d’un soulèvement organisé par son cousin Yoshinaka pour de nouveau déclencher les hostilités. Cette première bataille est un échec, mais lorsque Yoshinaka décide d’attaquer la capitale impériale en 1183, Yoritomo a rassemblé suffisamment d’hommes pour que son armée, dirigée par son brillant frère cadet Minamoto no Yoshitsune, parvienne à porter secours à l’empereur retiré Go-Shirakawa. Les batailles se succèdent, repoussant les Taira vers l’ouest du Japon, jusqu’à la bataille décisive de Dan no Ura, qui marque symboliquement la fin de l’époque antique et le début du Moyen Âge.

5.3 Le Moyen Âge (1185-1573)
5.3.1 La période de Kamakura (1185-1333)

Après la défaite des Taira, Minamoto no Yoritomo s’arroge l’essentiel du pouvoir. Il élimine son frère puis s’engage dans la pacification du pays, terminée en 1189. À Kamakura, loin de la Cour impériale et de ses splendeurs, s’élève désormais un nouveau type de pouvoir, un pouvoir guerrier temporel, qui certes tire sa légitimité de l’investissement impérial dont il ne peut se passer, mais qui, de fait, gouverne dès lors le pays. C’est le début de la période de Kamakura.

En 1192, Minamoto no Yoritomo est nommé par l’empereur Seiitaishogun, (littéralement « général chargé de la lutte contre les barbares «, abrégé en shogun), inaugurant ainsi le bakufu (littéralement, « gouvernement de la tente «) de Kamakura, gouvernement militaire d’un genre nouveau, dont naît alors une forme de féodalité qui perdure, sous différentes formes, jusqu’à la fin du xixe siècle.

Le règne des Minamoto est de courte durée. Dès 1219, faute d’héritiers Minamoto adultes, les Hojo s’arrogent le titre de régent héréditaire (shikken), qu’ils conservent jusqu’en 1333. Les « troubles de l’ère Jokyu « au cours desquels l’empereur retiré Go-Toba tente de renverser le shogunat, n’empêchent pas les Hojo d’établir fermement leur pouvoir. En 1232 est ainsi édicté un nouveau code civil et pénal en 51 articles, resté en vigueur jusqu’à la fin du xixe siècle.

Le Japon guerrier est certes un Japon plus rude et plus violent que celui de l’époque précédente, mais il est cependant au cœur d’une civilisation brillante et novatrice. Sur le plan littéraire, la lutte entre les Taira et les Minamoto, ainsi que la chute tragique des premiers, inspire une nouvelle écriture, aux accents épiques, dont le chef-d’œuvre est sans doute le Dit des Heike (Heike monogatari, v. 1220). La poésie de cour, toujours vivante, est marquée par la compilation de nouvelles anthologies, qui consacrent des poètes tels que l’empereur Go-Toba lui-même ou Fujiwara no Sadaie.

L’époque de Kamakura est également une période de grand dynamisme religieux. De nombreuses sectes apparaissent, supplantant rapidement les écoles tendai et shingon de l’époque précédente, proposant une foi et une pratique moins aristocratique, plus accessible aux laïcs. Parmi ces nouveaux courants, l’amidisme — dont la pensée est en particulier développée par les moines Genku et Shinran — promet à ses fidèles la renaissance en Terre Pure à la seule condition de croire en la puissance d’Amida ; il se répand très rapidement parmi les couches populaires. À la même époque, le bouddhisme zen est adopté par de nombreux guerriers, qui puisent dans cette doctrine une philosophie et une foi capables de les aider sur le champ de bataille. Deux nouvelles écoles zen sont alors créées, la secte rinzai, fondée par le moine Eisai, et la secte soto, fondée par Dogen. En 1253, le moine Nichiren fonde une autre secte, appelée secte du Lotus ou secte nichiren (Nichiren-shu), dont la puissance politique ne cesse de croître.

Pendant plus de cent ans, les Hojo se maintiennent au pouvoir. Leurs officiers et leurs gouverneurs de provinces acquièrent de l’influence sur leurs terres et forment à leur tour de nouveaux clans militaires. En 1274 puis en 1281, l’Empire mongol, qui contrôle déjà la Chine et la Corée, essaie de soumettre le Japon. Les Mongols sont repoussés de justesse, en partie grâce au typhon resté célèbre sous le nom de kamikaze, « vent des Dieux «.

5.3.2 La restauration de Kenmu et la période de Nanbokucho (1333-1392)

Facilement repoussées, les invasions mongoles laissent cependant le régime des Hojo épuisé et très appauvri. L’empereur Go-Daigo, intronisé en 1318 puis exilé pour avoir tenté de s’opposer au shogunat, envisage de profiter de cette faiblesse pour rassembler autour de lui suffisamment de partisans pour renverser le pouvoir en place. Il reçoit le soutien de Ashikaga Takauji (1305-1358), seigneur du clan Ashikaga et chef militaire chargé par les Hojo de maintenir l’ordre : le shogunat est renversé et le pouvoir revient à l’empereur Go-Daigo. Cette période, appelée restauration de Kenmu, ne dure qu’à peine trois ans (1333-1336).

Mécontent du peu de reconnaissance que Go-Daigo lui témoigne, Ashikaga Takauji le chasse de la capitale en 1336, intronisant un nouvel empereur, dont il reçoit la charge de shogun en 1338. Go-Daigo part se réfugier dans les montagnes au sud de Nara et y fonde une seconde cour impériale. Commence alors une longue période de guerre civile que les historiens appellent période de Nanbokucho (littéralement, « époque des cours du sud et du nord «), qui ne s’achève qu’en 1392 lorsque le shogun Yoshimitsu obtient le retour de la cour du sud et la réconciliation des deux branches impériales.

5.3.3 La période de Muromachi (1338-1573)
5.3.3.1 Le gouvernement des Ashikaga

Désormais shogun, fondateur de la lignée des Ashikaga, Takauji entreprend de renforcer son pouvoir dès les premières années de son règne. La tâche n’est pas aisée, puisque que les guerres civiles ne cessent de se succéder. Il faut attendre le gouvernement de son fils Yoshiakira (shogun de 1358 à 1367) et surtout son petit-fils Yoshimitsu (shogun de 1358 à 1394) pour que parvienne à s’établir un fragile équilibre. Un commerce officiel est notamment entrepris avec la Chine, permettant un essor économique important et le développement d’une bourgeoisie urbaine. La stabilité n’est cependant que de courte durée. Dès le début du xve siècle, le gouvernement central perd de son pourvoir, au profit des chefs militaires installés dans les provinces, les shugo daimyo. La majeure partie du pays échappe ainsi au contrôle shogunal, tandis que les campagnes sont secouées par de fréquentes révoltes paysannes.

5.3.3.2 L’essor économique et culturel

Malgré la fréquence et la violence des troubles politiques et sociaux, le shogunat des Ashikaga est une période d’essor culturel sans précédent. Ashikaga Yoshimitsu, le troisième shogun, se fait protecteur des arts et des lettres — un art largement inspiré de l’esthétique de la Chine des Ming puis des Song, importé au Japon par les moines zen et les penseurs confucianistes, dont l’influence est alors en plein développement — notamment représenté par Zeami pour le théâtre nô, Sen no Rikyu pour la cérémonie du thé, Sesshu, etc. De nouvelles influences pénètrent également, grâce à l’arrivée des Portugais qui débarquent à Kagoshima en 1543. Leurs mousquets sont vite copiés par les artisans locaux, transformant ainsi l’art de la guerre au Japon. Pour sa part, saint François Xavier, missionnaire jésuite, introduit le christianisme dans le pays en 1549.

5.3.3.3 Les « Provinces en guerre « ou période de Sengoku

Les troubles de l’ère Onin (1467-1477) marquent symboliquement l’entrée du Japon dans la période dite des « Provinces en guerre « ou période de Sengoku, pendant laquelle les seigneurs provinciaux (daimyo), tentent d’étendre leur pouvoir sur leurs terres, avant d’entrer en guerre de manière quasi systématique contre leurs voisins. De cette anarchie, bientôt étendue à tout le territoire, émergent cependant certains seigneurs encore plus ambitieux, dont le but affirmé est l’unification politique du Japon. Parmi ceux-là, on citera en particulier Takeda Shingen et son rival Uesugi Kenshin, mais aussi Oda Nobunaga et Tokugawa Ieyasu.

5.4 L’époque moderne (1573-1868)
5.4.1 La période d’Azuchi-Momoyama (1573-1603)

La période d’Azuchi-Momoyama, période de transition entre le shogunat des Ashikaga et celui des Tokugawa, marque la réunification progressive du Japon, qui a lieu en trois étapes. Oda Nobunaga, daimyo de la région de Nagoya, parvient à chasser de la capitale le dernier shogun Ashikaga. Il installe alors son quartier général à Azuchi, d’où il tente d’unifier le pays, s’emparant de plus de la moitié des plaines de l’est du pays et parvenant à briser la résistance des monastères.

Lorsque d’Oda Nobunaga est trahi et contraint au suicide par la traîtrise de l’un de ses vassaux, c’est Toyotomi Hideyoshi, son plus fidèle lieutenant et l’un de ses meilleurs soldats, qui lui succède. Ce dernier se fait construire un château à Osaka, obtient de la cour d’importantes charges — exceptée celle de shogun, n’étant pas un descendant Minamoto — et engage dès 1586 d’importantes réformes politiques et économiques destinées à asseoir son pouvoir. En 1595, avec l’aide d’un puissant vassal, Tokugawa Ieyasu, il parvient à unifier l’ensemble du territoire japonais, y compris Shikoku, Kyushu et les plaines du Nord-Est. Sa santé mentale décline cependant et, dès 1592, il entreprend de lancer ses troupes à la conquête de la Corée. La tentative est renouvelée en 1597, mais Toyotomi Hideyoshi meurt en 1598 au cours de la seconde campagne, ne laissant derrière lui qu’un fils de cinq ans.

Les vassaux d’Hideyoshi rompent rapidement le serment d’allégeance qui les lie à son jeune fils et commencent à se quereller au sujet de la succession ; néanmoins, Tokugawa Ieyasu écrase les prétendants en 1600 à la bataille de Sekigahara. Contrairement à son prédécesseur, le nouveau maître du Japon a songé à s’inventer une généalogie fictive lui permettant de s’établir une ascendance Minamoto ; aussi la Cour peut-elle lui octroyer la charge de shogun en 1603, fondant ainsi le shogunat des Tokugawa, et ouvrant une période de stabilité politique qui dure jusqu’à la fin du xixe siècle, la période d’Edo.

5.4.2 La période d’Edo (1603-1868)
5.4.2.1 Une nouvelle organisation politique et sociale

Désireux de ne pas reproduire les erreurs de ses prédécesseurs et d’assurer sans trop de difficultés sa succession, Ieyasu abdique dès 1605 en faveur de son fils, puis se débarrasse en 1615 des derniers descendants d’Hideyoshi en s’emparant de la forteresse d’Osaka. Il installe son gouvernement militaire, ou bakufu, à Edo (actuelle Tokyo) — qui devient, en peu de temps, la plus grande et la plus riche des villes du Japon —, puis entreprend un grand nombre de réformes politiques, sociales et fiscales destinées à assurer au gouvernement shogunal le contrôle absolu de la population. Lorsque Ieyasu meurt en 1616, il laisse une œuvre considérable et destinée à durer : le Japon, unifié, possède désormais un gouvernement stable.

Le personnage central de ce gouvernement est le shogun, de loin le plus puissant et le plus riche de tous les daimyo. Il dispose en permanence d’une armée de 80 000 hommes et contrôle directement les grandes villes et les ports, ainsi que tous les grands axes routiers et les mines. Le shogun gouverne seul, avec l’aide d’un conseil composé de ministres d’État (rochu) et d’un conseil d’intendants (wakashidori). Il est également assisté par les préfets d’Edo, les intendants des finances, les commissaires aux affaires religieuses et de nombreux inspecteurs. Au début de la période d’Edo, il y a environ 270 daimyo, qui se répartissent en trois catégories : les shinban daimyo, collatéraux et enfants de Tokugawa Ieyasu, les fudai daimyo, vassaux fidèles ralliés avant 1600, et les tozama daimyo, vassaux ralliés ou vaincus après 1600, souvent puissants et dangereux.

La société de la période d’Edo est divisée en catégories sociales, entre lesquelles la mobilité est en principe bloquée. On distingue ainsi les guerriers, les paysans, les artisans et les commerçants, puis, dans un autre registre, les nobles de cour, les moines bouddhistes et les desservants shinto et, enfin, en dehors de la société, les parias (eta et hinin). Le shogunat édicte, entre 1615 et 1635, un grand nombre de décrets destinés à fixer la population et à limiter au maximum la mobilité sociale. Chaque daimyo conserve dans son fief l’autorité suprême, mais doit faire serment d’allégeance aux Tokugawa, laisser sa famille en otage à Edo, et venir personnellement rendre ses devoirs au shogun une fois tous les deux ans.

5.4.2.2 La fermeture du pays

Une autre conséquence de la domination des Tokugawa est la fermeture du Japon à toute influence extérieure. Tous les étrangers sont bientôt expulsés, tandis que seuls les Hollandais et les Portugais, cantonnés dans l’île artificielle de Deshima (dans le port de Nagasaki), conservent le droit de commercer avec le pays une fois par an. Le christianisme, parce qu’il menace l’équilibre social, est interdit et, dès 1613, les chrétiens sont persécutés. En 1637 sont massacrés près de 40 000 paysans christianisés retranchés à Shimabara, près de Nagasaki. Le christianisme japonais ne s’en est jamais relevé.

Au cours des deux siècles suivants, les formes de la féodalité japonaise demeurent inchangées. Le Bushido, code des guerriers féodaux, devient le modèle de conduite des guerriers, qu’ils soient daimyo, samouraï ou ronin. Du fait de la paix durable, qui laisse inactifs un très grand nombre de guerriers, pour la plupart instruits, la culture Edo — qui, contrairement aux apparences, n’a jamais été ni complètement fermée aux influences extérieures, ni vraiment repliée sur elle-même — est particulièrement dynamique sur le plan culturel. Le développement rapide des écoles et de l’instruction permet l’apparition, aux côtés des classiques études chinoises, des « études nationales « (kokugaku), ainsi que des « études hollandaises « (rangaku). Le théâtre kabuki, l’art de Koetsu Hon.ami et l’école picturale Ukiyo-e, ainsi que les romans de Ihara Saikaku et la poésie de Basho, datent de cette période. Le néo-confucianisme devient l’idéologie officielle du gouvernement dès le quatrième shogun, qui cherche à pacifier les lois du pays et surtout à combattre la crise économique et financière naissante — qui ne cesse d’ailleurs de s’aggraver tout au long de la période d’Edo.

5.4.2.3 Les relations avec l’Occident

Lorsque les États-Unis, désireux d’investir le marché japonais, frappent à la porte diplomatique du pays en 1853 en la personne du commodore Matthew Perry, le gouvernement — affaibli par les crises politiques et ne parvenant pas à enrayer le marasme économique — n’est manifestement pas en mesure d’opposer une puissante résistance. La menace militaire étant bien réelle, le shogunat signe donc la convention de Kanagawa en mars 1854, ouvrant le pays au commerce international. Elle est suivie d’un traité commercial, négocié avec difficultés par Townsend Harris entre 1855 et 1858, bientôt ratifié par les Américains, les Anglais, les Français et les Russes. En 1860, une ambassade japonaise est envoyée aux États-Unis, et deux ans plus tard, des missions commerciales japonaises font le tour des capitales européennes, afin de négocier des accords officiels.

Le Japon s’ouvre alors à l’Occident, davantage en raison des démonstrations de la force occidentale que du désir des Japonais d’entretenir des relations avec l’étranger. Les traités donnent aux Occidentaux des privilèges considérables, y compris celui de l’extraterritorialité. Tandis que l’ouverture à l’étranger est le catalyseur d’une crise politique intérieure — qui provoque, à terme, la chute des Tokugawa. L’opposition vient de trois clans : les Satsuma, les Choshu et les Tosa. Leurs sentiments anti-étrangers vont de pair avec leur hostilité aux Tokugawa et le souhait d’une « restauration « impériale que résume un slogan : sonno joi (« révérez votre empereur, expulsez les barbares «). Ils se rallient autour de l’empereur à Kyoto et, grâce au soutien impérial, prennent l’initiative d’attaques militaires sur terre et sur mer, dirigées contre les navires étrangers qui se trouvent dans les ports japonais. Les efforts des shoguns pour empêcher ces actions demeurent sans effet.

Le mouvement contre les étrangers prend fin en 1864, après le bombardement de Shimonoseki par des navires de guerre occidentaux. Dès lors, les Japonais comprennent qu’il devient impossible de les chasser et se mettent à l’école de l’Occident. Les féodaux de Satsuma, Choshu, Tosa et d’autres fiefs fomentent un coup d’État. Le dernier shogun, Tokugawa Yoshinobu, abdique à la fin de 1867 tandis que les partisans de l’empereur, déterminés à forcer la décision, proclament, le 3 janvier 1868, la restauration impériale à Kyoto.

5.5 La période contemporaine (depuis 1868)
5.5.1 L’ère Meiji (1868-1912)
5.5.1.1 L’unification définitive du pays

Les forces provenant des fiefs de Satsuma, de Choshu et de Tosa, qui constituent désormais l’armée impériale, défont les dernières troupes des shoguns en 1868. La plupart des fiefs restent en dehors du conflit, attendant son issue. Cette guerre, dite Boshin, se termine rapidement par la capitulation des forces shogunales à Edo. Le jeune empereur Mutsuhito choisit le nom de Meiji (« gouvernement éclairé «) pour désigner son règne. Ce nom devient également son nom posthume d’empereur. Autour de lui, évoluent Okubo Toshimichi, Saigo Takamori et Kido Takayoshi, guerriers issus des clans Choshu et Satsuma, qui parviennent à monopoliser les postes ministériels et sont les artisans des réformes (voir Meiji, restauration de). La capitale impériale est transférée à Edo, rebaptisée Tokyo (« capitale de l’Est «). En 1869, les seigneurs des grands clans de Choshu, Hizen, Satsuma et Tosa remettent leurs fiefs entre les mains de l’empereur ; la renonciation des autres clans suit bientôt et, en 1871, un décret impérial proclame l’abolition de tous les fiefs, créant pour les remplacer des préfectures administrées de façon centralisée par les anciens daimyo devenus gouverneurs. La réalité du pouvoir est entre les mains des samouraï des clans Satsuma et Choshu. Issus des rangs inférieurs de la caste des samouraï, ces hommes jeunes — ils ont tous entre 27 et 41 ans en 1868 — fournissent l’essentiel des cadres de l’Empire jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

5.5.1.2 Une société nouvelle

En à peine trente ans, s’appuyant sur une élite intellectuelle ouverte sur l’Occident et aussi bien formée aux sciences venues d’Occident qu’aux disciplines traditionnelles, le Japon devient une puissance de rang mondial. Des officiers français sont engagés pour réformer l’armée de terre, tandis que des Britanniques réorganisent la marine, dont la plupart des officiers sont des hommes du clan Satsuma. Le service militaire obligatoire est décrété en 1872. Des missions sont dépêchées dans les pays étrangers, afin d’étudier les systèmes de gouvernement et les institutions. Un nouveau Code pénal, calqué sur celui de la France, est promulgué.

Le ministère de l’Éducation, créé en 1871, rend obligatoire l’enseignement primaire tandis que des programmes de formations supérieures, inspirés des modèles occidentaux, sont mis en place. Certains auteurs étrangers, parmi lesquels Jules Verne, sont traduits. L’État prend en main le financement de l’infrastructure économique. De vieilles familles marchandes, comme les Mitsui, d’anciens samouraï comme Iwasaki, fondateur de la firme Mitsubishi, peuvent ainsi jeter les bases d’une économie moderne.

En 1876, la caste des samouraï est abolie par décret. Ce n’est cependant pas sans un long et tragique affrontement entre l’armée impériale et les samouraï ; ceux-ci sont finalement vaincus à Satsuma en 1877. Saigo Takamori, qui a pris la tête de la rébellion après avoir soutenu la restauration de Meiji, se donne la mort. Cette mutation brutale, imposée par les classes supérieures — l’oligarchie des clans Choshu et Satsuma —, n’est pas le résultat d’une exigence politique populaire. Les paysans, malgré la possibilité qui leur est donnée de posséder les terres (1868), continuent à supporter la plus grande partie du fardeau des impôts et les révoltes agraires et ouvrières se poursuivent jusque dans les années 1930.

Au niveau institutionnel, ce n’est qu’en 1889 que le Japon réussit à se doter d’une Constitution qui vient couronner l’édifice. En 1881, l’empereur promet d’établir une législature nationale. En 1884, préparant la création d’une Chambre haute, une pairie est instituée, comportant cinq ordres de noblesse. Sur le modèle allemand, un cabinet est constitué en 1885 avec, à sa tête, Ito Hirobumi comme Premier ministre ; un conseil privé est également créé en 1888 ; les deux organismes sont responsables devant l’empereur. La Constitution de 1889, préparée par Ito, crée une Chambre des pairs comptant 363 membres et une Chambre basse de 463 membres, élue par les citoyens acquittant des impôts directs annuels d’au moins quinze yens, ce qui réduit le corps électoral à 450 000 personnes environ. Les pouvoirs de l’empereur sont scrupuleusement définis : il peut promulguer des décrets qui ont force de loi et lui seul peut déclarer la guerre. De plus, la Chambre basse peut être dissoute et la Chambre haute ajournée par simple décret impérial. La Constitution reste cependant vague sur les limites du pouvoir exécutif. Par la suite, des ordonnances réservent les postes de ministre des Armées et de ministre de la Marine à des officiers en exercice, ce qui laisse aux militaires un droit de veto sur la formation des cabinets et leur donne potentiellement une grande puissance politique.

5.5.1.3 Une politique extérieure agressive

Dès 1879, le Japon a pris possession des îles Ryukyu, sous protectorat japonais depuis 1609. La conquête de la Corée est l’étape suivante de son expansion. La guerre sino-japonaise (1894-1895) voit triompher l’armée japonaise. Aux termes du traité de Shimonoseki (1895), la Chine cède au Japon Formose (Taïwan), Penghu, et lui verse une indemnité financière considérable. Le traité accorde également au Japon la péninsule de Liaodong (sud de la Mandchourie), mais la Russie, la France et l’Allemagne contraignent le pays à accepter, en lieu et place, une forte indemnité.

En se lançant dans une politique coloniale, le Japon entre en conflit avec son puissant voisin, la Russie, laquelle cherche à s’étendre dans le nord-est de l’Asie à partir de la Sibérie. Les deux puissances signent, en 1898, un traité garantissant l’indépendance de la Corée, mais restant très favorable aux intérêts commerciaux du Japon. Toutefois, à la suite de la révolte des Boxers (1898-1900), les Russes occupent la Mandchourie et, de là, commencent à s’introduire dans le nord de la Corée.

En 1904, après l’échec de multiples tentatives de négociations, le Japon attaque Port-Arthur, territoire du sud de la Mandchourie cédé à bail aux Russes, puis rompt les relations diplomatiques avec la Russie avant d’entrer en guerre contre cette dernière (voir guerre russo-japonaise). La flotte japonaise écrase rapidement la flotte russe à Tsushima, tandis que sur terre elle s’empare de Port-Arthur. Le Japon, aussi épuisé que son adversaire, s’empresse de répondre aux offres de médiation du président américain Theodore Roosevelt, et un traité de paix est signé à Portsmouth (New Hampshire) le 5 septembre 1905, traité qui accorde un temps au Japon le bail sur la péninsule de Liaodong, y compris le territoire du Guandong, ainsi que la moitié sud de Sakhaline. De plus, la Russie doit reconnaître les intérêts japonais en Corée, laquelle est officiellement annexée par le Japon et rebaptisée Chosen en 1910.

5.5.2 L’ère Taisho (1912-1926)

Le futur empereur Taisho, de santé fragile, succède à son père en 1912, et les militaristes triomphent au gouvernement. Après le refus des Allemands d’évacuer le territoire de Jiaozhou (Kiao-tcheou), dans le nord-est de la Chine, le Japon se range dans le camp des Alliés lors de la Première Guerre mondiale. Les troupes impériales occupent les colonies allemandes des îles Marshall, Carolines et Mariannes, dans l’océan Pacifique. En 1915, un ultimatum en 21 points est adressé à la Chine, revendiquant des privilèges économiques sur les chemins de fer et les exploitations minières, ainsi que la promesse que la Chine ne céderait ni ne donnerait à bail à aucune autre nation que le Japon, le territoire côtier situé en face de Taiwan. L’ultimatum est accepté par les Chinois, préfigurant la politique japonaise en Asie. Le Japon, dépendant de l’extérieur, n’a que deux possibilités pour s’assurer des débouchés : l’annexion dans la tradition coloniale ou le règlement à l’amiable. La question chinoise doit orienter la politique japonaise et finalement mener à la guerre. En 1916, la Chine cède au Japon ses droits commerciaux en Mongolie-Intérieure et dans le sud de la Mandchourie.

À la suite du traité de Versailles (1919), le Japon se voit attribuer les îles du Pacifique qu’il a préalablement occupées, sous forme d’un mandat concédé par la Société des Nations, dont le pays est adhérent. Le territoire de Jiaozhou, précédemment donné à bail, est également cédé au Japon mais l’empire le restitue à la Chine en 1922, aux termes du traité de Shandong (Chantoung) signé au cours de la conférence de Washington en 1922. Celle-ci aboutit, en outre, à la signature du traité des Quatre Puissances par lequel le Japon, la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis s’engagent à respecter mutuellement les territoires en leur possession dans l’océan Pacifique et à se consulter en cas de menace sur leurs droits territoriaux. Enfin, le traité des Neuf Puissances (Belgique, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Portugal, Japon, France, Italie, Chine et États-Unis) garantit l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Chine. Un traité complémentaire entre la Grande-Bretagne, les États-Unis, le Japon, la France et l’Italie prend des mesures relatives aux armements maritimes : désormais, le tonnage total des navires de guerre japonais ne peut dépasser 315 000 tonnes.

En acceptant ces traités, le Japon fait montre d’une attitude plus conciliante envers la Chine. Néanmoins, l’ambition japonaise de contrôler le Sud-Est asiatique demeure entière. Les relations russo-japonaises se tendent après la révolution russe de 1917 et l’invasion de la Sibérie et du nord de Sakhaline par les Japonais en 1918. Elles se stabilisent quand le Japon reconnaît le régime soviétique en 1925, même si l’opposition reste latente.

Sur le plan intérieur, le Japon, ébranlé par le terrible tremblement de terre qui a ravagé Tokyo et Yokohama (1923), subit un regain d’influence des militaires, qui font proclamer la loi martiale et favorisent le mouvement de retour aux traditions et à la xénophobie. Le difficile apprentissage de la démocratie se poursuit néanmoins : en 1919, une loi double le nombre des électeurs (le portant à 3 millions) puis, pour répondre à des revendications de plus en plus aiguës, le suffrage universel est accordé en 1925. Le nombre des électeurs passe alors à 14 millions.

5.5.3 L’ère Showa (1926-1989)

En 1926, Hirohito, le petit-fils de l’empereur Meiji, accède au trône et choisit Showa (« la Paix éclairée «) comme nom officiel de règne. Cependant, le général Tanaka Giichi devient Premier ministre en 1927, confirmant le rôle prépondérant des militaires. L’industrialisation rapide du pays entraîne une forte croissance de la production. Devant l’insuffisance de ses débouchés sur le marché intérieur, le Japon reprend sa politique d’expansion agressive à l’égard de la Chine. Ayant doublé sa population depuis 1868, le Japon argumente bientôt en faveur d’une extension de l’espace et de ses ressources.

5.5.3.1 L’occupation de la Mandchourie

À la fin des années 1920, le Japon fait de la Mandchourie un protectorat de fait. Le 18 septembre 1931, l’armée japonaise s’empare des arsenaux de Moukden (Shenyang) et de plusieurs villes voisines. Les troupes chinoises doivent se retirer. Sans approbation officielle de la part de l’empereur et du gouvernement japonais — et dépassant souvent les désirs de l’état-major impérial —, l’armée du Guandong étend le théâtre de ses opérations à toute la Mandchourie et, en l’espace de cinq mois environ, se rend maîtresse de l’ensemble de la région. Imprégnés de l’idéal expansionniste prôné par des sociétés ultranationalistes comme la société du Dragon noir, les officiers assurent avec zèle la protection des intérêts nationaux par la conquête, sans se soucier des directives des politiciens. La Mandchourie devient un État fantoche, offert sous le nom de Mandchoukouo au dernier héritier des souverains mandchous, Puyi, qui en est couronné empereur en 1934.

Après enquête, la Société des Nations engage le Japon à cesser les hostilités en Chine. Le Japon réplique en se retirant de la SDN, retrait qui devient effectif en 1935. Il débarque des troupes à Shanghai afin de briser le boycott chinois sur les marchandises japonaises. Au nord, l’armée japonaise de Mandchourie occupe et annexe l’ancienne province de Rehe et menace d’occuper les villes de Pékin et de Tianjin. Incapable de résister à la supériorité militaire nippone en mai 1933, la Chine reconnaît officiellement les conquêtes japonaises.

Les initiatives prises par l’armée montrent bien le pouvoir qu’exercent les chefs militaires sur la vie politique japonaise : l’armée mène véritablement la politique étrangère du Japon en pratiquant systématiquement la politique du « fait accompli «. L’orientation totalitaire du régime se manifeste encore davantage après le retrait du Japon de la SDN. Prenant prétexte d’un assassinat politique, les militaires suspendent la vie parlementaire. Les partis démocratiques et libéraux voient leur activité entravée et les opposants sont jetés en prison. En 1937, plus un seul membre du gouvernement n’est issu de la société civile. En outre, le Japon se rapproche de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste, signant avec elles le pacte Antikomintern en 1936 et le pacte d’Acier en 1939.

5.5.3.2 La guerre avec la Chine

Le 7 juillet 1937, une patrouille chinoise se heurte aux troupes japonaises à proximité de Pékin. Utilisant cet incident pour reprendre les hostilités, l’armée japonaise de Mandchourie envoie des troupes dans le secteur, précipitant le déclenchement d’une nouvelle guerre sino-japonaise entre 1937 et 1945, guerre qui n’est jamais officiellement déclarée. Les forces japonaises envahissent rapidement le nord de la Chine. Dès la fin de 1937, la marine japonaise a réalisé le blocus de la presque totalité de la côte chinoise. L’armée, au prix de bombardements meurtriers pour les populations civiles et d’une politique de terreur impitoyable (massacre de Nankin), s’empare en moins de deux ans de la quasi-totalité de la Chine utile, mais ne parvient cependant pas à réduire la guérilla entretenue par le Parti communiste chinois et le Guomindang. Dans le même temps, le Japon est soumis à une active économie de guerre. En juin 1937, un cabinet ayant à sa tête le prince Konoe Fumimaro se décharge entièrement de la conduite de la guerre, la confiant, sans aucune intervention du gouvernement, aux chefs de l’armée et de la marine.

5.5.3.3 La Seconde Guerre mondiale

La guerre en Europe oblige le Japon à faire un choix concernant sa politique belliciste : la terre ou la mer. Choisir la terre signifie continuer la guerre en Chine et éventuellement attaquer l’Union soviétique. Opter pour la mer revient à s’étendre dans le Sud-Est asiatique avec, comme issue probable, une guerre avec les États-Unis. L’armée de terre préconise la première solution, la marine, la seconde. En 1939, le Japon attaque la Mongolie, mais en septembre, il est défait à Khalkin-Gol par les blindés russes du général Joukov. Cet échec de l’armée de terre favorise la marine. En septembre 1940, l’empire conclut une alliance tripartite avec l’Allemagne et l’Italie, l’Axe Rome-Berlin-Tokyo (voir puissances de l’Axe). Ce même mois, l’armée impériale envahit le Tonkin — possession française — sans que le gouvernement de Vichy puisse s’y opposer. Puis, en septembre 1941, le Japon signe un pacte de neutralité avec l’URSS, assurant ainsi la protection de la frontière nord de la Mandchourie. Les Japonais s’attaquent ensuite aux possessions hollandaises de l’archipel de la Sonde. Ces actes conduisent les Américains à décréter un embargo sur le pétrole et contribuent à accroître l’hostilité entre le Japon et les États-Unis. En octobre 1941, le général Tojo Hideki, violemment anti-américain, est nommé simultanément aux postes de Premier ministre et de ministre de la Guerre. Des négociations, ayant pour objectif de régler les différends entre les deux pays, se poursuivent à Washington pendant tout le mois de novembre, alors même que la décision d’entrer en guerre a déjà été prise à Tokyo.

Le 7 décembre 1941, sans aucun avertissement et tandis que les négociations se poursuivent encore entre les diplomates américains et japonais, l’aéronavale japonaise attaque Pearl Harbor et l’île d’Hawaii, les principales bases navales américaines dans le Pacifique. Les Japonais lancent des opérations simultanées sur terre, sur mer et dans les airs, contre les Philippines, Guam, l’île de Wake, l’atoll de Midway, Hong Kong, la Malaisie-Britannique et la Thaïlande. Le 8 décembre, les États-Unis déclarent la guerre au Japon, suivis des puissances alliées, à l’exception de l’URSS.

Pendant environ un an, le Japon conserve l’initiative dans le Sud-Est asiatique et les îles du Pacifique sud (voir guerre du Pacifique ; Seconde Guerre mondiale). L’Asie orientale est intégrée à la sphère économique nippone sous le nom de « Sphère de coprospérité asiatique «, qui se révèle être une entreprise de pillage généralisé des ressources des pays occupés par le Japon. Les slogans anti-occidentaux et xénophobes qui auraient pu rallier maints éléments nationalistes asiatiques ne suffisent pas à soulever durablement les pays colonisés, en raison de la cruauté des pratiques japonaises. La Birmanie, la Malaisie, Singapour — où 30 000 Britanniques sont faits prisonniers —, Bornéo, Hong Kong et les Indes orientales néerlandaises tombent aux mains des Japonais ; les Philippines sont prises après la reddition des dernières troupes américaines en mai 1942. Se dirigeant vers l’Australie et la Nouvelle-Zélande, les forces japonaises débarquent en Nouvelle-Guinée, en Nouvelle-Bretagne (actuelle Papouasie-Nouvelle-Guinée) et dans les îles Salomon. Un corps expéditionnaire occupe également Attu, Agattu et Kiska, dans les îles Aléoutiennes, au large des côtes de l’Alaska.

L’expansion japonaise est stoppée en 1942, lors de la bataille de la mer de Corail, entre la Nouvelle-Guinée et les îles Salomon. Un mois après, une flotte japonaise beaucoup plus importante est défaite à la bataille de Midway. Progressivement, l’initiative change de camp. Côté américain, les opérations terrestres, navales et aériennes sont confiées dans le Pacifique sud au général Douglas MacArthur, tandis que l’amiral Chester W. Nimitz reçoit le commandement des opérations dans le Pacifique centre. En juillet 1944, après la chute de Saipan (îles Mariannes), les militaires japonais comprennent que leur pays a perdu la guerre. À partir de novembre 1944, l’US Air Force commence à bombarder directement le territoire du Japon. De mai à août 1945, les bombardements alliés s’intensifient, dévastant plusieurs villes, détruisant les communications, les usines et ce qui reste de la marine. Lors de la conférence de Potsdam (17 juillet-2 août 1945), les Alliés exigent une reddition inconditionnelle du gouvernement japonais. Puis, le 6 août 1945, la première bombe atomique est larguée sur la ville d’Hiroshima. Deux jours plus tard, le 8 août, l’URSS déclare la guerre au Japon, et le 9 août, une seconde bombe atomique est lancée sur Nagasaki. Les armées soviétiques envahissent la Mandchourie, le nord de la Corée et Sakhaline. Hirohito décide alors d’intervenir : le 14 août, le Japon accepte les conditions des Alliés et l’empereur s’adresse à la nation pour la première fois à la radio. La reddition officielle est signée à bord du cuirassé américain Missouri, dans la baie de Tokyo, le 2 septembre 1945.

Au terme de la guerre, le pays compte environ deux millions de morts. Près de 40 p. 100 des villes et l’intégralité des structures économiques du Japon sont détruites.

5.5.3.4 Le sort d’un pays vaincu

Le 11 août 1945, le général MacArthur est nommé chef du Commandement suprême des puissances alliées (SCAP) occupant le Japon. Le SCAP a des pouvoirs discrétionnaires très étendus, et MacArthur ne se prive pas de les utiliser. Il oriente la politique japonaise afin de reconstruire un État de droit doté d’un gouvernement responsable devant le peuple, sorte de monarchie parlementaire à la manière britannique. La répression est menée avec circonspection. Un tribunal militaire interallié pour l’Extrême-Orient, présidé par un juge australien, sir William Webb, se réunit à Tokyo le 3 mai 1946 et clôture ses travaux le 12 novembre 1948. Cent soixante-quatorze inculpés sur 1 178 sont condamnés à des peines allant de la prison à vie à la peine de mort ; en fait, six exécutions ont été effectives, dont celle du général Tojo. MacArthur refuse la mise en jugement de l’empereur comme l’auraient souhaité de nombreux pays occidentaux et le Département d’État américain. Il choisit, au contraire, de s’appuyer sur la personne de l’empereur pour asseoir la reconstruction du pays.

5.5.3.5 La reconstruction

En 1946, les grands trusts industriels et bancaires sont dissous. Un programme de réforme agraire, destiné à donner aux cultivateurs la propriété de la terre, est mis en œuvre à partir de 1947. C’est la seule réforme que les Japonais, tirant les leçons de la « stratégie « du Parti communiste chinois — celui-ci a utilisé la réforme agraire pour s’implanter dans la population —, réalisent d’eux-mêmes. Tout le système éducatif est remodelé par les autorités d’occupation et les manuels sont expurgés et censurés. Le shinto d’État est démantelé, les écoles du clergé fermées. Le droit de vote est accordé aux femmes dès la première élection générale qui suit la guerre, en avril 1946, et trente-huit femmes sont élues à la Diète japonaise. En mai 1947, une nouvelle Constitution entre en vigueur. Préparée avec soin par des juristes japonais et américains sous la supervision de MacArthur, elle bouleverse l’institution impériale : l’empereur n’est plus l’État, il devient le symbole de l’État.

La réorganisation de l’économie japonaise, entièrement dévastée par la guerre, est plus difficile à réaliser. Les pénuries sont tout juste compensées par des secours en provenance des États-Unis.

5.5.3.6 Le traité de paix

Lors des négociations menées par les Alliés au cours de l’année 1950 au sujet du traité de paix avec le Japon, les États-Unis et l’Union soviétique se divisent sur plusieurs points, particulièrement sur la question de la participation de la Chine à l’élaboration du document. En mai, John Foster Dulles est désigné pour rédiger les termes du traité. Il faut plus d’un an de consultations et de négociations des puissances alliées avec le Japon pour aboutir. Le gouvernement des États-Unis convie 55 pays à assister à la Conférence de la paix. La Chine nationaliste (Taiwan) et la République populaire de Chine n’en font pas partie.

La Conférence de la paix s’ouvre à San Francisco au mois de septembre. Parmi les nations invitées, l’Inde, la Birmanie et la Yougoslavie refusent d’y assister. Le traité est ratifié par 49 nations, bien que l’URSS, la Tchécoslovaquie et la Pologne refusent de le signer. Aux termes du traité, le Japon renonce à toutes ses prétentions sur la Corée, Taïwan, les îles Kouriles, Sakhaline et à ses anciens mandats sur les îles du Pacifique. Il abandonne également tous droits et intérêts en Chine et en Corée. Le pays, qui se voit aussi interdire toute intervention militaire, doit accepter de payer des dommages de guerre qui seront réglés en biens et en services, compte tenu des ressources financières insuffisantes du pays.

En même temps, les États-Unis et le Japon signent un accord bilatéral prévoyant le maintien de bases militaires et de forces armées américaines au Japon.

MacArthur est relevé de ses fonctions au SCAP en avril 1951 en raison de son désir d’étendre le conflit à la Chine, remplacé par le lieutenant général Matthew Bunker Ridgway, alors commandant des forces des Nations unies en Corée. À la fin du mois de juin, les États-Unis interrompent leur aide économique au Japon, mais les effets préjudiciables de cette décision sur l’économie japonaise sont largement compensés par les commandes militaires américaines pour la guerre de Corée. Les problèmes économiques du pays tiennent surtout au fait que la guerre lui a fait perdre ses marchés étrangers, particulièrement celui du continent chinois. Conscients du problème, les États-Unis autorisent, au mois d’octobre, le Japon à commercer de manière limitée avec la Chine continentale.

Le 28 avril 1952, le traité de paix avec le Japon entre en vigueur et la souveraineté pleine et entière est rendue au pays. Selon les termes du traité nippo-américain de 1951, les troupes américaines restent au Japon en tant que forces de sécurité. Le gouvernement japonais conclut des traités de paix ou rétablit des relations diplomatiques avec Taïwan, la Birmanie, l’Inde et la Yougoslavie.

Aux élections générales d’octobre 1952, les premières depuis la fin de l’occupation, Yoshida Shigeru, chef du Parti libéral qui dirige le cabinet depuis 1949, est réélu Premier ministre.

5.5.3.7 Les relations avec les États-Unis

Les États-Unis, cherchant à protéger plus efficacement le Japon contre une agression chinoise ou soviétique, encouragent vivement le pays à se réarmer. En août 1953, les deux États signent un traité d’assistance militaire, autorisant la fabrication d’armes par les Japonais. En septembre, dans une déclaration conjointe, le Premier ministre Yoshida et Shigemitsu Mamoru, chef du Parti progressiste, recommandent officiellement la reconstitution d’une force de défense nationale. Les négociations menées avec les États-Unis conduisent à la signature d’un pacte de défense mutuelle par les deux pays, au mois de mars 1954.

Cette politique d’étroite collaboration avec les États-Unis est l’objet de vives critiques de la part de l’opposition et au sein même du Parti libéral. À la fin du mois de novembre, les opposants libéraux forment le Parti démocratique du Japon. Affaibli, Yoshida, n’ayant plus de majorité à la Diète, démissionne au mois de décembre. Avec l’appui du Parti socialiste, le chef de file du Parti démocratique, Hatoyama Ichiro, est élu Premier ministre.

Le Parti démocratique ne peut obtenir une majorité à la Diète, lors des élections qui ont lieu en février 1955, mais le soutien des libéraux permet à Hatoyama de retrouver son poste de Premier ministre. Le Parti démocratique et le Parti libéral fusionnent au mois de novembre de la même année, assurant au gouvernement la majorité absolue à la Diète et inaugurant le monopole du Parti libéral-démocrate en politique.

5.5.3.8 Les relations avec l’URSS

En octobre 1956, l’Union soviétique et le Japon conviennent de mettre fin à l’état de guerre qui subsiste entre eux depuis 1945. Leur accord prévoit le rétablissement de relations diplomatiques, le retour des prisonniers de guerre japonais encore détenus en URSS, la mise en vigueur des traités de pêche négociés au début de l’année, l’acceptation par les Soviétiques de l’entrée du Japon aux Nations unies et, enfin, la restitution au Japon d’un certain nombre de petites îles situées au large de ses côtes septentrionales.

5.5.3.9 Sur la scène internationale

Le 18 décembre 1955, l’Assemblée générale des Nations unies vote à l’unanimité l’admission du Japon au sein de l’organisation. Deux jours après, Ishibashi Tanzan, ministre du Commerce et de l’Industrie, succède à Hatoyama comme Premier ministre. Tout en maintenant des relations étroites avec les États-Unis, Ishibashi s’efforce de développer le commerce avec l’URSS et avec la Chine, y voyant un moyen d’améliorer la situation économique du pays.

En février 1957, Ishibashi démissionne pour raisons de santé. La Diète élit à sa place le ministre des Affaires étrangères, Kishi Nobusuke. Au même moment, le Japon conclut un traité de paix avec la Tchécoslovaquie et la Pologne. En novembre, il consent à payer 177 millions de dollars de dommages de guerre à l’Indonésie. Le Japon devient un membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies en janvier 1958.

5.5.3.10 La politique intérieure

En octobre 1958, le Parti socialiste lance un ordre de grève pour protester contre un projet de loi du gouvernement qui prévoit l’augmentation des pouvoirs de la police. Au début du mois de novembre, environ quatre millions de travailleurs se mettent en grève et le Premier ministre retire le projet de loi. Les élections de juin 1959, qui doivent pourvoir la moitié des sièges de la Chambre des conseillers, voient la victoire du Parti libéral-démocrate.

En 1960, les États-Unis et le Japon concluent un nouveau traité de défense et de sécurité donnant plus d’autonomie aux Japonais. Signé à Washington en janvier 1960, mais mal défendu par ses promoteurs, il donne lieu à une violente opposition. L’annonce malencontreuse d’une visite du président Dwight D. Eisenhower au mois de juin aggrave la crise. La visite doit être annulée en raison des craintes éprouvées pour la sécurité du président américain.

Kishi démissionne le 15 juillet et Ikeda Hayato, nouveau président du Parti libéral-démocrate, lui succède. Aux élections à la Chambre des représentants en octobre, les libéraux-démocrates remportent une brillante victoire et Ikeda forme un nouveau cabinet en décembre.

En 1963, les libéraux-démocrates, alors au gouvernement, tentent d’amender une des dispositions de la Constitution, interdisant au Japon l’entretien de forces militaires et de matériel de guerre. Cet amendement nécessite l’approbation de la Chambre des représentants à la majorité des deux tiers. Faute de majorité, Ikeda doit dissoudre la Diète, et les libéraux-démocrates perdent des sièges lors des élections du 21 novembre.

5.5.3.11 La croissance économique

L’économie japonaise poursuit sa formidable progression. Le gouvernement japonais conclut avec la Chine un accord selon lequel chacun des deux pays établira des bureaux de liaison commerciale à Pékin et à Tokyo. Le Premier ministre Ikeda, qui a été réélu président du Parti libéral-démocrate en juillet 1964, ne peut, pour raisons de santé, continuer à assumer ses fonctions. Sa succession est assurée par Sato Eisaku. Les XVIIIe jeux Olympiques ont lieu à Tokyo en octobre 1964, et le Japon procède pour l’occasion à des aménagements considérables : nouvelles routes, nouveaux bâtiments tels que le stade olympique, œuvre de Kenzo Tange. Le Japon montre ainsi à tous sa modernité. Au cours de cette période, le pays, bien que n’ayant qu’un poids politique réduit sur la scène internationale, s’affirme comme l’une des grandes puissances économiques du monde. L’exposition universelle qui se tient à Osaka en 1970 est la preuve que le Japon a regagné sa place dans les affaires mondiales. En 1971, le pays se place au troisième rang derrière les États-Unis et la République fédérale d’Allemagne pour les exportations, et au cinquième rang pour les importations.

5.5.3.12 L’instabilité du gouvernement

Bien que le Parti libéral-démocrate ait continué à tenir les rênes du gouvernement tout au long des années 1970, l’instabilité ministérielle est fréquente, en raison des tensions internes au sein du parti. En 1972, Tanaka Kakuei, qui succède à Sato en juillet, se rend en Chine populaire et rétablit les relations diplomatiques avec ce pays, rompant du même coup les relations diplomatiques du Japon avec Taïwan. En novembre 1974, face à la menace de la révélation d’un scandale, Tanaka démissionne en faveur de Miki Takeo. Le gouvernement Miki doit gérer les conséquences de la récession mondiale de 1974. L’économie japonaise, dépendante du pétrole et des matières premières, enregistre une croissance nulle pour la première fois depuis la guerre.

C’est à partir de cette date que le Parti libéral-démocrate commence à décliner. Les déchirements internes et des échecs successifs à la Diète l’affaiblissent. En 1976, la révélation que la Lockheed Aircraft Corporation aurait versé 10 millions de dollars en pots-de-vin et salaires à des politiciens et industriels japonais depuis les années 1950 se traduit par un vote de sanction lors des élections du mois de décembre : pour la première fois, les libéraux-démocrates y perdent leur majorité à la Chambre basse. Miki démissionne, et Fukuda Takeo est élu Premier ministre. Il est remplacé par Ohira Masayoshi, autre libéral-démocrate, en décembre 1978. Après la mort d’Ohira, au plus fort de la campagne électorale de 1980, Suzuki Zenko est choisi par les libéraux-démocrates pour lui succéder. Suzuki démissionne de manière inattendue en novembre 1982. Il est remplacé par Nakasone Yasuhiro simultanément à la tête du parti et au poste de Premier ministre. Les libéraux-démocrates, qui ont subi un recul en 1983 aux élections à la Diète, font leur retour le plus spectaculaire en 1986. Pour remplacer Nakasone, ils choisissent Takeshita Noboru (1924-2000), qui sera Premier ministre d’octobre 1987 à juin 1989.

Le Japon du début des années 1980 doit faire face à des problèmes liés à sa croissance : surpopulation urbaine, pollution de l’environnement, crise d’une agriculture trop protégée, relations commerciales tendues avec les Européens et les Américains. Mais le pays connaît toujours le taux annuel de croissance le plus élevé et le taux d’inflation le plus bas parmi les nations industrielles. Ce n’est qu’à partir de 1985 que la croissance se ralentit, le cours élevé du yen par rapport au dollar gênant la politique commerciale japonaise.

5.5.4 L’ère Heisei (depuis 1989)

Le prince Akihito succède à Hirohito, mort en janvier 1989. Il inaugure l’ère Heisei (« le Rétablissement de la paix «), qui pourtant se révèle rapidement être une époque troublée.

5.5.4.1 Le temps des scandales

En avril 1989, Takeshita démissionne de son poste de Premier ministre, en raison de scandales de corruption et de trafic d’influence. Son successeur Uno Sosuke, impliqué également dans un scandale, démissionne à son tour en juillet et est remplacé par Kaifu Toshiki. Les libéraux-démocrates remportent une victoire décisive aux élections parlementaires de février 1990, et cela bien que la Bourse de Tokyo commence à donner les signes d’un déclin qui se poursuit jusqu’au milieu de l’année 1992 et amène l’indice Nikkei à perdre presque les deux tiers de sa valeur. On a appelé cet événement l’explosion de « l’économie bouillonnante «.

Incapable de faire face au malaise économique et ne jouissant pas de la confiance des membres du Parti conservateur, Kaifu est remplacé, à la fin de l’année 1991, par un autre vétéran de la politique, Miyazawa Kiichi, tandis que le Parti socialiste se rebaptise Parti social-démocrate. La législation autorisant la participation des troupes japonaises aux opérations de maintien de la paix des Nations unies, qui a longtemps été considérée inconstitutionnelle, est finalement adoptée en 1992. Le mariage du prince impérial Naruhito avec une roturière, Owada Masako, au mois de juin 1993, détourne brièvement l’attention du pays des affaires publiques.

5.5.4.2 Les libéraux-démocrates menacés

Sur un fond de tension persistante avec les États-Unis concernant les excédents commerciaux du Japon, la confiance des Japonais dans leur gouvernement continue à décliner. L’opinion, en effet, éprouve une frustration croissante à voir stagner l’économie japonaise et s’indigne de la corruption générale de ses dirigeants. En juin 1993, plusieurs libéraux-démocrates, conduits par Hata Tsutomu et Ozawa Ichiro, font sécession pour créer le Nouveau Parti du Japon, donnant ainsi aux partis minoritaires à la Diète la possibilité de s’unir et de provoquer de nouvelles élections parlementaires. Aux élections de juillet, les libéraux-démocrates perdent la majorité, mettant ainsi fin à la domination qu’ils ont exercée sur le pays pendant près de quarante ans. Une fragile coalition « de sept partis « est formée ; les libéraux-démocrates deviennent le principal parti de l’opposition. Hosokawa Morihiro, un ancien libéral-démocrate devenu chef du Nouveau Parti du Japon, est élu à la tête du gouvernement. Ses réformes électorales, qui ont pour objectif principal d’assainir le climat politique, sont promulguées en janvier 1994.

Harcelé par des allégations selon lesquelles il aurait accepté de bénéficier d’un prêt illégal en 1982, et sous la pression des efforts qu’il doit déployer pour maintenir dans la coalition les sociaux-démocrates, Hosokawa se retire au début du mois d’avril 1994. La coalition des sept partis choisit alors Hata comme Premier ministre. Peu après, les sociaux-démocrates se retirent de la coalition, craignant de voir aboutir les efforts de leurs partenaires politiques pour les marginaliser. Hata, sans majorité à la Chambre basse de la Diète, démissionne en juin. Le chef du Parti social-démocrate, Murayama Tomiichi, est élu Premier ministre quelques jours plus tard, selon un accord intervenu entre la coalition et les libéraux-démocrates, ennemis de la veille ; c’est la première configuration politique de gauche à se trouver à la tête du Japon depuis 1948. Les partis réformistes d’opposition se regroupent sous le nom du parti de la Nouvelle Frontière sous la direction de Kaifu Toshiki et la gestion d’Ozawa Ichiro.

5.5.4.3 Catastrophes naturelles et attentats terroristes

L’année 1995 ébranle profondément les Japonais. Le 17 janvier, la ville de Kobe est dévastée par un tremblement de terre qui cause la mort de quelque 5 000 personnes et laisse des centaines de milliers de sans-abri. Le 20 mars, le métro de Tokyo est la cible d’une attaque par armes chimiques (gaz sarin). Cet acte de terrorisme tue douze personnes et fait des milliers de blessés. Il déclenche une psychose qui se prolonge plusieurs mois. Des enquêtes menées en direction de la secte religieuse marginale Aum Shinrikyo et de son gourou Asahara Shoko permettent de découvrir des fabriques de produits chimiques et d’armes à feu.

Le procès des membres de la secte Aum en 1996 montre la vulnérabilité du Japon face aux attaques terroristes. Le caractère exceptionnel de cet événement — d’ordinaire les sectes s’autodétruisent et ne projettent pas leur violence à l’extérieur — incite le gouvernement à réformer les lois religieuses et le statut des sectes. C’est oublier la force des organisations religieuses bouddhistes et shinto qui protestent vigoureusement contre ce qu’elles considèrent comme une atteinte aux libertés religieuses ; le statu quo ante demeure donc la loi. De plus, le pays est ébranlé par une prise d’otages à l’ambassade du Japon au Pérou effectuée par les guérilleros du mouvement Tupac Amaru (22 avril 1997). À la même époque, le 25e anniversaire de la restitution des îles Okinawa au Japon ranime les sentiments anti-américains ; plusieurs manifestations ont lieu dans l’archipel le 14 mai 1997.

5.5.4.4 L’avènement d’une nouvelle classe politique

D’un point de vue politique, la coalition gouvernementale de Murayama subit une défaite embarrassante lors des élections locales en avril 1995. En effet, un revirement général, dirigé contre les candidats des partis principaux, permet d’élire des candidats nouveaux dans le monde politique, notamment une personnalité de la télévision et un ancien comédien, aux postes clés de gouverneurs de Tokyo et d’Osaka, tandis que le parti de la Nouvelle Frontière obtient en province d’importants postes de gouverneurs. Sur le plan économique, l’intense spéculation monétaire, qui fait atteindre au yen des taux records, pèse sur le redressement économique du pays.

À la tête du gouvernement à partir de janvier 1996, le libéral-démocrate Ryutaro Hashimoto, jouissant d’une grande popularité, entreprend d’assainir le climat politique et de relancer l’économie du pays. Les élections législatives d’octobre 1996 confirment le retour en force de son parti. Parmi les mesures envisagées, la refonte de vingt ministères et agences de l’État en sept unités placées sous l’autorité du Premier ministre, destinée à accroître le contrôle du pouvoir politique sur la haute administration, cette dernière agissant trop souvent comme un « État dans l’État «.

5.5.4.5 Crise de confiance économique

En 1996, le Japon semble sorti d’une longue période de récession, mais son économie demeure fragile. La baisse du yen (depuis 1996) permet d’éviter une crise grave, mais les faillites de plusieurs maisons de titres, combinées avec de mauvais résultats, le tout dans un contexte de crise affectant l’ensemble des pays émergents de l’Asie de l’Est et du Sud-Est, entraînent une crise de confiance. Le chômage atteint le taux de 3,6 p. 100 en février 1998, tandis que le plan de relance présenté par le chef du gouvernement Hashimoto Ryutaro est mal accueilli, tant au Japon qu’à l’étranger : nouvelle chute de la Bourse de Tokyo en avril 1998, chute du yen. Les tentatives de dérégulation du système financier (« big bang «) entreprises au mois d’avril, dont l’ambition est de créer en Asie une « zone yen « comparable à la « zone euro « européenne, et d’assurer une stabilité monétaire relative, sont accueillies avec circonspection.

Lors du renouvellement de la moitié du Sénat, le Parti libéral démocrate subit un important échec électoral qui conduit Hashimoto à démissionner de son poste de leader du PLD et donc de son poste de Premier ministre, lequel est confié à Obuchi Keizo lors des élections de juillet 1998. Dans la ligne de son prédécesseur, Obuchi Keizo fait adopter en octobre 1998 un nouveau plan de relance, plus ambitieux encore. Au mois de novembre 1998, le Japon refuse la levée des tarifs douaniers sur les produits issus de la pêche et de l’exploitation forestière, stoppant net les espoirs mis dans la création d’une zone de libre échange asiatique. Sur le plan diplomatique, Keizo Obuchi rencontre le président chinois Jiang Zemin, en visite officielle au Japon, puis le président russe Boris Eltsine ; un protocole d’accord prévoyant la signature d’un traité de paix entre la Russie et le Japon est finalement adopté. En avril 1999, la coopération militaire avec les États-Unis est renforcée.

S’enfonçant dans la récession, le pays connaît un taux record de chômage : 4,8 p. 100 en mai 1999 (le plus haut niveau depuis 1953), tandis que se développe de façon spectaculaire l’emploi précaire. Le sentiment de pessimisme se généralise, et touche tout particulièrement les étudiants, qui ne sont plus assurés de trouver un emploi sitôt leur diplôme en poche. Paradoxalement, la crise crée également une mobilité nouvelle au Japon : d’une part, il est devenu possible de démissionner, d’autre part, les jeunes sont plus nombreux à poursuivre ou à reprendre des études. Ils sont en revanche moins nombreux à se marier (en 1996, 60 p. 100 des femmes de moins de trente ans habitant Tokyo étaient célibataires), ce qui pose le problème du renouvellement de la population, dont le vieillissement inquiète sérieusement les autorités.

5.5.4.6 Le retour de la stabilité ?

En octobre 1999, une nouvelle coalition gouvernementale de centre-droit, dirigée par Obuchi Keizo, rassemble le PLD, le Parti libéral, mais également le Nouveau Komeito (émanation de la secte bouddhique Sokagakkaï), ce qui soulève de vives polémiques tant dans les sphères politiques que dans l’opinion, d’autant plus que cette coalition dispose aux yeux de certains de pouvoirs excessifs. Grâce à la reprise économique qui se confirme au début de 2000 — et malgré les signes d’essoufflement que commence à donner son gouvernement —, le Premier ministre, à qui l’on attribue ce plan de sauvetage, jouit d’une grande popularité. Victime d’une embolie cérébrale au début d’avril, il meurt un mois plus tard. Désigné à huis clos, Yoshiro Mori lui succède et le gouvernement est reconduit. Le PLD remporte avec une majorité amoindrie les élections anticipées du 25 juin 2000, face à une opposition divisée et sans consistance. Yoshiro Mori, très critiqué à l’intérieur même du PLD, annonce sa démission en avril 2001. Il est remplacé par Junichiro Koizumi, qui passe pour un réformateur. Élu à la tête du PLD, il devient Premier ministre le 26 avril. Malgré dix plans de relance budgétaire, la deuxième économie mondiale est au bord de la récession, et la Bourse au plus bas depuis quinze ans.

Le nouveau Premier ministre engage une politique de réformes structurelles ambitieuse, tout en bénéficiant d’une très forte popularité. Mais la situation économique continue de se dégrader : le Japon est officiellement déclaré en récession en 2001. Le chômage dépasse le seuil psychologique de 5 p. 100 et les faillites se multiplient. Le premier cas d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) découvert dans le pays entraîne la mise en place de tests de dépistage. Dans ce contexte, la naissance de la petite princesse Aiko, le 1er décembre 2001, est accueillie dans la joie.

Au même moment, les dirigeants japonais mènent une politique étrangère active. Ils apportent leur soutien à la riposte américaine aux attentats du 11 septembre 2001 en envoyant trois unités de marine dans l'océan Indien, un geste inédit depuis 1945. En visite en Corée du Sud et en Chine, le Premier ministre exprime ses excuses pour les crimes qui y ont été commis pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il a effectué quelques mois auparavant une visite controversée au sanctuaire de Yasukuni, lieu de mémoire dédié aux soldats morts pour la patrie. Au mois de septembre 2002, il est le premier chef de gouvernement japonais à se rendre à Pyongyang dans le but de parvenir à une normalisation des relations entre le Japon et la Corée du Nord. Dans le même temps, le Japon continue de s'impliquer sur la scène internationale en devenant le premier contributeur pour la reconstruction de l'Afghanistan au lendemain de la chute du régime des talibans, à hauteur de 358 millions de dollars. En février 2003, c’est à Tokyo, qui avait déjà accueilli la première Conférence internationale pour la reconstruction de l’Afghanistan en janvier 2002, que se tient la Conférence sur la consolidation de la paix en Afghanistan, alors que le gouvernement japonais a élaboré avec le gouvernement afghan un programme intitulé Désarmement, démobilisation et réinsertion des anciens combattants (DDR), destiné à désarmer les factions armées.

Lors de la crise irakienne (automne 2002 – printemps 2003), le Premier ministre japonais s’aligne sur la résolution de George W. Bush à la veille de l’intervention américaine en Irak. Cette position est justifiée par la volonté de préserver l’alliance militaire américano-japonaise, dans un climat de tensions croissantes avec la Corée du Nord après qu’elle a annoncé la reprise de son programme nucléaire. Elle va cependant à l’encontre d’une grande partie de l’opinion publique japonaise, traditionnellement pacifiste et opposée à cette guerre préventive en Irak. Tandis que la Constitution de 1946 empêche le Japon de participer à des opérations de sécurité collective, le Parlement vote au mois de juillet 2003 des lois spéciales autorisant l’envoi de soldats en Irak pour des missions humanitaires, logistiques et médicales.

Réélu à la présidence du PLD en septembre 2003, Junichiro Koizumi est reconduit dans ses fonctions de Premier ministre par le Parlement, dominé par le PLD et par les deux autres formations de la coalition gouvernementale conservatrice (le Nouveau Komeito et le Nouveau Parti conservateur). Pouvant se prévaloir d’une embellie économique et d’une cote de popularité qui demeure élevée en dépit d’une politique controversée, le Premier ministre annonce la tenue d’élections anticipées dans le but d’obtenir le soutien parlementaire nécessaire à la poursuite de son programme de réformes (notamment la privatisation des services postaux et des régies des autoroutes). La campagne électorale donne lieu à une confrontation entre le PLD et le principal parti d’opposition, le Parti démocrate du Japon (PDJ), dirigé par Naoto Kan, ancien ministre célèbre pour sa lutte contre la bureaucratie.

À l’issue des élections législatives de novembre 2003, le PLD est en mesure de reconduire la coalition gouvernementale sortante (celle-ci dispose de 275 sièges sur les 480 que compte la Chambre basse japonaise). S’il est reconduit au poste de Premier ministre, Junichiro Koizumi sort cependant fragilisé d’un scrutin marqué par le recul du PLD (qui passe de 244 sièges avant les élections à 237 sièges), et par la percée du PDJ (de 138 à 177 sièges). Ces élections révèlent en outre une recomposition du paysage politique japonais au profit d’un système bipartite dont l’émergence ouvre des perspectives d’alternance.

Imputable aux mécontentements de la population en matière économique et sociale, le recul du PLD s’explique aussi par le rejet massif de la politique étrangère de Junichiro Koizumi. Ce rejet n’empêche cependant pas le gouvernement japonais de décider officiellement, dès le mois de décembre suivant, d’envoyer des troupes non combattantes en Irak. Cette décision historique — depuis la Seconde Guerre mondiale, c’est la première fois que le Japon envoie des troupes dans un pays encore en guerre — intervient au lendemain de l’assassinat de deux diplomates japonais en Irak. Au mois d’août 2005, le pays connaît une crise politique après le rejet par le Sénat d’un projet de privatisation de la Poste, qui révèle les profondes scissions divisant le PLD — cette institution financière, l’une des plus importantes au monde, a été l’un des moteurs de l’expansion économique du Japon, mais elle est aussi l’une des principales composantes du vaste système de corruption touchant les milieux politiques (en premier lieu le PLD) et économiques. Le Premier ministre Junichiro Koizumi, qui fait de cette privatisation la première étape de sa politique de réformes, dissout la Chambre des représentants et convoque des élections législatives anticipées, présentées comme une forme de plébiscite. Au terme d’une campagne habilement mise en scène et orchestrée afin de se défaire des élus du PLD hostiles à sa politique, il sort effectivement plébiscité du scrutin du 11 septembre 2005 — le PLD obtient 296 députés sur 480, soit la majorité absolue —, alors que la participation atteint un niveau record (67,5 p. 100) et que la principale force d’opposition, le Parti démocrate du Japon (PDJ), accuse un recul. Ce succès marque la victoire de Junichiro Koizumi sur la vieille garde du PLD, ainsi que celle du courant réformateur sur la ligne traditionnelle du compromis social. En septembre 2006, à la suite de la décision de Junichiro Koizumi de mettre fin à ses fonctions publiques, son « héritier « au PLD, Shinzo Abe, est élu à la présidence du parti et lui succède automatiquement à la tête du gouvernement. Alors que celui-ci soutient la poursuite de la mission de soutien logistique japonaise à la force internationale déployée en Afghanistan, celle-ci suscite l’hostilité d’une majorité de Japonais. Affaibli par une série de scandales financiers touchant son entourage politique, il doit faire face à la défaite historique du PLD aux élections sénatoriales de juillet 2007, à l’issue desquelles le Parti démocrate du Japon (PDJ), principal parti d’opposition, contrôle la Chambre haute. Très affecté, il démissionne brusquement dès le mois de septembre suivant. Yasuo Fukuda (71 ans), figure modérée du PLD, lui succède à la tête du parti et au poste de Premier ministre.

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