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Laissez parler les faits

Publié le 19/03/2004

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« On dit toujours : laissez parler les faits; le malheur, c'est que ces faits ne disent rien. » Commentez ces paroles d'Henri Poincaré. INTRODUCTION. - Au XIXe siècle, les sciences de la nature avaient fait, en se fondant sur l'expérience, des progrès spectaculaires qui avaient renforcé les tendances positivistes : pas de spéculations ou de systèmes a priori; « laissez parler les faits », répétait-on. A quoi le grand mathématicien POINCARÉ répliqua : « Le malheur est que ces faits ne disent rien. » Nous expliquerons et la consigne donnée et l'objection qui lui est faite : ainsi se précisera le rôle des faits dans l'élaboration de la science. I. - LAISSEZ PARLER LES FAITS. Cette recommandation ne concerne évidemment pas les mathématiques qui se construisent en marge des faits, c'est-à-dire du donné expérimental, Elle ne vaut que pour les sciences expérimentales, qu'elles aient pour objet la nature proprement dite ou les réalités humaines. Sans doute, dans ce vaste domaine, le premier mot est bien aux faits : le réel ne s'invente pas.

« II.

— CES FAITS NE DISENT RIEN. Pas plus que ceux qui profèrent le mot d'ordre qu'il critique, POINCARÉ ne prend évidemment pas au sens propre lesverbes « parler » et « dire ».

Il faut les prendre au sens figuré, en sorte qu'on pourrait remplacer les deuxpropositions qui s'opposent par les suivantes : « Laissez-vous instruire par les faits.

— Le malheur c'est que cesfaits n'apprennent rien.

» Mais même ainsi comprise, la réplique de POINCARÉ reste surprenante, car comment, sansles faits, construire la science de la nature ?C'est la prétention de fonder la science sur les faits seuls, pouvons-nous dire d'abord, que POINCARÉ a en vue.Claude BERNARD l'a en effet bien mis en relief, « un fait n'est rien par lui-même, il ne vaut que par l'idée qui s'yrattache ou par la preuve qu'il fournit.

» Dans les sciences expérimentales, le levier essentiel du progrès scientifiqueest l'hypothèse.Il convient d'ailleurs de le remarquer, POINCARÉ dit : ces faits et non pas les faits.

Les faits qui ne « disent rien » cesont ceux qu'on se contente de « laisser parler ».

Mais qu'on les fasse parler, qu'on les interroge en leur posant unequestion précise destinée au contrôle d'une hypothèse, alors ils parleront si haut que l'on pourra suivant l'expressionde Claude BERNARD, écrire sous leur dictée. CONCLUSION.

— L'observation de Claude BERNARD, dont POINCARÉ a donné la formule incisive que nous venons d'expliquer, est universellement admise.

Personne ne prétend plus que la science puisse se construire en laissantparler les faits et en les écoutant : dans ses rapports avec eux, le savant est plus actif que passif.

De là vient sansdoute que s'est répandue l'expression «lecture des faits» : on ne lit seulement pas avec ses yeux, mais avec sonsavoir, son intelligence, et quand il s'agit d'un manuscrit d'une écriture difficile, la reconstitution du texte demandeune grande ingéniosité.

Il faut une ingéniosité analogue pour lire les faits à partir desquels s'élabore la science.. »

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