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Le jugement de goût dépend-il de la culture à laquelle on appartient ?

Publié le 04/01/2010

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Il est bien connu que la mythologie grecque fut non seulement l'arsenal de l'art grec mais aussi sa terre nourricière. L'idée de la nature et des rapports sociaux qui alimente l'imagination grecque... est-elle compatible avec les métiers à filer automatiques, les locomotives et le télégraphe électrique ? Qu'est-ce que Vulcain auprès de Roberts et Cie, Jupiter auprès du paratonnerre ?... Toute mythologie dompte, domine, façonne les forces de la nature, dans l'imagination et par l'imagination; elle disparaît donc au moment où ces forces sont dominées réellement... D'autre part, Achille est-il possible à l'âge de la poudre et du plomb ?... Les conditions nécessaires de la poésie épique ne s'évanouissent-elles pas ? Mais la difficulté n'est pas de comprendre que l'art grec et l'épopée sont liées à certaines formes du développement social, la difficulté, la voici : ils nous procurent encore une jouissance artistique et à certains égards ils servent de norme, ils nous sont un modèle inaccessible... ... Un homme ne peut redevenir enfant sans être puéril.

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« réussite exceptionnelle, un des sommets de la culture universelle, et pourtant la société de la Grèceantique est économiquement peu développée.

De même le théâtre de Shakespeare domine le théâtre detous les temps et il a surgi dans une civilisation beaucoup moins développée que la nôtre.

Tandis que leprogrès de la science et des techniques, si on le regarde d'assez haut, est un progrès continu, l'histoirede l'art avec ses sommets éclatants se lit difficilement comme un progrès.

Il ne suffit pas d'écrire aprèsHomère pour écrire mieux qu'Homère.

Une société médiocrement développée peut voir surgir des créationsartistiques d'une grande richesse.

Il ne suffit pas de constater les faits il faut comprendre que ces faitsposent dans la philosophie marxiste un problème redoutable.

Les superstructures artistiques offrent uneapparence d'autonomie contraire au principe du matérialisme historique : l'histoire de l'art ne paraît pasrefléter le progrès matériel des sociétés.« ...

Cela est vrai du rapport de divers genres d'art à l'intérieur du domaine de l'art lui-même...

égalementvrai du rapport de la sphère artistique dans son ensemble à l'évolution générale de la société .» Marxdistingue ici deux distorsions dans l'évolution de la « superstructure » artistique.

Tout d'abord à l'intérieurdu domaine de l'art lui-même, des formes d'art très primitives peuvent donner lieu à des créationssublimes dont le génie ne sera pas toujours égalé par les formes suivantes.

Par exemple l'épopéen'apparaît jamais « qu'à un stade peu développé de l'évolution de l'art » et pourtant ce genre a fait surgirdes « créations insignes ».

D'autre part et d'une façon générale des chefs-d'oeuvre artistiques peuventêtre produits par une société qui se trouve à un degré inférieur de développement économique.

HenriLefebvre écrit à ce propos : « Lukacs semble avoir interprété ce texte de Marx en un sens contestable.Une société économiquement supérieure pourrait avoir un art et une culture inférieure.

Marx a seulementvoulu dire qu'une société économiquement inférieure peut avoir une supériorité dans certaines formesd'art (l'épopée d'Homère par exemple) qui peuvent connaître à un stade inférieur une floraison qu'elles neconnaîtront plus ». « ...

La seule difficulté est de formuler une conception générale de ces contradictions...

»N'oublions pas que le matérialisme marxiste est un matérialisme dialectique pour lequel, précisément, lescontradictions sont le moteur de l'histoire.

L'autonomie apparente des superstructures, les distorsions etles contradictions qui peuvent apparaître dans leur évolution, constituent une objection décisive à unmatérialisme mécaniste pour lequel la superstructure serait de façon simpliste toujours parallèle àl'infrastructure qui la produit.

Mais le marxisme a toujours affirmé l'interdépendance complexe, riche decontradictions, entre infrastructure et super-structure.

Le problème des superstructures artistiques,même s'il n'a pas reçu de solution marxiste satisfaisante, peut en tout cas, en tant que problème, êtreassimilé par la philosophie dialectique du marxisme.

Il n'en présente pas moins des difficultés propres.

Lemarxisme explique assez bien, en effet, le retard fréquent des superstructures qui se maintiennentsouvent, malgré l'évolution de l'économie, dans leur état antérieur : soit parce que leur forme trèsstructurée leur assure une longue survie (c'est le cas du droit romain dont l'essentiel persiste longtempsdans les institutions juridiques de civilisations plus développées), soit parce que la classe dominanteparvient à maintenir des pouvoirs et des privilèges (à travers les formes culturelles qui les traduisent etles dissimulent) qu'un état ancien des forces productives, aujourd'hui dépassé, avait jadis suscités.

Maisquand il s'agit de l'art le problème est inverse.

C'est le paradoxe d'une superstructure qui, avec desoeuvres géniales, parait en avance sur l'infrastructure matérielle! «...

La mythologie grecque fut non seulement l'arsenal de l'art grec mais aussi sa terre nourricière...

»Hegel dans son Esthétique avait déjà insisté sur les rapports de la sculpture grecque avec la religion : «Une religion qui s'adresse aux sens comme la religion grecque doit produire sans cesse de nouvellesimages.

» Hegel ajoutait : « Pour le peuple, la vue de pareilles oeuvres n'était pas un simple spectacle,elle faisait partie de la religion elle-même et de la vie...

L'art grec n'était pas un simple ornement mais unbesoin vivant, impérieux.

» Hegel signale même que l'art romain sera inférieur parce que ce « souffleintérieur » a disparu.

Marx qui pense surtout à Homère dit que « l'art grec suppose la mythologie grecque,c'est-à-dire la nature et les formes sociales, déjà élaborées au travers de l'imagination populaire d'unefaçon inconsciemment artistique ».

La mythologie d'Homère n'est pas une allégorie artificielle, péniblementélaborée par quelque érudit; c'est une création collective des masses populaires.

Marx insiste donc surl'aspect social et vivant de l'art grec.

Les mythes expriment à leur manière la vie réelle des campagnards,des soldats ou des marins, même s'ils sont ensuite élaborés par des artistes géniaux qui ont mis en oeuvreces matériaux concrets. • Certes, la culture permet de rendre compte de certaines conditions d'apparition de l'oeuvre, maiscomme le dit Freud au sujet de la psychanalyse : « L'analyse ne peut rien nous dire de relatif àl'élucidation du don artistique, et la révélation des moyens dont se sert, pour travailler, l'artiste.

»• Mais pour arriver à l'apogée de son art, l'artiste travaille et travaille encore.

Il ne se fie pas à ce mythede l'inspiration.

Travailler, c'est créer son style.

Ainsi pour le spectateur : la sensation spontanée doit senourrir de la connaissance et nous faire découvrir qu'un Poulbot de Montmartre ne vaut pas unRembrandt.

Et c'est cela qui est possible, facile pourrait-on dire en suivant Kant, puisque je suppose enautrui les mêmes facultés que les miennes.. »

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