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JEAN AICARD (1848-1921). La légende du forgeron.

Publié le 21/06/2011

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Jean Aicard, poète, romancier et auteur dramatique, est né à Toulon. Ses principaux recueils sont : Jeunes Croyances (1867), Poèmes de Provence (1874), la Chanson de l'enfant (1875), le Livre des petits (1886), etc.... Il a publié aussi plusieurs romans, dont le cadre et les types sont empruntés à la Provence. Le plus connu de ces romans est Maurin des Maures. Au théâtre, il a obtenu de grands succès avec Othello (1882) et le Père Lebonnard (1889).

La légende du forgeron.

Un forgeron forgeait une poutre de fer.... Et tout en martelant le fer de ses bras nus, Le brave homme songeait aux frères inconnus A qui son bon travail serait un jour utile.... Et donc, en martelant la poutre qui rutile, Il chantait le travail qui rend dure la main, Mais qui donne un seul coeur à tout le genre humain ! Tout à coup, la chanson du forgeron s'arrête. « Ah! dit-il tristement, en secouant la tête, Mon travail est perdu, la barre ne vaut rien : Une paille est dedans; recommençons. « C'est bien ! Car le bon ouvrier est scrupuleux et juste, Il ne plaint pas l'effort de son torse robuste; Il sait que ce qu'il doit, c'est un travail bien fait, Qu'une petite cause a souvent grand effet, Que le mal sort du mal, le bien du bien, qu'en somme Un ouvrage mal fait peut entraîner mort d'homme ! Les étincelles d'or faisaient comme un soleil, Et de ce coeur vaillant, à la forge pareil, Étincelles d'amour en tous sens élancées, Jaillissaient le courage et les bonnes pensées. Et la poutre de fer, dont l'ouvrier répond, Sert un beau jour, plus tard, aux charpentes d'un pont; Et, sur le pont hardi qui fléchit et qui tremble, Voici qu'un régiment — six cents hommes ensemble — Passe, musique en tête, et le beau régiment Sent sous ses pieds le pont fléchir affreusement.... Le pont fléchit, va rompre,... et les six cents pensées Vont aux femmes, aux soeurs, aux belles fiancées.... Et, dans le coeur des gens qui voient cela des bords, La patrie a déjà pleuré les six cents morts! Chante! chante dès l'heure où ta forge s'allume ! Frappe, bon ouvrier, gaîment, sur ton enclume : Le pont ne rompra pas ! Le pont n'a pas rompu! Car le bon ouvrier a fait ce qu'il a pu, Car la barre de fer est solide et sans paille.... Chante, bon ouvrier, chante en rêvant ! Travaille ! Règle tes chants d'amour sur l'enclume au beau son ! Ton coeur bat sur l'enclume et bat dans ta chanson ! ... Les étincelles d'or, en tous sens élancées; C'est le feu de ton coeur et tes bonnes pensées. L'homme n'a jamais su, l'homme ne saura pas Combien d'hommes il a soutenus de ses bras Au-dessus du grand fleuve et de la mort certaine! Et pas un seul soldat, et pas un capitaine Ne saura qu'il lui doit la vie et le retour Au village où l'attend le baiser de l'amour. Nul ne dira : « Merci, brave homme ! « à l'homme juste Qui fit un travail fort avec son bras robuste.

(Le Livre des petits, Delagrave, édit.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Une narration poétique. — Quelle est l'idée générale développée dans cette pièce ? (Fais ce que tu fais; — à expliquer; — trouver le vers qui exprime le mieux cette idée); Le forgeron travaille-t-il avec joie ? — avec application ? (dire ce qui le prouve); Les étincelles d'or ne forment-elles pas autour de lui comme une auréole, et l'intention du poète n'est-elle pas de glorifier le travail manuel ? A qui songeait le forgeron ? Quelle idée l'inspirait ? (L'idée de la solidarité humaine...; à expliquer); Que fût-il advenu s'il n'avait pas été un scrupuleux ouvrier? Quelqu'un saura-t-il qu'il a préservé six cents hommes de la mort ? Que lui suffit-il ? Quel enseignement' se dégage de cette lecture ?

II. — L'analyse du morceau. — to Distinguez les différentes parties du morceau : a) Le forgeron martèle le fer et chante; b) Il ne chante plus : que constate-t-il ? — Que fait-il ? c) Un régiment passe sur le pont qui fléchit, mais ne rompra pas; d) Le résultat d'un scrupuleux travail. Nul, pourtant, ne dira merci au bon ouvrier; Comment nous apparaît le forgeron? (traits physiques : bras nus, main dure, torse robuste... ; traits moraux...); Que dénote le chant chez le travailleur manuel ? Quelqu'un aurait-il pu constater que la barre de fer, une fois forgée, contenait une paille ? Quel sentiment pousse le forgeron à recommencer son travail ? Montrez qu'une petite cause peut avoir un grand effet; Quelle vision évoque ici le poète ? Qu'est-ce que le bon forgeron ne connaîtra pas ?

III. — Le style ; — les expressions. — Montrez la pureté et la précision du style; Relevez les expressions qui peignent le dur labeur du forgeron (... tout en martelant le fer..., il chantait le travail qui rend dure la main...) ; Citez les vers qui nous donnent la vision du forgeron au travail, — ceux par lesquels le poète lui exprime sa sympathie et son admiration; Expliquez les vers : Ton coeur bat sur l'enclume et bat dans ta chanson; Qu'est-ce qu'un torse robuste ? — une légende ? IV. — La grammaire. — Indiquez un diminutif de poutre, de pont ; Conjuguez le verbe marteler au présent de l'indicatif et au futur simple; Distinguez les propositions contenues dans les deux derniers vers; Quels sont les compléments de dira ? Nature et fonction de chacun des mots suivants : Nul ne dira.

Rédaction. — Imaginez un récit dans lequel un artisan autre que le forgeron aura fait un travail consciencieux, et évité ainsi soit un simple accident, soit une catastrophe.

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