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Lagneau: Peut-on connaître sans juger ?

Publié le 15/03/2006

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lagneau
Analyse du jugement. - Cette idée de l'entendement que nous venons de déterminer, nous avons à la justifier par l'analyse de l'acte de la connaissance. L'acte de la connaître c'est le jugement. Connaître ce n'est pas se représenter, c'est affirmer ou nier (on affirme dans les deux cas). Quand je dis : la rose est odorante, je ne me borne pas à affirmer qu'il y a entre ces deux termes un rapport vrai ; je détermine ce rapport ; je dis qu'il est vrai que la rose est odorante. Il en est de même lorsque je dis que tout corps qui tombe dans le vide parcourt successivement des espaces proportionnels aux carrés des temps de sa chute. C'est comme si je disais qu'il existe un rapport vrai entre les espaces parcourus successivement et les temps pendant lesquels ces espaces ont été parcourus. Si je dis que dans une alternative il est nécessaire qu'on choisisse, par exemple qu'un Européen ne peut être que Français, Anglais, Allemand, Russe, etc., j'affirme qu'il est vrai que si l'une de ces déterminations ne convient pas à l'Européen, une autre lui convient. Enfin si j'affirme qu'entre deux grandeurs il existe un rapport, j'affirme par là même que j'ai devant l'esprit des déterminations abstraites des choses entre lesquelles j'aperçois un rapport d'identité ou de non-identité, comme deux et deux font quatre, deux et deux ne font pas cinq. Il en est de même si je dis que Paris est la même ville que la capitale de la France. Tous ces exemples prouvent qu'au fond de tout jugement se trouve cette assertion : il est vrai que... Le jugement, acte de l'entendement, est donc l'acte par lequel nous affirmons quelque chose comme vrai, qu'il s'agisse d'affirmer qu'un objet possède une qualité ou qu'un fait se passe suivant une certaine loi, ou qu'une certaine idée ne peut être réalisée dans une chose en possédant deux déterminations contraires, et qu'elle possède nécessairement l'une des deux, ou enfin que le jugement consiste à affirmer que nous saisissons un rapport d'identité, d'égalité ou d'inégalité entre deux représentations, le jugement consiste toujours à affirmer quelque chose comme vrai. La vérité affirmée ne peut n'être qu'apparente, mais elle est toujours affirmée comme vraie. Au contraire lorsque je me borne à n'avoir sous les yeux que des images, je ne détache pas dans mon esprit de cette image l'affirmation qu'un objet y est attaché. Tant que je me borne à me représenter cette image, je n'affirme pas cette proposition que l'image est un objet, que je ne juge pas. Je puis par habitude insinuer en quelque sorte un jugement confus dans la représentation ; mais la représentation ne consiste pas dans ce jugement. La preuve en est que lorsque nous supprimons ce jugement, nous n'en continuons pas moins à subir la représentation. Il arrive souvent en effet que la représentation persiste dans l'esprit en dépit des efforts que l'esprit fait pour s'en débarrasser. C'est cet acte d'affirmer quelque chose comme vrai que nous nous proposons d'étudier d'abord et qui est l'acte propre de l'entendement.

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