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Qu'est-ce que juger ?

Publié le 14/02/2004

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Que ce soit au tribunal ou dans la vie ordinaire, sur quoi se fonde-t-on pour juger par exemple qu'un homme est coupable ou innocent, qu'une oeuvre est belle ou pas? Le jugement ne fait-il que proclamer une évidence? Si cependant la personne ou la situation que l'on juge se montrent d'elles-mêmes dans leur vraie nature, a-t-on encore besoin de recourir à l'arbitrage d'un juge? À l'inverse, le jugement doit-il trancher dans le vif d'une situation confuse? Ne risque-t-il pas alors de devenir une décision arbitraire? Le jugement semble donc un acte du juge : celui-ci ne peut se réfugier derrière aucune loi, aucune vérité manifeste; il doit prendre ses responsabilités. Cependant, le jugement doit être juste et exprimer une propriété réelle de ce que l'on juge. Il convient d'élucider cette nature paradoxale du jugement qui est tout à la fois un acte du sujet qui juge et une caractéristique de l'objet jugé.

Introduction

  • I. Vers une définition du jugement.

1. Les différents sens du mot « juger «. 2. Un jugement est une relation de type « A est B «. 3. Un jugement met en relation le particulier et l'universel.

  • II. Le problème du jugement.

1. Passage problématique de l'universel au particulier et du particulier à l'universel. 2. Ce passage ne peut être assuré par un acte du sujet. 3. Il ne repose pas non plus sur une vérité évidente.

  • III. Vers la résolution du problème.

1. Le jugement résulte d'un concours de l'entendement et de la raison. a) Le jugement suppose le concours de l'entendement et de la volonté : Descartes. b) Échec de cette solution : analyse et synthèse.

2. Approfondissement de la critique de Descartes : tous les jugements sont, au fond, synthétiques. 3. Le jugement compris comme synthèse se confond avec l'exercice de la raison : Kant. Conclusion

« [Introduction] Que ce soit au tribunal ou dans la vie ordinaire, sur quoi se fonde-t-on pour juger par exemple qu'un homme estcoupable ou innocent, qu'une oeuvre est belle ou pas? Le jugement ne fait-il que proclamer une évidence? Sicependant la personne ou la situation que l'on juge se montrent d'elles-mêmes dans leur vraie nature, a-t-on encorebesoin de recourir à l'arbitrage d'un juge? À l'inverse, le jugement doit-il trancher dans le vif d'une situation confuse?Ne risque-t-il pas alors de devenir une décision arbitraire? Le jugement semble donc un acte du juge : celui-ci nepeut se réfugier derrière aucune loi, aucune vérité manifeste; il doit prendre ses responsabilités.

Cependant, lejugement doit être juste et exprimer une propriété réelle de ce que l'on juge.

Il convient d'élucider cette natureparadoxale du jugement qui est tout à la fois un acte du sujet qui juge et une caractéristique de l'objet jugé. [I.

Vers une définition du jugement.] [1.

Les différents sens du mot « juger ».] Nous devons rechercher l'essence du jugement : qu'y a-t-il de commun aux différents jugements? Pour ne pas êtreégarés dans cette recherche par quelque aspect particulier, nous envisagerons les différentes acceptions du mot «juger ».— Au sens strict, le jugement est rendu par un tribunal au cours d'un procès.— Au-delà, juger c'est donner son opinion.

Ainsi on parlera de jugement de valeur (portant sur le bien et le mal), dejugement esthétique (portant sur le beau).— Le jugement n'est pas seulement l'avis que l'on donne, mais aussi la capacité de donner des avis.

Un homme a dujugement s'il sait se prononcer avec sûreté et pertinence sur une situation, une oeuvre, une personne.

C'est ainsique le jugement en vient à désigner la raison : ne dit-on pas d'un homme atteint de folie qu'il a perdu le jugement? [2.

Un jugement est une relation de type « A est B ».

] Dans tous les cas précédents, juger équivaut à rendre un verdict, à déclarer quelque chose de quelque chose : letribunal déclare un accusé coupable ou innocent; le critique d'art, un film bon ou mauvais.

Si la raison est identifiéeau jugement, c'est qu'elle consiste à se prononcer sur le vrai et le faux, le réel et l'irréel.Ainsi, lorsque l'on fait abstraction des objets sur lesquels porte le jugement, il ne reste qu'une simple forme logique :un jugement est une proposition du type A est B.

A est le sujet; B la propriété qu'on lui attribue (on l'appelle «attribut » ou « prédicat »). [3.

Un jugement met en relation le particulier et l'universel.

] Essayons de préciser la nature des termes mis en relation.

Au cours d'un procès, le tribunal juge d'une affaire et ceau nom de la loi.

Le jugement met donc en présence des faits particuliers (un certain acte accompli par unepersonne déterminée dans des circonstances particulières...) et la loi qui est générale (ex : elle condamne lemeurtre et non tel meurtre précis).

Juger, c'est donc appliquer la loi générale au cas particulier.

La tâche du tribunalest de déterminer le type de délit auquel on a affaire.

Ainsi, un même fait (la mort d'un homme) peut appartenir àdes catégories variées : légitime défense, crime prémédité, accident involontaire, crime passionnel...

Il n'est doncpas suffisant pour juger de connaître les lois et d'établir les faits.

Il faut encore interpréter les faits pour savoir dequel article de loi ils relèvent.

Pouvons-nous confirmer cette définition sur d'autres exemples?Lorsque nous jugeons du beau ou du vrai, nous appliquons aussi une norme générale à une réalité particulière.

Nousreconnaissons dans une oeuvre ou une idée la caractéristique générale du beau ou du vrai.

Une différence apparaît,toutefois : la loi n'est plus consignée dans un code, elle n'est même pas explicitement présente à l'esprit qui juge.Cependant, en affirmant « ceci est beau » ou « ceci est vrai », nous supposons un critère du beau ou du vrai,même si nous n'y pensons pas consciemment.

Et Socrate nous apprend que c'est précisément la tâche de laphilosophie de mettre en lumière cette norme implicite de nos jugements.Dernier exemple : l'homme qui a du jugement est ici encore celui qui sait lire le général dans le particulier.

C'est lecas de l'homme politique amené à évaluer une situation, ou de l'historien appelé à apprécier une période de l'histoire.Au départ il n'y a que la multitude des témoignages et des événements.

Dans cette masse de données, l'esprit aviséde l'homme de jugement distinguera l'important du secondaire; il décèlera sous la confusion un ordre secret; ilramènera la multiplicité des faits à l'unité d'un schéma explicatif; il rendra clair, pensable ce qui était obscurci par lamasse et l'enchevêtrement du détail ; il abandonne la richesse du matériau pour n'en retenir que l'épure, lescontours.

Ainsi, grâce à son jugement, il peut apercevoir sous les données particulières, les traits caractéristiques,la forme générale.

Ici aussi une différence existe par rapport aux cas précédents.

L'idée générale n'est niexplicitement ni implicitement donnée d'avance.

Elle est au contraire ce qui est recherché par le jugement.

Lejugement peut donc déterminer le particulier à l'aide du général ; il peut aussi réfléchir sur le particulier pour en tirerle général.

Si l'on adopte la terminologie mise au point par Kant dans la Critique de la faculté de juger, on dira, dansle premier cas, que le jugement est « déterminant » et dans le second « réfléchissant ».. »

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