JEAN FOLLAIN

« POÈTES FRANÇAIS D' AUJOURD'HUl 335 entraîne à de telles profondeurs dans notre cœur et dans «les fins greniers de notre mémoire ».

Si tel charme peut s'expliquer, du même coup sera percé le secret d'un Chardin, de qui les « natures mortes » sont à ranger parmi les plus vivantes beautés du monde, et justifiée la seule démarche valable du poète qui, « sur cette étrange terre », se promène « dans les champs de son enfance éternelle » et « ne veut rien oublier ».

Les souvenirs d'enfance ne gagnent rien à être « racon· tés» ; nous ne pouvons oublier, en effet, que celui qui nous les raconte est devenu notre semblable et que sa dialectique est donc de convention.

Il faut qu'on nous les montre, il faut que l'arbre, la source, la femme qui criait dans la campagne et dont le cri est resté en suspens, le dernier soldat eii cuirasse qui se soit jamais promené dans un hourg normand, nous soient restitués, mis dans la main, comme des clefs.

La mémoire qui les tint longtemps cachés, les a polis, façonnés, débarrassés de leur contexte sans importance ; ils sont devenus singuliers ; chacun d'eux est désormais un signe.

Jean Follain excelle à décaper ces menues monnaies du passé, à leur rendre leur pouvoir d'achat et, à nous-mêmes, notre richesse perdue : LE SAPEUR Sans vertige le sapeur regardait les êtres et les choses des poissons pêchés dans la mare frétillaient sur la table ronde des cimes tremblaient autour de l'enclos de sa mère et sur le tabouret de paille le bonnet d'ours était posé at•ec la hache épique.

On entendait des cloches qui sonnaient Pour le TE DEUM de victoire le chien blanc et feu lappait avec frénésie sa soupe de pain roux. »