Devoir de Philosophie

Qu'est-ce qu'une volonté universelle ?

Publié le 10/03/2004

Extrait du document

Il a une sensibilité, des tendances, des passions ; sa nature sen­sible n'est pas toujours disposée à suivre les indications de la raison. Si la raison parle sous la forme sévère du devoir, c'est parce qu'il faut imposer silence à notre nature charnelle, parce qu'il faut au prix d'un effort plier l'humaine volonté à la loi du devoir. Ainsi l'obligation, tout en prenant sa source à l'intérieur de notre conscience, n'en est pas moins transcendante à l'égard de notre nature. Le domaine de la morale n'est donc plus celui de la nature (soumission animale aux instincts) mais n'est pas encore celui de la sainteté (où la nature transfigurée par la grâce éprouverait un attrait instinctif et irrésistible pour les valeurs morales). Le mérite moral se mesure précisément à l'effort que nous faisons pour soumettre notre nature aux exigences du devoir. Il faut bien comprendre la signification philosophique de ce rigorisme. Kant ne nous dit pas que l'honnête homme est exclusivement celui qui fait son devoir douloureusement, péni­blement et par contrainte. Il plaint même celui qui fait son devoir sans joie et seulement comme une corvée. Il admet, au point de vue pédagogique, que pour conduire un esprit corrompu dans la voie du bien moral on puisse avoir besoin de lui représenter son avantage personnel, de l'effrayer par la crainte d'un dommage ou d'éveiller en lui des sentiments généreux. Mais au point de vue philosophique il maintient que c'est la pure maxime de la raison qui est le fondement de la morale.

Étymologiquement, le bonheur, c'est le bon heur, où le terme heur signifie fortune, chance. La fortune, c'est donc la configuration provisoire des événements, des choses et des personnes. Le bonheur, c'est donc le moment où cette configuration est bonne, il se distingue du malheur. Le bonheur, c'est par exemple de rencontrer l’âme sœur au coin d’une rue, tandis que le malheur, c'est une averse inopinée. Bonheur et malheur ne sont donc des notions pertinentes que dans un monde soumis au changement, où des événements heureux ou malheureux peuvent advenir. Le devoir, quant à lui désigne une exigence morale, un lien (on est tenu), qui n'est pas de l'ordre du nécessaire mais de l'ordre de l'obligation: un lien entre une action à accomplir et une loi morale qui commande absolument. Le devoir fait donc référence à ce qui doit être, indépendamment de ce qui est réellement (on ne saurait dire qu’un état de fait est moral du seul fait qu’il existe), tandis que le bonheur, d’après notre définition, est au contraire un état de fait heureux, mais contingent. Les deux termes semblent donc totalement opposés. Pourtant, si le devoir fait référence à ce qui doit être, on peut supposer que réussir à agir selon ce qui devrait être doit rendre l’homme heureux, puisque cela manifeste une réussite bien plus grande que la réjouissance face à un simple hasard. Le devoir et le bonheur sont-ils distinct, ou au contraire, profondément corollaires ?  

 

I.                   Le bonheur exige la satisfaction des passions, le devoir en exige la maitrise.

II.                L’utilitarisme : une réconciliation du bonheur et du devoir?

III.             Le devoir comme intérêt bien compris

 

« Tant mieux, après tout, si l'honnête homme fait son devoir avec plaisir, mais il importe de souligner que ce n'est pas la recherche de ce plaisir qui qualifie son acte comme comporte ment moral.

Ce n'est pas le plaisir pris comme but qui fonde l'action morale de l'honnête homme. 3° LE LOGICISME DE KANT L'action morale est pour Kant celle qui n'a d'autre souci que de respecter la forme même de la raison.

Et nos devoirs peuvent se déduire a priori de la structure formelle de la raison.

Ainsi la morale apparaît rigoureusement comme une logique de l'action. a) Le premier principe de la raison est d'éviter la contradiction.

D'où la première maxime de l'impératif catégorique : «Agis toujours de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en règle universelle».

Avant d'agir nous sommes tenus de nous demander : «Et si tout le monde en faisait autant?» afin d'examiner si la maximede notre action ne se détruit pas elle-même du fait d'une contradiction interne.

Ainsi je ne puis me proposer pour maxime de ne pas restituer le dépôt qu'on m'a confié, ou de voler, ou de mentir.

Car de tels préceptes ne sauraient être universalisés sans contradiction. b) Le respect dû à la raison s'étend évidemment au sujet raisonnable, c'est-à-dire à la personne humaine.

II fautfaire à Kant une place d'honneur à l'origine du courant personnaliste, d'abord parce qu'il insiste sur l'autonomie de la personne humaine qui ne relève que d'elle-même, ensuite parce qu'il exige le respect de la personne humaine.

Lapersonne raison nable n'est pas seulement la source des valeurs, elle est aussi la valeur par excellence.

D'où la seconde maxime : «Agis toujours de telle sorte que tu traites l'humanité en toi et chez les autres comme une fin et jamais comme un moyen» (à partir de cette maxime on condamnera aisément l'esclavage et plus généralement toute forme d'exploitation de l'homme par l'homme). c) La troisième maxime souligne l'importance de l'autonomie morale : je suis soumis à une loi dont je suis moi-mêmele législateur et tous les hommes, sujets raisonnables, se trouvent soumis à la même loi.

«Agis toujours de telle sorte que tu considères ta volonté raisonnable comme instituant une législation universelle.» La société idéale apparaît alors comme une république d'hommes libres dont l'harmonie résulte de ce que chacun pose pour lui- même ainsi que pour les autres des règles universellement valables.

Dans cette société démocratique le subordonné obéira au chef sans renier l'autonomie de la conscience parce que ce que son chef lui com mande est ce que sa propre raison (qui est la raison universelle) lui dicte.

Lui-même s'il était chef donnerait donc exactement les mêmes ordres.

Ceci éclaire l'idée chère à Rousseau de volonté générale.

La volonté générale n'est plus ici le capricecontingent d'une majorité électorale, mais l'expression pure et simple des exigences de la raison universelle.

Dès lors le chef n'est plus de droit divin et s'il est un tyran qui trahit les exig ences de la raison, le peuple a le droit, mieux le devoir, de lui demander de renoncer à son poste. Cette théorie kantienne de l'obligation en impose par son caractère systématique.

Elle appelle pourtant bien des réserves. Et tout d'abord on peut indiquer l'insuffisance de son formalisme.

Accordons à Kant que la bonne intention est la condition nécessaire de la valeur morale d'un acte.

Elle n'est pas une condition suffisante.

Certes Kant ne confond pas l'intent ion morale avec un simple voeu, la bonne intention dont il parle est évidemment celle qui a le courage et la volonté de s'incarner dans un acte.

Mais précisément on peut se demander si l'acte moral doit être uniquement apprécié par rapport à l'inten tion qui l'inspire.

Beaucoup d'hommes en effet ressemblent à l'ours de la fable qui lance un gros pavé sur le visage de son maître endormi dans l'excellente intention de le délivrer d'une mouche importune ! Les grands inquisiteurs torturaient l'héré tique dans l'intention de le convertir et de lui épargner les tour ments infinis de l'enfer.

Des parents pleins de bonne volonté peuvent dans l'excellente intention de surveiller leurs enfants, de leur éviter des expériences pénibles, de les protéger des dan gers de la vie, en faire des inadaptés et des timides incurables. Dira-t-on que de tels actes sont moralement parfaits sous prétexte que la bonne volonté de leurs auteurs est certaine, sous prétexte que leur âme est pure ? Il faudrait, pour suivre Kant dans cette voie, accepter le principe d'une morale mystique, qui se soucierait exclusivement de la pureté des consciences, et serait indifférente à la matière même des oeuvres.

En fait nous sentons bien que nous avons le devoir d'augmenter la quantité du bien dans le monde, de travailler au bonheur humain, d'aider le prochain à s'épanouir pleinement.

Nous ne pouvons nous contenter d'une morale formelle car il faut agir concrète ment, il faut incarner les valeurs dans le monde.

L'acte authen tiquement moral n'est pas seulement l'acte bien intentionné mais aussi l'acte efficace; il suppose donc l'intelligence et la réflexion, l'adaptation de mon intention aux circonstances concrètes.

«La qualité des âmes, dit Brunschvicg, ne dispense pas de la qualité des idées.» Hegel a montré que le culte kantien de la «belle âme» dissimule un secret égoïsme.

Lorsque Kant nous interdit de mentir quelles que soient les cir constances, et même pour sauver un innocent — l'essentiel étant de respecter la règle de sincérité quelles que soient lesconséquences matérielles de notre attitude — il faut reconnaître qu'il simplifie très confortablement le travail de l'agent moral, lui épargne toute recherche, toute angoisse, toute réflexion, lui évite de se poser le problème des «conflits de devoirs », lui assure une sécurité intérieure à bon compte.

Dès lors l'intention risque d'être un refuge — sinon un alibi — comme dans la morale de l'enfant qui s'évite des reproches en assurant qu'il n'a pas fait le mal«exprès ».

Pascal avait sévèrement critiqué dans sa septième Provinciale les directeurs de conscience qui assuraient qu'il suffit de valoriser l'intention pour justifier l'acte (par exemple vous pouvez tuer votre adversaire en duel à condition que ce soit pour défendre votre honneur et pas dans l'intention de commettre un meurtre gratuit ou encore dira, un siècle après Pascal, saint Alphonse de Ligori, vous pouvez refuser l'aumône au mendiant du carrefourà condition que ce soit dans l'intention de l'inciter au travail et non pas dans l'intention de le faire mourir de faim).Pascal disait de tels moralistes qu'ils «contentent le monde en permettant les actions et satisfont l'Evangile en. »

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