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J. Laforgue, « Complainte des Nostalgies Préhistoriques »

Publié le 24/05/2011

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laforgue

« L'imagination qui, déployant la hardiesse de son vol, a voulu, pleine d'espérance, s'étendre dans l'éternité, se contente alors d'un petit espace, dès qu'elle voit tout ce qu'elle rêvait de bonheur s'évanouir dans l'abîme du temps « (Le second Faust, Goethe); et quelle déception, quand la réalité qui nous rattrape est insipide! C'est le même poète qui déclare « j'aime celui qui rêve l'impossible « (Faust); or justement, il aurait sans aucun doute apprécié la poésie de J. Laforgue. Ce dernier, représentant du symbolisme, montre combien le rythme du poème peut se modeler sur celui de la rêverie: point de structure rigide ni d'agencement monolithique dans notre extrait des Complaintes (1885). Au contraire, J. Laforgue reste fidèle à l'origine populaire de la complainte, chanson composée sans art ou avec une trivialité calculée; cette nonchalance va jusqu'à placer la nostalgie d'un passé semi-mythique au coeur du poème. Est-ce à dire pour autant que notre texte est dépourvu de toute profondeur, et se présente comme une simple parenthèse d'insouciance encadrée par la trop fade réalité? Non, bien sûr, l'enjeu est bien plus profond: il s'agit de retrouver la vérité de la vie, d'être à nouveau capable d'entendre la musique de l'existence. 

laforgue

« Si notre texte se présente comme un tableau pittoresque, c'est d'abord parce que la complainte est une chanson populaire: s'il arrive qu'elle évoque des sujets tragiques, elle le fait toujours avec souplesse et légèreté. Nous sommes donc, semble-t-il, aux antipodes de l'austérité; ainsi, nous débuterons notre analyse en étudiant plus précisément les caractéristiques de la complainte.

Il faudra également évoquer le rythme et la versification singulière du poème, où là encore la nonchalance semble prévaloir.

En outre, cela nous mènera à reconnaître l'insouciance comme thème fédérateur autant que comme moment paroxystique de l'extrait. Il convient avant tout d'expliciter le sens de « complainte »: loin de signifier que l'auteur nous livre un simple lamento, elle désigne dès le XVIIIème siècle un genre de chanson populaire contenant le récit grotesque d'un évènement tragique.

Il ne faut donc pas se méprendre: ne nous attendons pas à un épanchement lyrique du poète, mais plutôt à une odelette à la Nerval, où la spontanéité et le naturel sont de mise.

Soulignons en outre que des formes fixes, les complaintes sont les moins codées: elles acceptent toute combinaison de strophes; notons ainsi que nous sommes en présence de cinq quintils en octosyllabes terminés chacun par un hexasyllabe.

Liberté encore dans la succession des rimes: à une schéma de rimes de type « ABBAA » dans les deux premières strophes succède un schéma de type « ABABB » - passage de rimes embrassées à des rimes croisées.

Sans chercher maintenant à interpréter cela, soulignons simplement la désinvolture du poète vis-à-vis de la forme de son oeuvre.

Comme nous sommes loin du rigoureux sonnet! Cette légèreté est d'ailleurs revendiquée dès le titre: toute la gravité des « nostalgies » est désamorcée par l'adjectif « préhistoriques ».

Comment, en effet, interpréter ce dernier? Il renvoie précisément à un « non-temps », à un état supposé de l'homme plus qu'à une époque; ainsi, toute mélancolie lui étant liée semble paradoxale.

En réalité, ce titre a une fonction bien précise: il va donner le ton du poème, ou plutôt celui de la petite musique que nous offre J.

Laforgue.

Il convient en effet de remarquer que les assonances en « i » qui sous-tendent tout notre texte: « Nous barbouiller le corps de fruits » (v.

19), « Puis, parmi des vierges débiles » (v.

34), sont annoncées dès les premières « notes »: « nostalgies préhistoriques », ou encore: « La nuit bruine sur les villes » (v.

1). Bref, là encore, aucune prétention de la complainte: nous ne sommes pas en présence d'une symphonie recherchée, mais plutôt d'un petit air que l'on se prendrait presque à siffler - ce qui ne signifie pas, bien sûr, que celui-ci n'est pas porteur de sentiments véritables et émouvants.

quoi qu'il en soit, nous savons déjà que notre texte va se situer aux antipodes de la poésie hermétique - pensons par exemple à celle de Mallarmée. Il convient cependant de vérifier ces remarques générales sur la forme du poème à l'aune d'un examen plus détaillé.

En premier lieu, remarquons qu'il semble que le caractère populaire de la complainte serve d'excuse à des vers approximatifs: en effet, doit-on compter sept ou huit syllabes au premier vers:. »

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