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Jorge Luis Borges (Dates)

Publié le 20/04/2012

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1899 Naissance, à Buenos-Aires le 24 août, de Jorge Luis Borges. 1914 Jorge Luis Borges fait ses études supérieures à Genève. 1923 Publication de la première oeuvre de Borges : Ferveur de Buenos-Aires. 1935 Histoire universelle de l'infamie (Jorge Luis Borges). 1944 Fictions (Jorge Luis Borges). 1949 L'Aleph, de Borges. 1955 Borges est nommé Directeur de la Bibliothèque nationale de Buenos-Aires. 1974 L'Or des tigres, de Borges. 1985 Borges publie Les Conjurés. 1986 Jorge Luis Borges meurt le 14 juin à Genève.

« diction de l'univers.

Dès lors, conte et essai sont faits de la même substance, ils se bâtissent l'un et l'autre sur une trame de représentations concrètes, comme un enchaînement de pensées.

Ici et là, l'esprit s'interroge, à partir de ce qu'il voit, sur sa capacité de formuler l'univers, d'embrasser son infinie multiplicité, d'éclairer ses trompe-l'œil.

Pareilles interrogations portent sur une matière figurable, riche d'émotion, qui est le tissu même de la vie que nous vivons : les choses prodigieuse­ ment variées et la double entente possible de leurs agencements.

De là les formes, chères à Borges, de la ramification et de la subdivision infinies; de là son goût pour les récits à tiroirs et significa­ tions successives; de là le thème du labyrinthe, où se rejoignent les idées d'infinité et de tromperie.

Par là, l'œuvre de Borges, métaphysique d'essence, demeure, non moins foncièrement, littéraire.

Nulle part les matériaux de l'art ne supportent plus naturellement que chez lui les démarches de la pensée spéculative; nulle part les idées ne sont plus spontanément des figures.

On conçoit que les frontières de l'essai critique et du récit ne puissent résister à un tel privilège.

Par exemple, l'article sur la Langue analytique de John Wilkins, recueilli dans « Enquêtes », où est développée, non sans humour, l'impuissance de l'esprit à cataloguer et à nommer métho­ diquement les éléments du réel, n'est pas substantiellement différent du récit assez sombre des « Fictions » intitulé Funes el memorioso : nous y voyons un paysan uruguayen doué d'une mémoire illimitée et totale, à la fois capable en principe d'évoquer tout le passé dans tous ses détails, et, en fait, irrémédiablement inférieure à cette tâche, faute de trouver dans le temps même le temps de revivre le temps.

Dans tel autre récit (celui qui donne son titre au recueil de l'Aleph), l'univers entier est miraculeusement visible à Carlos Daneri, d'un seul coup et dans tous les éléments qui le composent, au coin d'une certaine marche d'un escalier de cave à Buenos Aires.

L'innuméra­ bilité des éléments du monde est la pensée commune à l'article et aux contes, et Wilkins, qui a existé et dont Borges examine l'ouvrage, est frère des imaginaires Funes et Daneri.

De même, un article sur le Kubla Khan de Coleridge, recueilli dans « Enquêtes », rappelle que Coleridge, selon ses propres déclarations, composa en rêve ce poème sur le palais de l'empereur mongol; mais comme cet empereur lui-même passe pour avoir bâti son palais après l'avoir vu en songe, Borges suggère que peut-être « cette série de rêves et de travaux » n'a pas pris fin avec le poème de Coleridge, et se continuera ailleurs par quelque volonté supérieure à celle des exécutants.

Or, un conte des « Fictions », intitulé les Ruines circulaires, nous montre un magicien créant un homme, lui donnant la vie, une vie illusoire à vrai dire, car cette créature, sans s'en douter, n'est qu'un fantôme; son créateur s'en convainc en voyant que le feu ne la brûle pas; mais alors l'angoisse le saisit, de n'être peut-être lui aussi que la création irréelle d'un vivant, le rêve d'un autre, ce qu'ii vérifie en effet par la même épreuve.

Le commentaire de Coleridge et le conte fantastique mettent en œuvre, presque de la même façon, la même idée : celle d'un monde dont notre conscience n'a pas le secret, et dont la loi inconnue rend illusoire jusqu'à notre moi.

Rien n'est plus significatif, pour attester l'équivalence chez Borges de l'affabulation et de la pensée critique, que la présence, si fréquente dans son œuvre, de cette variété littéraire sur­ prenante que sont les comptes rendus de livres imaginaires; tels, par exemple, l'Approche du Caché, l'Examen de l'œuvre d'Herbert Q_uain, les Trois Versions de Judas.

Ces textes recueillis parmi les « Fic­ tions » méritent certes d'y figurer, mais ce qu'ils racontent, c'est la création d'un livre : à ce niveau il n'est que trop évident que Borges, inventeur et commentateur, est au même moment l'un et l'autre, ou mieux quelque chose de plus que l'un et que l'autre, à savoir Borges.

Telle est sans doute l'originalité majeure de Borges : cette nature en lui indistincte de deux choses que tant d'autres ont si souvent essayé d'unir par artifice, l'intuition philosophique de notre condition et l'art.

Et il ne serait pas difficile de montrer qu'en plus d'un cas le poème même s'est fait sem­ blable chez lui au commentaire ou au conte tels qu'il les entend.

L'esprit qui a pris possession de ces formes diverses les renouvelle et en efface la différence.. »

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