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KANT: le triangle isocèle

Publié le 04/05/2005

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Le premier qui démontra le triangle isocèle (qu'il s'appelât Thalès, ou de tout autre nom) fut frappé d'une grande lumière ; car il trouva qu'il ne devait pas s'attacher à ce qu'il voyait dans la figure, ou même au simple concept qu'il en avait, pour en apprendre en quelque sorte les propriétés, mais qu'il n'avait qu'à dégager ce que lui-même y faisait entrer par la pensée et construisait a priori, et que, pour connaître certainement une chose a priori, il ne devait attribuer à cette chose que ce qui dérivait nécessairement de ce qu'il y avait mis lui-même, suivant le concept qu'il s'en était fait. La physique arriva beaucoup plus lentement à trouver la grande route de la science ; car il n'y a guère plus d'un siècle et demi qu'un grand esprit, Bacon de Verulam, a en partie provoqué, et en partie, car on était déjà sur la trace, stimulé cette découverte, qui ne peut s'expliquer que par une révolution subite de la pensée. Je ne veux ici considérer la physique qu'autant qu'elle est fondée sur des principes empiriques. Lorsque Galilée fit rouler sur un plan incliné des boules dont il avait 1 lui-même déterminé la pesanteur, ou que Torricelli fit porter à l'air un poids qu'il savait être égal à une colonne d'eau à lui connue, ou que, plus tard, Stahl transforma des métaux en chaux et celle-ci à son tour en métal, en y retranchant ou en y ajoutant certains éléments, alors une nouvelle lumière vint éclairer tous les physiciens. Ils comprirent que la raison n'aperçoit que ce qu'elle produit elle-même d'après ses propres plans, qu'elle doit prendre les devants avec les principes qui déterminent ses jugements suivant des lois constantes, et forcer la nature à répondre à ses questions, au lieu de se laisser conduire par elle comme à la lisière ; car autrement des observations accidentelles et faites sans aucun plan tracé d'avance ne sauraient se rattacher à une loi nécessaire, ce que cherche pourtant et ce ' qu'exige la raison. Celle-ci doit se présenter à la nature tenant d'une main ses principes, qui seuls peuvent donner à des phénomènes concordants l'autorité de lois, et de l'autre les expériences qu'elle a instituées d'après ces mêmes principes. Elle lui demande de l'instruire, non pas comme un écolier qui se laisse dire tout ce qui plaît au maître, mais comme un juge qui a le droit de contraindre les témoins à répondre aux questions qu'il leur adresse. KANT

QUESTIONNEMENT INDICATIF    • La raison produit-elle des objets physiques (par exemple produit-elle les sphères qui roulent sur le plan incliné, l'air dont la pression agit sur la surface de l'eau) ? Que produit-elle alors ? Que signifie ici « voir « ?  • En quoi les expériences de Galilée et Torricelli nous éclairent-elles sur ce qui est à l'œuvre dans l'expérimentation ?  • Les « lois immuables « sont-elles les fois physiques ?  • Qu'est-ce qu'une loi « nécessaire «? Pouvez-vous donner une définition de « nécessaire « et de « contingent « ?  • Qu'est-ce qu'avoir « l'autorité de lois « ?  • Pourquoi, selon Kant, seuls les principes (de la raison) peuvent donner aux phénomènes concordants entre eux l'autorité de lois ?  • En quoi l'expérimentation « est-elle nécessaire, selon Kant ?  • Quelle est la fonction de la métaphore « filée « « écolier« « juge «, « maître «, « témoin « ?  • Qu'est-ce qui doit être « premier « dans l'expérimentation ?  • Ce texte a-t-il un intérêt simplement « épistémologique «  ou se situe-t-il dans le domaine de la philosophie des sciences ?

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« Dans la Critique de la Raison Pure, Kant compare sa méthode à celle de Copernic.

Le savant polonais mitenfin l'astronomie sur la voie de la science moderne lorsqu'il plaça le soleil au centre de son astronomie et endélogea la Terre (héliocentrisme).

Kant compare le décentrement opéré par Copernic au sien propre:jusqu'alors, on a cherché à résoudre le problème de la connaissance en faisant tourner le sujet autour del'objet.

Décentrons l'objet, replaçons au centre le sujet qui connaît et mettons l'objet connu à la périphérie.Ainsi, affirme Kant, nous pourrons savoir en quoi la connaissance consiste au juste et quelles en sont leslimites. Problématique. Les Anciens ont rapidement constaté qu'on ne peut connaître des objets mathématiques que les propriétéstirées de leur concept.

Par contre, la physique a dû abandonner la méthode empirique, pour admettre que,même dans la nature, la raison n'aperçoit que ce qu'elle a elle-même produit. Enjeux. Dans la recherche scientifique, la raison ne peut pas se contenter de recevoir passivement les données del'expérience.

Au contraire, c'est en posant des questions à la nature qu'elle peut connaître ce que déjà ellecherchait.

La connaissance par simple observation ne suffit pas, comme le montrera l'essor de la méthodeexpérimentale. Alors que dans la Logique, selon Kant, « la raison n'a affaire qu'à elle-même », elle doit s'occuper, engéométrie, de figures et d'espace, et, en physique, d'objets matériels et de principes empiriques.

Commentpeut-elle s'appliquer à l'expérience sans dériver ses concepts de l'expérience ? Kant n'entend pas ici faire oeuvre d'historien des sciences.

L'exactitude des dates et des noms ne lui importeguère.

« L'histoire de cette révolution de la façon de penser, écrit-il un peu auparavant, [...] et de l'hommequi eut le bonheur de l'accomplir, n'est point parvenue jusqu'à nous ».

Il propose une épure de la démarchescientifique, selon laquelle les opérations de la raison priment sur les propriétés de l'objet à connaître.Le premier alinéa du texte évoque la boutade selon laquelle « la géométrie est l'art de raisonner juste sur desfigures fausses ».

En effet, la démonstration d'une propriété géométrique (par exemple : la somme desangles intérieurs d'un triangle quelconque est égale à deux angles droits) n'est pas une vérification surpièces, (car alors chaque nouveau triangle tracé devrait être soumis à une mesure de ses angles, tâcheapproximative et sans fin).

Démontrer, en géométrie, ce n'est pas traduire par des propositions généralesdes observations faites sur des figures particulières.

C'est, au contraire, ne voir dans les figures particulièresque des supports traduisant les définitions et les concepts géométriques de base.

Sur un tableau, ou surune feuille, l'angle que fait la parallèle à un côté passant par le sommet opposé du triangle avec leprolongement d'un des côtés adjacents au sommet n'est jamais rigoureusement égal à l'angle intérieur quefait le côté prolongé avec le côté opposé au sommet.

En revanche, pour le géomètre qui raisonne, ils sont,par construction, égaux, et c'est sur cette égalité, qui n'a lieu que dans une détermination a priori del'espace, que repose sa démonstration.Semblablement, le physicien ne se contente pas d'inventorier les observations de la nature.

Les lois et lespropriétés qu'il cherche à mettre en évidence ne pourront être universelles et nécessaires que si ellesprocèdent de principes qui ne sont pas dérivés de l'expérience (même s'ils doivent rester applicables auxobjets de l'expérience).

L'expérience, en effet, ne nous livre que des successions régulières, desenchaînements habituels, mais rien qui atteigne à une universalité rigoureuse.

La synthèse de l'expérienceréclame, si on ne veut pas en rester à une rhapsodie de perceptions, la mise en oeuvre de principesrationnels, que Kant appelle jugements synthétiques a priori, comme par exemple : « dans tous leschangements du monde corporel, la quantité de matière reste inchangée » (Critique, Introduction, V).

Cesexigences rationnelles forment le cadre a priori de l'unité de l'expérience, même si nous ne pouvons pastoujours déterminer a priori le degré de cette unité.

C'est l'affaire de la perception, que de nous renseignersur la matière des phénomènes.

Les valeurs particulières et les nuances ne peuvent être anticipées, maisl'architecture de l'expérience, sa syntaxe générale sont l'oeuvre de la raison.Comme lors d'une reconstitution des faits, c'est la raison qui expérimente pour vérifier ses hypothèses.

Elleconstruit l'expérience plus fondamentalement que l'expérience ne l'instruit.

Kant va même jusqu'à dire que «l'entendement est l'auteur de l'expérience » (quant à sa forme générale seulement) (Critique, § 14).

Ainsi, laraison prend les devants, au moins pour ce qui relève de sa compétence ; les principes a priori de lasynthèse de l'expérience.

Le texte suivant, illustrera jusqu'où peut aller, dans la théorie mathématique, laconstruction des concepts : comment la raison peut donner à la suite des nombres entiers, par exemple, laforme d'un système de définitions et d'axiomes.. »

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