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Le jugement de goût peut-il se cultiver ?

Publié le 09/02/2004

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Kant définit le beau comme « ce qui plaît universellement sans concept ». Le goût peut se cultiver. On peut toujours discuter de la beauté et le goût en matière d'art peut toujours se cultiver par l'exercice de la discussion et de la critique. Mais les concepts sont impuissants à nous dire pourquoi telle oeuvre est belle ou non, ni à quoi il faut s'attacher pour en saisir la beauté. Dira-t-on, par exemple, que le "David" de Michel-Ange est beau parce que les proportions du corps humain sont respectées ? N'est-ce pas confondre la beauté et la perfection ? Dira-t-on aussi que tel nu de Renoir est beau parce que la femme représentée a la peau couleur de pêche ? N'est-ce pas confondre le beau et l'agréable ? la représentation et la chose représentée ? Toute explication de l'oeuvre d'art laisse la beauté de côté.

« - Kant conclut qu'en matière de goût, on ne peut disputer mais on peut discuter .

Il reprend l'antique opposition entre la discussion – conflit d'opinions sans issue – et la dispute – conflit de pensées où la preuve est possible. - D'abord, il y a des goûts qui s'imposent à nous et qui ne viennent pas seulement du libre choix de chacun : Malraux fait remarquer que si leshommes s'accordent plus facilement sur la beauté des femmes que surcelle des tableaux, c'est parce qu'ils ont été presque tous amoureux etpas tous amateurs de peinture. - Comme il y a des obstacles épistémologiques en science qu empêchent l'esprit d'accéder à la vérité, il y a des obstacles esthétiques qui empêchent la sensibilité d'accéder à la beauté : l'ignorance est le principal de ces obstacles.

Pour qu'un goût fûtl'expression d'une liberté personnelle, il faudrait qu'il fût l'expression d'unchoix : en l'occurrence, on aime non pas ce qu'on veut mais ce qu'onpeut ; le choix a déjà été fait à la place du sujet (stéréotypes, préjugés,etc.).

On n'aime pas spontanément l'art parce que l'art est difficile. - Le goût, en effet, est socialement déterminé ; nos goûts prétendus libres et personnels dépendent de notre âge, de notre sexe, de notreéducation, de notre niveau d'études, de la mode, de la publicité, etc. - Par ailleurs, si le goût est une affaire purement subjective, comment se fait-il que toutes les oeuvres n'ont pas d'égales chances d'être appréciées ? La hiérarchie n'est pas entre tel ou tel grand artiste mais entre telgrand artiste et tel artiste médiocre.

Rien voir avec la mode : c'est l'histoire qui se charge de faire le tri. - Le mot goût est inapproprié pour traduire le jugement et l'expérience esthétiques.

Dans le goût proprement dit, il y a consommation d'un objet par un sujet.

Or, l'expérience esthétique inverse le rapport de l'objet et dusujet : ce n'est plus l'objet qui entre dans le sujet mais le sujet qui se fond dans l'objet.

Le mot de ravissementou de contemplation est plus adéquat : être ravi, c'est être emporté, enlevé, arraché à la banalité de la viequotidienne. - De même, les termes de sentiment ou d'émotion esthétiques ne sont pas non plus très pertinents : le sentiment et l'émotion sont purement singuliers, alors que face à la grande oeuvre on est comme hors de soi.

Onéprouve parfois une telle expérience de décentrement dans l'amour et le mysticisme. 2) La médiation culturelle - L'artiste crée son oeuvre qui s'adresse à un public, lequel reçoit l'oeuvre tout autant qu'il la construit.

Il y a à la fois un mouvement de réceptivité et de participation.

Le public ne se contente pas de recevoir le message del'artiste.

La contemplation esthétique exige une activité créatrice de la part du spectateur.

En effet, pour êtreréceptif à l'oeuvre, il faut faire l'effort de la comprendre et de l'interpréter ; c'est à cette condition que l'amateurd'art cesse d'être simplement passif car il participe à une valeur supérieure qui l'arrache à son propre univers. - Mais les oeuvres d'art ne nous parlent que si notre sensibilité et notre culture les forcent à parler ; la contemplation et le plaisir esthétique deviennent alors des recréations.

L'acte créateur doit être compris,renouvelé par le spectateur : reconnaître la beauté, c'est la reproduire . - Certes, les jugements de goût varient selon les époques, les cultures, les catégories sociales (cf.

La critique de Bourdieu).

Mais il y aurait précipitation à en conclure que ces jugements de goût ne reposent sur riend'objectif, et que le premier venu est aussi bon juge qu'un autre.

Chacun est évidemment libre d'aimer ou de nepas apprécier une oeuvre.

Il n'empêche qu'un amateur averti peut mieux qu'un autre reconnaître en quoi la formed'une oeuvre innove, réussit à exprimer quelque chose qu'aucune autre n'avait donné à ressentir avant elle. - Le goût, c'est-à-dire le plaisir que le public prendra à l'oeuvre, est une affaire culturelle, mais l'innovation formelle est, ou n'est pas, dans l'oeuvre.

L'important pour chacun de nous est de goûter l'art par soi-même,chacun en fonction de sa personnalité.

Encore faut-il s'en donner les moyens, les clefs, en sachant d'abord cequ'il faut chercher dans l'oeuvre d'art.

L'inculture ne favorise pas la spontanéité.

Celui qui ne s'est pas initié auxlangages de l'art, qui n'a jamais prêté attention à la musique, aux formes des arts plastiques, jamais comparédeux voix, deux tableaux, deux interprétations d'un même thème, celui-là a moins de chances qu'un autred'entrer en relation personnelle avec une oeuvre. - Dès lors, si le beau ne plaît pas, c'est souvent que la capacité à le reconnaître a été négligée ou que les conditions de sa réceptivité ne sont pas réunies, la conscience étant tendue vers l'utile ou vers l'urgent (outrela culture, des conditions de réceptivité sont nécessaires ; disponibilité d'esprit, temps, etc.). - L'art nous désoriente souvent et remet en question l'universalité de la beauté de par les polémiques qu'il suscite.

En effet, le génie donne ses règles à l'art, produit à travers des oeuvres de nouvelles règles que nuln'attendait et qui réclament de la part du public une adaptation ; les significations de l'art sont complexes et. »

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