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Jean-Louis Baudry : Écriture et idéologie

Publié le 29/03/2011

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J.-L. Baudry s'interroge sur les raisons pour lesquelles la critique fait aujourd'hui l'objet de discussions et d'interdits dont l'âpreté montre bien qu'elle est au cœur d'un débat essentiel. [...] Le dévoilement du système, le parti pris d'exposer les présupposés formels, fait courir un risque évident, mortel, à l'idéologie que véhicule et qui justifie la « littérature «. Prise comme elle l'est dans le système économique de la consommation, la cc littérature « supporte mal qu'on mette en question les principes, car elle a partie liée avec toutes les formes de l'idéologie : religion, morale, etc. De cette idéologie dépend le statut privilégié de « l'écrivain «, apparenté comme « créateur « à Dieu, comme instrument du « verbe « au prêtre, et, comme garant du bon usage et de la grammaire, au magistrat... Prétendre que la littérature repose sur un système, essayer d'analyser et de formaliser ce système, revient à mettre à nu l'idéologie que ces « œuvres « recouvrent. En montrant que l'idéologie est fonction d'un système, que le système sert l'idéologie, on en dénonce la présomption, à savoir le caractère nécessaire, absolument vital pour elle, d'universalité. La domination de l'idéologie dépend de l'illusion qu'elle donne de l'universalité du corps de pensée qui est pris en elle. Il n'est pas admis, il ne peut pas l'être, que les « œuvres « historiquement datées, reposent sur un système formel analysable, relatif, et par conséquent susceptible d'être remplacé par d'autres. [...] « Une idéologie, écrit Althusser, est un système (possédant sa logique et sa rigueur propre) de représentations (images, mythes, idées ou concepts selon les cas) doué d'une existence et d'un rôle historique au sein d'une société donnée... L'idéologie est bien un système de représentations, mais ces représentations n'ont rien à voir avec la conscience. « La « littérature « est un des champs privilégiés de l'idéologie dans la mesure où, travaillant la langue, elle apporte le système de langage (qui doit évidemment rester inconscient) dans lequel chacun est amené à se représenter. Par là même, elle forme l'un des champs privilégiés de la lutte idéologique. S'il est indispensable, pour prendre un exemple banal, de préserver absolument la présence du personnage dans le roman, c'est qu'il y va de la représentation de l'homme, de la conception de la « nature humaine «, de la « substance de l'individu « qui sont nécessaires à la domination idéologique et au bon fonctionnement économique de la société. Théorie d'Ensemble, Éditions du Seuil, 1968, p. 128-129.

 

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